Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
8 janvier 2022 6 08 /01 /janvier /2022 16:41

Emploi du temps itinérant en duc de guise de Bonne Année. Ou comment rentrer plus tôt que prévu en 14 jours, en espérant que cela ne soit pas constellé de fautes et m'excusant du style télégraphique un peu sec mais finalement bourré de détails.

 

 

Pré-Oman :

 

Achat de billets d'avion avec philou.

Location de voiture

Itinéraire diversifié, spectaculaire, pratique

Découverte que mon passeport expire dans 4 mois

Philou n'a pas de permis international.

Changement de plan. Philou part en Espagne.

Re-billets d'avion pour Oman pour moi

Location de voiture

Visa, enregistrements divers, assurance santé rapatriement (localement obligatoire, habituellement dispensable), réservation de 1ère nuit d'hotel (localement obligatoire, jamais envisagé avant), PCR

 

 

 

Jour 1 (09/12/21)  : Arrivée à Mascate à 7h10. Soucis de CB pour la location de voiture. Contacts téléphoniques avec mon banquier. Supplications, sourires, atermoiments, multiples siestes de SDF dans le hall de l'aéroport et  dans le désordre. Sortie de l'aéroport à 14h30 après avoir été obligé de souscrire à l'assurance la plus chère du catalogue. La prise en main de la 'Oiture (Kia Sportage, 2.4 y a marqué) est délicate surtout en commençant dans un parking d'aéroport , ça excède de loin mes proportions habituelles. J'oublie le frein à main qui, en l'occurrence, est au pied. 63063Kms au compteur, comme neuve, peut-être quelques bosselettes devant/dessous. Comme neuve. Circulation dense, 3 / 4 voies de rigueur, nombreux 4x4s gros comme des studettes. Flambants neuves les studettes. Hotel face à l'hypermarché. Courses rapides et moins cher que chez Lidl (pain, nombreux fruits, yoghourts qui explosent dans le sac, biscuits, fromage à tartiner, beurre de cacahuètes, plein d'eau, du jus de fruits pour parfumer l'eau, et consorts). La nuit tombe à 18h. Dîner devant la rocade, cette chose face à la mer pas qui prolonge l'autoroute. Pour y aller, route / tranchée dans la montagne. Dans la chambre, une flèche au plafond indiquant la direction de la Mecque. Couché à 22h.

 

Jour 2 : Réveil finalement tardif à 9h, d'habitude un milieu de nuit. Reprise de rythme, départ à 9h30. Volonté de rejoindre Salalah la deuxième ville du pays et à l'autre bout. A la sortie de Mascate, un panneau indique 996Kms. La route, celle des terres, plus directe, qui pour l'essentiel croise le Rub Al-Khali, alias le grand rien qui n'a jamais eu autant un nom. D'abord, montagneuse, j'y croise une camionnette chargée de mes premiers dromadaires. Puis, plus loin, qui gambadent à 500m, introduits par des panneaux routiers préventifs forts à propos. Puis plus rien. Ni du caillou, ni du sable, ni de la poussière, une frontière, l'horizon. Sur 600 bornes avant que le soleil ne fanent face à ma face. Fatigue, peur de finalement heurter un dromadaire (c'est énorme un dromadaire, nettement plus grand qu'un cheval, même un grand cheval), je me range sur le bas-côté puis plus bas que le bas-côté alors qu'il fait déjà nuit noire. Longé par les seuls camions qui font la route H24, au milieu de quelques déchets sous-jacent au bas côté, je ne sors pas la tente. Installation, une première personnelle de la sorte, avec matelas gonflable étalé sur tout l'arrière de la 'Oiture avec sièges arrières rabaissés. Sauf que complètement incrédule, alors que je sors de la voiture par le coffre et le ferme, la clé dans le néo-dortoir, me retrouvant dehors en jeans et T-shirt, pas une goutte pas une clope, je me retrouve inexplicablement enfermé dehors. Aucun ouvrant ne s'ouvre. L'horreur. Je tire, je jure. Rien. Mise en position de long de la route avec bras en croix, en crawl ou en papillon. Passé par quelques camions, une voiture s'arrête. 3 jeunes hommes omanais s'offre en aide jusqu'à proposer de m'emmener plus loin eux-mêmes. Intimidant quoi qu'incroyablement charmant. Coups de fil locaux, à la compagnie de location, à des locaux. Rien de décisif. Avec 150Kms de rien devant et 600 derrière. Celui dont les autres considère qu'il est fou me conseille de casser la dernière petite vitre arrière côté portière avec une grosse pierre. Il m'en tend même une. Les nerfs. Il la pose. Les nerfs. C'est finalement la meilleure solution. Je prends la pierre à deux mains, puis tente de plus en plus gaillardement, pour seulement quelques égratignures à la vitre. Les nerfs. Rebelote. A la nouvelle dixième fois, c'est fait : la vitre est explosées en milliers de fragment dans le dortoir. Je vais pouvoir dormir sur mon matelas gonflable, finalement crevé, non sans avoir auparavant tenté d'extraire un maximum de débris coupants, et non sans mettre occupé de ma main gauche ouverte en de nombreux endroits dont une coupure au poignet qui saigne abondamment et saluer mes Saint Bernard du désert. Dehors, des millions d'étoiles éclairent le ciel mais j'en n'ai rien à secouer. Avantage à dormir sans fenêtre, il fait très agréablement doux. Inconvénient : alors qu'il ne semble jamais y avoir eu d'eau dans l'histoire des alentours, des moustiques sûrement mutants me font ma fête.

 

Jour 3 : Réveil à 7h par le ronron des quelques camions qui défilent. Il fait finalement frisquet. Décollage à 7h05. Un seul objectif : le comptoir d'Europcar à l'aéroport de Salalah à 200km de là. Sur place, je suis pris en charge par un employé tout droit venu du Kerala. Il m'accompagne dans le quartier des vendeurs de pièces détachées. On n'y trouve rien. On va chez le concessionnaire Kia, et là tout s'arrange. La pièce mettra deux jours à arriver. Ca fait donc deux jours à attendre. Soit. En attendant, on me propose un autre véhicule de remplacement que j'accepte volontiers. J'accepte aussi la tentation de réserver une chambre d'hotel dont le balcon donne sur la mer. N'ayant plus de matelas et après ces 1ères péripéties, j'ai envie de me soigner. Demain, c'est le retour espéré à la pampa mais ce soir, je reste dans le voisinage. Comme nous sommes samedi, de nombreux locaux prennent possession de la plage jusqu'à y amener leur 4x4. A la nuit venue, une famille a tendu plusieurs tentes de bédouins. L'une d'entre elles fait office de salle de cinéma grâce au rétroprojecteur ramené lui aussi. Pendant ce temps, leurs voisins relancent leur feu de camp à l'aide d'essence.

 

Jour 4 : réveil à 9h, un quart de la journée a déjà filé. Les bédouins du samedi soir sont partis mais ont laissé tous leurs déchets à même le sable. Des employés indiens, bengladeshis ou pakistanais passeront surement. Petit dèj' devant la mer et re-sieste post-traumatique. J'hésite même à y passer la journée. Sauf que non, je libère les locaux avant 11h. Première des choses et nouvelles réparations de torts de la veille, racheter un matelas de camping. Une fois la boutique adéquate dénichée, les matelas sont là. Seulement, rien de gonflable. Je jette mon dévolu sur un tapis de sol rembourré du meillleur effet si, même plié, il n'était pas plus grand et large que mon sac à dos déjà caractérisé hors-gabarit. Une fois déplié, il est exactement aussi grand que la tente. Donc c'est au moins aussi confort que pas pratique, notamment pour ramener à Paris. Sauf que comme il est increvable, il ne risque pas de crever, donc il servira dès le soir venu. L'après-midi débute à peine quand, avec ma voiture de remplacement, on prend la direction des montagnes au nord-est de Salalah, comme une sorte de haut plateau striés d'entailles profondes. L'une d'elle s'appelle le Grand Canyon de Salalah, c'est un rien présomptueux. Je manque d'écraser un caméléon et j'en félicite. Puis j'aperçois mon 1er dromadaire, puis très vite mon 10ème, puis très vite encore mon 100ème. Ca grouille autant que ça se dandine en mangeant quelques herbes. Je passe ensuite côté est de Salalah pour d'autres courtes montagnes et ma première source, deuxième occasion de pousser un waouh dans le pays depuis la découverte de ma chambre de la veille. L'eau mélange saphir et émeraude, l'attrait est immédiat. Et la tentation de se baigner immense si ça n'ait pas pour le large panneau bordant le bassin et indiquant la présence dans ses eaux de champignons tueurs aux aguets d'orteils un peu trop curieux et pas assez prudent. Pas de baignade donc. Mais une prise de tête quand même lorsque, alors que je reviens à la voiture après quelques clichés, ses clés sont introuvables et finalement tombées de ma poche à quelques dizaines de mètres et à fleur d'eau. Un bon quart d'heure pour les retrouver. Je dégotte ensuite une deuxième source à quelques kilomètres de là. Celle-ci alimente un des très rares lacs permanents du pays, là où à cette période de l'année, bon nombre d'éleveurs de dromadaires viennent occuper les lieux avec leurs bêtes. Au milieu de la route, de la rivière, ils sont partout. Mais le plus spectaculaire, c'est encore l'eau qui dévale en de nombreux embranchements et courtes cascades la plaine fertile. J'installe la tente (sans toit, seulement moustiquaire) à quelques mètres d'un clapot qui me bercera toute la nuit. Avant de m'endormir, un âne passe et refuse une tomate partagée avec amour. Il est 19h30 quand j'ai les dents brossées et qu'on passe au lendemain.

 

Jour 5 : Réveil à 7h dans les 1ers rayons du soleil réalisant que je partage maintenant ma terrasse avec deux nouveaux dromadaires qui ne paraissent pas moins gigantesque lorsqu'on ouvre les yeux sur eux après une bonne nuit de sommeil, et qu'on est allongé au sol à portée d'haleine ou d'orteil. Ils ont même l'air de se demander ce que je fais là. Il n'y a personne d'autre que nous et d'autres dromadaires à l'horizon. La matinée se passe à attendre midi pour récupérer la Kia en visitant une ancienne ville fortifiée donnant sur la mer. Sauf qu'il y fait presque trop chaud, je plains les visiteurs venant à toute autre saison de l'année. Je retourne ensuite à la 2ème source de la veille, Ayn Razat, pour un bain enchanté au milieu des oiseaux et autres libellules. A 12h, Adarsh, l'adorable employé d'Europcar me prévient que la Kia est à nouveau comme neuve. Je repasse à l'aéroport en invoquant des pourvu-que-ça-dure. Je peux alors envisager de reprendre le trip là où je l'avais laissé, les poignets pas encore tailladés, direction la route cotière. Sauf qu'après 30 bornes, je déniche une nouvelle route partant vers de nouvelles hauteurs. Des baobabs et un renard plus loin, la route s'arrête sur un perchoir rocheux dominant la plaine bordée de mer. Des oiseaux s'entrainent à des accrobaties tout en jouant dans les courants d'air. Un chemin longe le vide, l'occasion d'une petite trotte emplie de vertige. Peu avant 18h, je plante la tente dans cet environnement fait de pierre et d'air. La falaise à quelques mètres est identifiée et le frein à main enclenché. J'assiste au lever de lune, un plaisir seulement troublé par un accident de yoghourt dans la sac. Quand même, je revis.

 

Jour 6 : Au réveil d'une nuit passée à rêver que ma tente s'envolait direction le ravin avec moi dormant dedans, l'altitude aidant, il me tarde de rejoindre le niveau de la mer tant il fait frais. Retour à la route cotière qui, pendant de longs kilomètres est une route de montagne supportée par des infrastructures impressionnantes. Une large et propre tranchée permet à la route de serpenter et de profiter de cette route qui semble privée tant je n'y croise personne sauf un barrage routier tenu par des militaires qui n'incitent pas à la plaisanterie. Passage par la station service où je passe un long moment à activement cherché mon portefeuilles finalement tombé sous le sieste passager et dernier endroit à être inspecter dans la bataille. Sur une déviation peu inspirée, alors que je suis invité par des traces de pneus à rejoindre quelques petites dunes, je m'ensable. Après avoir dégager le sable d'autour des roues, tapisser la voie de cailloux trouvés ça et là, et transpirer nerveusement de l'adrénalyne et de la situation , je suis sorti à ma 2ème tentative. Retour à la route, je promets qu'on ne m'y reprendra plus. Déjeuner d'un riz frit au poulet suffisamment frugal pour aussi être servi pour le dîner. Puis c'est le retour au plat jusqu'en fin d'après-midi, heure du plantage de tente, en chemin toujours immergé dans ce qui ressemble encore au Rub Al-Khali et qui n'est pas très engageant. J'envisage un lieu de bivouac au bord l'eau mais c'est si loin que je perds ma course automobile contre le soleil. En chemin, absence de radars et vitesse constante à 120km/h jusqu'à être surpris par un dos d'âne stratégiquement mal situé, quelques dizaines de mètres après un panneau Vitesse-maximale-100km:h. J'arrête ma course au bord d'une plage en lisière de petite ville, sûr de ne pas pouvoir m'y perdre. J'anticipe à pieds chaque passage de la voiture dans le sable pour ne pas y rester coincé. L'endroit est désert. J'en profite pour squatter en y plantant la tente un batiment désaffecté idéal pour la nuit. Je suis aussi rejoints dans la soirée par des locaux de passage qui ne s'attarderont pas sauf à se planter dans le sable à leur tour. Fin du riz du midi. Apparition de quelques 1ers nuages dans le ciel, nuages dont il y a fort à parier qu'ils auront fondu au réveil.

 

Jour 7 : Il est 6h30 quand je suis tiré du sommeil par des employés là pour nettoyer quotidiennement la plage. Comme dans les restaurants, stations service, supermarchés et autres chantiers de bord de route, mes interlocuteurs sont indiens, bengladeshis ou pakistanais. Ce matin, c'est indien et plein de bonne humeur quoique rapide. Il est 6h45 quand je décolle. Au programme, toujours la route cotière qui passe plus souvent à 10 kilomètres des côtes qu'autre chose. J'ai alors l'espoir de pouvoir embarquer à 200km de là sur un ferry traversant la mer jusqu'à un île : Masirah où je suis sûr de pouvoir profiter de la Grande Bleue dans le paysage et pour une baignade. Nouvelle course, j'arrive à 11h57. C'est étonnant comme ça s'enchaîne bien aujourd'hui. Dèj' sur Masirah à deux pas du débarcadère servit par un nouveau monsieur du Kerala. Je n'ai alors plus qu'à égrainer l'après-midi en allant voir, s'il est possible, de visiter chaque endroit posé au bout de quelque route de montagne que ce soit. C'est aussi que la route qui fait le tour de Masirah est asphaltée et se prête donc mal au sentiment d'aventure, alors que dans les terres, c'est tout piste. Et alors que j'emprunte l'une d'entre elles, une référencée sur le GPS, une autre quasi identique même si non identifiée part vers la droite. Son signe particulier quand même, on y repère au loin des palmiers qui font bien sur cette terre de sécheresse. C'est un carton d'invitation qui ne se néglige pas. Je m'engage alors dans le chemin tracé dans le lit sablonneux d'une rivière disparue. Le sable, à mesure que je progresse, s'affine passant du dur à de la poudreuse. Bientôt, alors qu'en aucun cas je ne peux m'arrêter ou faire demi-tour, j'en suis à rouler pied au plancher, au milieu de rien sur cette piste invisible du reste du monde où, malgré les traces, personne ne passe jamais. Parfois aussi, je peux descendre de voiture pour aller voir à pieds et en éclaireur ce qui m'attend de piège en tout genre. Parmi ceux là, alors que je traverse un de ces longs passages où tout arrêt est inenvisageable et où je vais quasiment aussi vite que possible, je suis rejoins par le devant par une double bosse, dont la première, si on va trop vite, vous envoie illico vous planter dans la deuxième. Un choc lourd et la voiture s'écrasant de tout son poids sur ses suspensions pourtant solides plus tard, je regarde dans mon rétroviseur et constate consterné que j'ai laissé derrière moi et en travers de la route toute la protection moteur sensée protéger la voiture des chocs par en dessous. Honteux quoique toujours douché d'adrénaline, je descends, ouvre le coffre et charge ce qui est finalement un lest dans le coffre. Une heure après avoir entamé ce rallye improvisé, j'y suis encore. Il va être temps d'en sortir. Et quelques chaleurs plus loin où j'ai beau appuyer sur le champignon, la voiture menace de passer sous les 1km/h tant ca mouline, je rejoins la route côtière. Au premier village, je tombe sur une poubelle collective et me défausse de ma pièce détachée tout en jurant qu'on ne m'y reprendra plus. Plus loin, je tombe sur une route asphaltée qui fait finalement la traversée est-ouest de l'île. Je l'emprunte. Ca dure 5 minutes quand ça prend une heure de temps et des remorques de stress par le sable. A la fin de l'après-midi, alors que je me rapproche de la pointe sud de l'île, un promontoire dominant la mer s'offre au bivouac. Sur sa gauche, une plage de sable blanc. Sur sa droite, une plage de sable blanc. Tout pareil sauf que sur la gauche, comme dans beaucoup d'endroits à Oman, les déchets laissés là au hasard s'offrent à la plante des pieds en même temps d'une arrête de poisson si solide qu'au premier contact, elle s'est enfoncée loin dans mon pied. Encore un signe, je me baignerai à droite. Toujours seul au monde. A l'heure du crépuscule du crépuscule. Rinçage improvisé à l'eau minérale. La lune, maintenant à ¾ pleine finit d'éclairer le tout. Coucher à 20h bercé par un nouveau clapot bienvenu.

 

Jour 8 : Réveil à 6h30. Je prends mon temps avec raison. Il s'avérera en en faisant le tour que mon petit bout de plage est le plus bel endroit de Masirah. Décollage à 8h, mon bateau est à midi. La côte est de l'île est plate et désertique au possible. Je tente en chemin d'apercevoir la sortie de mon itinéraire bancal et ensablé de la veille. Sans succès tant ça n'était pas une route. Plus tard, alors que je suis un vieux monsieur au volant de sa voiture, je le vois se débarrasser d'une cannette à peine finie. Ca m'échauffe les sens, je le suis sur une dizaine de kilomètres jusqu'à ce qu'il s'arrête. Ni une ni deux, je m'arrête à sa hauteur, descends de mon véhicule et lui remplis l'oreille d'un mélange de colère et d'incrédulité tellement savamment dosé que le monsieur reconnaît son tort et qu'on ne l'y reprendra plus. Il se rappellera aussi pour un moment du petit français qui fait des leçons de poubelle. Je suis au port à 11h et à 13h30 sur le continent. Retour du la route cotière avec des envies de rendre service. Ca faisait plusieurs fois alors que j'étais en course contre la montre contre le soleil ou le bateau, que je manquais de m'arrêter pour prendre des autostoppers locaux. Aussi, aujourd'hui, à la première occasion, je m'arrête et fais place nette sur le siège passager qui ressemble de plus en plus à une expression du Syndrome de Diogène.Mon p'tit gars ne parle pas anglais mais apprécie la musique. 10Kms après, il est arrivé. J'ai fait ma BA et lui, son plus beau sourire. Et 5 minutes plus tard, ça recommence, Un homme dans les 50 ans, à qui il manque toutes les dents de devant, monte à son tour. Il ne parle pas anglais non plus. Après une quarantaine de kilomètres d'une route entre les dunes de sable, il est encore là. J'en viens à penser qu'il aime tellement mon convoyage qu'il se laisserait conduire jusqu'au bout de la Terre sans jamais me dire de m'arrêter. Tant pis pour les photos que j'aurais pu faire en chemin comme des toilettes particulièrement atypiques. Mais je ne veux pas qu'il me prenne pour un scatophile fétichiste de toilettes qui doivent lui sembler banales. Puis, alors que mon édenté souriant est encore là, un autre petit gars patiente au bord de la route. Place est faîte sur la banquette arrière de telle sorte qu'il puisse s'assoir confortablement. Le siège voisin devient une montagne informe de tout ce que contient la voiture et qui ne soit pas dans le coffre. On repart. Lui non plus ne parle pas anglais, ça le rend d'autant plus touchant si l'on considère que lui aussi est apparu au milieu d'un environnement dont on peut considérer qu'il est vide. Après une vingtaine de kilomètres supplémentaires, mes passagers toujours là, le bas-côté découvre une montagne qui n'est pas sans ressembler à la crête d'Aurère, montagne de la Réunion parmi les plus spectaculaires qui soient. M'excusant auprès d'eux qui ne tarderont pas à trouver un autre carrosse, je quitte la route et coupe à travers la lande, suivant de maigres traces laissées par d'autres. La montagne est au bout. Sauf que très vite, il s'avère que je suis de retour dans le sable mou. Et que j'ai beau mettre les gaz, je suis immobilisé dedans alors que la route est désormais hors de vue. Ne reste plus qu'à pelleter de nouveau, tapisser de cailloux l'espace dégagé et croiser les doigts. C'est insuffisant. Une fois, deux fois, cinq fois. Les roues tournent jusqu'à s'ensabler de nouveau. C'est d'autant plus exaspérant que, chaque fois, mes cailloux disparaissent sous la couverture de sable et qu'il me faut en trouver d'autres... Jusqu'à en manquer. En rade de caillou et d'idée, ne me reste plus qu'à me calmer, laisser la voiture là, retourner à la route à pieds et espérer la cavalerie. Et la cavalerie est là en la personne d'un père, éleveur local et conducteur aguerri de 4x4, et son fils qui réponde à mon language corporel de Chaule Pleureur, mi-chat qui apitoie, mi-saule qui pleure Je ne suis pas encore sur la route que je fais des croix avec les mains, des moulinets avec les bras. Le père s'arrête, m'invite à monter à l'arrière et de prendre bien soin de ne pas écraser le chien qui y dort déjà. On rejoint ma voiture sans difficulté. Mon ange-gardien dégonfle mes pneus comme il aurait fallu que je le fasses. Il actionne le bouton 4x4 de ma Kia dont je ne savais pas qu'il exista (sic). Avec son fils, on pousse pendant que le père accélère délicatement. La voiture qui la mélasse en grains et revient en bord de route. Je les remercie avec toute la nourriture et la boisson que j'ai le temps d'attraper avant qu'ils ne disparaissent dans de grands sourires, le chien dormant toujours. La décompression nerveuse est d'autant plus délicate que je réalise que depuis une semaine, je pense rouler en mode 4x4, la voiture en étant une, mais que ce n'est pas le cas tant il faut encore appuyer sur un bouton. Bref, entre ça et l'ensablement, on ne m'y reprendra plus. Je laisse la crête d'Aurère à Aurère et la montagne dans mon dos. Passage par une station service pour un regonflage de moral autant que de pneus. Il est maintenant 16h30, 45 minutes avant que le soleil ne disparaissent, il faut déjà chercher où dormir. Loin du sable, c'est mieux, je choisis de quitter la route côtière. Jusqu'à traverser une zone urbaine de long de route. Sur des kilomètres de ce que sont maintenant des embouteillages d'heure de pointe , je longe marchands de canap', d'ustensiles de cuisine, pièces détachées pour voitures, machines outils, et j'en passe. J'y suis encore à la nuit tombée. Il est temps de passer au plan F tant j'en égraine : un parc apparemment à 20km de là. Ca paraît illusoire mais allons bon... En chemin, je tombe sur un barrage de police où on me demande, entre autre, les papiers du véhicule sur lesquels je n'arrive pas à mettre la main ni dans l'instant, ni dans celui d'après. Le préposé, d'abord souriant, puis impatient, puis compréhensif, dans cet ordre, m'invite à passer, sûrement pour s'éviter à lui, aux autres automobilistes qui trépignent derrière, et à moi même une crise de nerfs. Donc au bout de six bonnes minutes, je libère la place, préparant mentalement l'énorme ménage à venir. Il fait noir quand j'arrive au parc qui est en fait une aire de jeu pour enfants devant une forêt clairsemée d'acacias, éclairée par quelques réverbères inondant le tout d'une teinte blafarde. Pour plus de discrétion, j'envisage le labyrinthe que constitue, de nuit, la forêt d'acacias. Je m'y perds presque. Dehors, le vent souffle assez de poussière pour que mes phares l'éclaire plus que ce qui se trouve derrière. Je m'en rends d'autant mieux compte quand il faut sortir de voiture pour dégager la voie de piles de pneus ou de branches tombées là au hasard. Il est finalement 21h quand je m'arrête enfin à la faveur d'un endroit à l'abri des bourrasques. Il est 21h45 quand je retrouve les papiers de la voiture. J'ai une impression d'éloignement vite contredite par l'appel à la prière lancé à quelques centaines de mètres. Je fais celle de mieux me démerder le lendemain.

 

Jour 9 : Après ces quelques péripéties des derniers jours, qu'il en soit ainsi, ce soir, je dors dans un lit. Alors je réserve une tente... Dans le désert, ou localement, les Sharqiya Sands. RDV est fixé à 15h30. Ca me laisse tout le temps pour une trempette et une première découverte du Wadi Bani Khalid, enfant chéri des sites touristiques du pays. Au bout d'une étroite route sinueuse au fond d'une vallée cernée de montagnes, on longe un maigre cours d'eau, lui même longé de réseau de canalisations alimentant de florissants jardins, jusqu'à une succession de bassins et autres piscines naturelles, aménagé pour pouvoir accueillir de la famille qui pique-nique au randonneur qui tournique. Perso, j'y plonge une tête, et apprends au détour d'une conversation avec un gardien des lieux qu'on peut aussi y dormir. Sans même avoir à demander. Ca semble tellement idéal que ce sera pour le lendemain. En attendant, je dis au revoir, et pour rejoindre le rendez-vous du campement dans les dunes, je déniche, une fois n'est pas coutume, une nouvelle route qui n'en est pas une puisque c'est une piste, laquelle serpente entre collines et montagnes, saluant au passage quelques rares arbustes pas bien gaillards tout en souhaitant bien fort qu'il n'arrive rien de fâcheux tant je finis par croiser deux voitures en deux heures. Ponctuel au RDV, je rencontre Rachid, alias Scooby, le patron du camp, qui m'annonce tout net que ma voiture n'est pas assez tout terrain pour rejoindre le camp, à 10km de là, à travers dunes. On prendra la sienne. On rencontre aussi Nicolete et Arjan, jeune couple néerlandais avec qui je partagerai le camp, en plus de Salim du Bangladesh, le cuistot. L'ambiance est convivial, les tentes confortables, le dîner frugal, le sable entre les orteils et partout autour. Jusqu'au coucher du soleil, on peut entendre au loin des dizaines d'omanais qui font rugir leurs moteurs et dévalent les pentes comme des gens normaux prendraient du plaisir à le faire à pieds. Après, on n'a plus que les étoiles pour voisines. Impossible de souhaiter individuellement à chacune une aussi bonne nuit que fut cette journée. Coucher à minuit.

 

Jour 10  : Réveil avant le soleil, déambulation au sommet des dunes, balançoire dans les premiers rayons. Petit déjeuner suivie d'une douche quasi-irréel considérant le désert autour. On dit au revoir au camp vers 10h30 et je retrouve ma Titine peu après. Aujourd'hui, je n'ai pas particulièrement envie d'en faire des caisses d'autant qu'au soir, je dors à la belle au Wadi Bani Khalid, toujours à quelques dizaines de bornes de là. Incapable de trouver une nouvelle piste, je prends la route. Sur place, c'est bien moins fréquenté que la veille, mais suffisamment pour que je remonte le wadi autant que possible comme autant d'aventures offertes tant par la marche que par les nombreux bassins érodés qui s'enchaînent autant qu'ils invitent aux ploufs. Le chemin traverse le cours d'eau une paire de fois. Plaisir d'un décrassage de jambes autant et de passages du soleil à l'ombre. Au bout, une grotte puis un canyon où on me recommande de ne pas m'aventurer, ce que je fais quand même, les hautes parois au dessus de la tête, sans qu'il n'arrive rien d'épique si ce n'est être bloqué par les rochers de la taille de maisons au point de devoir faire demi-tour. Retour au bassin principal, également hôte d'un bar/resto, à 15h. Et toujours un peu de monde. Un shawarma plus loin, il est 17h, heure de fermeture du bar sur bassin. Le soleil est déjà planqué derrière les montagnes alentours. Il ne reste plus que quelques rares voitures sur le parking. Je m'y équipe de mon trousseau pour la nuit d'autant plus impressionnant que j'ai mon matelas de sultan portable à bout de bras. Quittant la voiture, je croise et salue les derniers qui rentrent. Me concernant, j'y distingue des enthousiastes et des interrogatifs. Et à 18h, je suis seul dans cet endroit digne des premiers jours du monde. La nuit arrive en même temps que la pleine lune se lève. Des chauves-souris tournoient. Les chants de centaines de grenouilles qui n'hésitent pas à s'enfiler devant la tente finissent de remplir l'espace. Certaines autres n'hésitent pas non plus à se lover sous la tente posée à un mètre de l'eau, à tel point que j'ai dû la déplacer pour être sûr de n'écraser personne. Bain de minuit à 22h. Le plus beau terrain de jeu du pays devient tour à tour jardin. salon, salle de jeux, salle à manger, salle de bain, chambre. Je rêve éveillé jusqu'au coucher alors que des chats se frittent au loin.

 

Jour 11 : Le réveil au Wadi Bani Khalid est tout à la quiétude. Les oiseaux viennent boire, suivis par les chèvres. Quant aux humains, je suis toujours l'unique specimen. Le site, dont le Lonely Planet indique qu'il vaut à lui tout seul un voyage à Oman, est toujours tout mien. Ca s'arrose par une nouvelle baignade toujours tellement matinale que j'ai déjà remballé à l'arrivée des nettoyeurs. Je ne sais pas encore quoi faire de la journée mais, comme la veille, j'ai au moins un terminus : le Wadi Shab, supposément une autre vallée au bout de laquelle une nouvelle farandole de bassins s'offrira à mon usage exclusif si tant est que je puisses y dormir. Le Lonely Planet indiquant d'ailleurs sur une de ces pages que ça y est interdit. En attendant, je cherche d'abord en vain une piste de montagne ou de brousse, sinueuse comme je les aime, sauf que sans succès. C'est par l'autoroute que j'arrive au Wadi Tiwi. D'une longueur de plusieurs kilomètres, il est longé par une route à bosses, à lacets, à précipices qui passe tantôt au bord de l'eau, tantôt par des villages où le temps semble s'être arrêté si on excepte les 4x4 conduits par tous, tantôt par le bord du gouffre.Parfois, sur des centaines de mètres, il n'y a de la place que pour une voiture. Heureusement, je n'y croise personne. Sauf Hassan, 17 ans. Il est avec ses potes au bout du chemin et il attend le voyageur, je suis servi. Ni une, ni deux, il m'invite à le suivre jusqu'à une cascade. Le chemin passe par les jardins des habitants que je salue au passage, suivant parfois les branches d'un réseau d'irrigation efficace autant que photogénique. C'est inégal dans les pas et ça descends dru, 300m et plus entre le village et le fond de la vallée où coule le Wadi. Il faut parfois se mettre à quatre pattes, parfois escalader. Jamais je n'aurais pu trouver le chemin tout seul. Ou ne pourrait le retrouver au retour. En bas, les bassins émeraude s'enchainent et la partie prend de plus en plus des airs de canyoning jusqu'à la cascade, majestueuse au possible.Hassan retourne, sur sa proposition, chercher mes affaires dont l'appareil photo qui m'accompagne partout (cf : le lendemain) mais qu'il n'eut pas été prudent de prendre dans des bassins glissants ou profonds, c'est selon. Hassan revient, me raccompagne au village et à la voiture au bout d'une belle ascension, et négocie comme un chef sa rétribution en augmentant tour à tour sa proposition initiale. Ca commence à 10 Rials, puis 20, puis 50. Ca sera 20, Un autre enfant d'environ 8 ans s'approche et tente sa chance : « parking, parking!».Il repartira clairement déçu même si les mains pleines de victuailles. Sortie du Wadi par la même route qu'à l'aller avec la même réussite de n'y croiser personne aux moments critiques. Je fond ensuite sur le premier resto venu, commande deux shawarmas à emporter. C'est qu'il est 16h, il est temps d'aller au lit, au Wadi Shab, dont l'accès n'est qu'à quelques kilomètres de là. Et l'accès, c'est d'abord de lâcher la voiture pour prendre une barque après qu'on m'ait finalement le droit d'y poser une tente. « Et pourquoi n'aurait-on pas le droit ?» me dis même un préposé. J'ai mon invitation, mon trousseau, mon matelas, mes sharwarmas. Après cinq minutes de traversée et alors que le la lumière décroit déjà, le clou du spectacle et mon lieu de bivouac sont encore à 45 minutes de marche pendant lesquelles, comme la veille, je croise ceux qui rentrent. Personne d'autre ne va dans mon sens. Je m'arrête dégoulinant après avoir longé un nouveau réseau d'irrigation ancestral, après avoir croisés deux vieux bergers qui seront les derniers passants, et me pose dans la proximité du clapot de l'eau au milieu des roseaux sur la seule parcelle assez large et plate pour pouvoir y installer la tente. C'est que comparé au Wali Bani Khalid, le Wadi Shab est brut de pomme et le risque de chute omniprésent lorsqu'on s'y déplace à pieds et à flanc de montagne. La nuit tombant rapidement, j'ai tout juste le temps d'un bain à quelques mètres. Je suis couché à 18h30 ce soir là, à me ravir du retour du chant des grenouilles et à désespérer de la présence d'une famille de sortes de cigales dont le chant est continu, monocorde et puissant comme un moteur de fusée. Le lever de lune est masqué par la pente qui me domine, il fait nuit noire. Je mange bien un shawarma mais c'est tout. Me promettant que ce n'est qu'une sieste, espérant rouvrir un œil quand la lune sera sortie, elle m'aveugle finalement alors que m'émerge à 1h. La basse cour s'est tue, je replonge jusqu'au petit matin.

 

Jour 12 : Le tour du cadran plus tard, j'ai toujours le Wadi Shab pour mon usage et plaisir exclusif. J'en profite pour un petit réveil musculaire sous la forme d'une promenade à flanc de falaises surplombant le Wadi, malgré le panneau qui indique aux touristes que l'itinéraire est dangereux donc prohibé et à contre sens de là où étaient arrivés les deux bergers. Les bergers avaient des cannes et dans les 75 ans. Je progresse finalement jusqu'à ne plus pouvoir, jusqu'à ce que le maigre sentier semble exclusivement pouvoir servir à des chèvres acrobates. C'est le demi tour pour un petit déj' à la tente. Je cherche mon deuxième shawarma. Il est là, c'est sûr, j'ai mangé son cousin à cet endroit exact quelques heures plus tôt. Sauf que j'ai beau chercher partout une fois, deux fois, trois fois. Je pense devenir dingue jusqu'à tomber sur un indice. Sur le tissus de ma serviette posée sur un large rocher, on peut distinctement voir des pattes de félins trop petites pour être celles de lions, parfaites pour être celles de chats. De chats chapardeurs qui plus est, une espèce endémique prête à tout pour un sandwich de la veille. Résultat, donc : le petit déjeuner est moins frugal qu'escompté et la montagne probablement souillée du papier alu d'emballage que le chat a aussi pris soin d'emporter avec lui... Puis c'est la découverte du Wadi Shab par le fond alors que la lumière du soleil est encore bloqué derrière la montagne, comme la lune avant lui. Le but est de remonter par l'eau où on n'a pas souvent pied et où, quand c'est le cas, c'est de toute façon trop glissant pour tenir debout. Je suis donc là, tout seul, à nager entre les falaises, seulement équiper d'un sac étanche oublié jusque là dans lequel j'ai pris soin d'emporter entre autre serviette, snack et boisson, l'appareil photo vieux de 10 ans. Quand il flotte, le sac ressemble à une grosse bulle de couleur, le cul seulement lesté par son contenu. Quand il ne flotte pas, il pend, c'est un sac. Je progresse donc sans crainte malgré le danger évident d'une crampe qui peut toujours rendre visite ou d'un caillou/rocher qui tomberait d'au dessus. L'eau, bien que profonde, est plus chaude que l'air, le lieu et le moment sont hors du temps. Toujours immergé, ça progresse jusqu'à un renfoncement pénétrant dans la falaise. Les pieds sont toujours à nager la brasse, pendant que seule la tête a la place d'émerger au milieu d'un étroit couloir apparemment sans fond mais d'où parvient ce qui ressemble au chant d'une nouvelle cascade. Et en effet, toujours sans pouvoir envisager poser les pieds sur quoi que ce soit, je quitte le corridor et pénètre dans une grotte semi-imergée dans laquelle l'eau de surface est seulement déranger par une cascade d'une petite dizaine de mètres du plus bel effet, elle même dégoulinant d'une ouverture dans le toit de la grotte. Il y a même une échelle qui permette d'y monter. Sauf que non. Trop tape cul, trop glissant, trop tout seul, je me fais apôtre de prudence autant que de demi-tour Jusqu'à tomber à la sortie de la grotte et de son couloir immergé sur mes poursuivants : les deuxièmes touristes du jour et les premiers à ne pas avoir dormi là. Avec eux, c'est un couple, on retente. Le type, très/trop agile, essaye et réussi. A force de contorsion et flexion de biceps, il se hisse le long de la cascade qui semble rugir, le son renvoyé de concert par le toit de la grotte. Sa chérie propose de garder le sac contenant l'appareil photo au niveau du bassin pendant que je tente. Je refuse me laissant, si j'y arrive, la possibilité de faire des clichés au sec une fois là haut. Le sac est donc calé sur mon épaule quand il ne glisse pas jusqu'au coude. Arrivé à la corde, il faut très vite trouver une place pour placer ses pieds sans glisser, et tirer sur les bras pendant que le flot de la cascade me martèle des pieds à la tête. Ce faisant, le sac commence à développer une vie propre face à la gravité, bringuebale et vient racler un tantinet la montagne. Je finis de me hisser et profite d'une sortie vers l'air libre en amont de la grotte et sa cascade. Je suis dehors et debout. Sur de la terre ferme pour la première fois depuis la tente. Il y a là aussi le touriste qui m'avait ouvert le chemin. Lui dégote de son côté un passage contournant la cascade et permettant de revenir jusqu'au bassin souterrain au prix exquis d'un saut de plusieurs mètres de haut dans l'eau. Alors qu'il s'apprête à sauter, je l'interromps. Le moment mérite l'immortalité, je sors l'appareil photo. Dans le sac, Ô bonheur, tout est resté au sec. Sauf que l'appareil photo ne veut plus rien savoir. Qu'il soit en position allumée ou éteinte, il est allumé. L'écran d'info affiche des infos qui n'en sont pas. Le bouton de déclenchement n'est plus que décoratif. Bref, on a perdu le soldat Canon. Tension extrême. D'autant plus qu'avec mon sac, ce saut m'est interdit et je suis obligé de redescendre par où je suis venu : le long de la corde, dans la cascade. Cette fois, c'est moi qui bringuebale mais ça passe encore. De retour dans le bassin, je rejoins tout de suite la sortie. De nouveaux touristes arrivent émerveillés. Ils sont les mains vides, c'est mieux pour le rester. Retour au bivouac. Je remballe aussi sec mes affaires, aussi sèches. En redescendant vers la barque et la voiture, le flux inverse s'intensifie. Perso, je suis toujours seul dans la direction prise. En dernier hier soir, en premier ce matin. Autre chose qui ne change pas, la surprise des gens croisés lorsque j'arrive flanqué de mon 80L et de mon tapis, plus impressionnant encore, même plié. De retour à la voiture, une évidence, l'apôtre de la prudence a bon dos. L'appareil photo est quasi mort, du moins inutilisable. Tuile majeure. Reste le téléphone qui lui a une coque de protection, ce crâneur. Je m'en félicite au déjeuner quand, sur la nappe en plastique de ma table, il est écrit : « Happiness is to enjoy what you have », le bonheur est dans l'appréciation de ce qu'on a. Sur ce, je décide de quitter les wadis comme j'avais décidé de quitter le sable il y a quelques jours. Je pars en montagne. Retour à l'autoroute dont j'ai oublié de préciser qu'il y a quelques jours encore, j'en ai pris une à l'envers, trompé par des panneaux temporaires contradictoires. Heureusement, après quelques centaines de mètres, la première voiture croisée, tous appels de phares dehors, m'aura fait comprendre que dans ce cas là, on peut faire demi-tour en plein sur la 2 x 3 voies à la faveur qu'il n'y a personne d'autre. Retour au présent, l'autoroute me fait passer par les faubourgs de Mascate, quitté 10 jours plus tôt. C'est comme si j'avais déjà bouclé la boucle avec 8 jours d'avance. Je reprends la direction de Salalah mais sors en direction des pics qui s'additionnent dans la lumière du soleil qui n'en finit pas de m'aveugler. Vers 16h30, traversant un petit village, Imti, j'aperçois l'échoppe d'un barbier qui patiente en attendant le prochain client. Ayant là l'occasion de me débarrasser de quelques poils poissards, je valide l'idée d'un rasage comme d'un nouveau départ symbolique. Avant 18h et au bout de la route, je cherche et tombe sur une tête de sentier. Il y a même un panneau qui indique 6 heures de marche, programme parfait pour le lendemain au réveil. Nuit sous les arbres, partagée avec de nombreux insectes dont une mante-religieuse s'agrippant à la moustiquaire. A l'intérieur, je partage la couche avec de minuscules et très nombreuses bestioles blanches tellement fines qu'elle arrive à passer à travers ses mailles. Peut-être des puces, des tiques ou des morpions, j'en tues le maximum et croise les doigts à l'heure de fermer les yeux. Il est 19h34, la lune n'est toujours pas levée.

 

Jour 13 : Réveil avec le soleil... Et les chèvres. 20 minutes plus tard, toujours en pyjama dont j'enroule les jambes jusqu'à mi cuisse parce que je juge la voiture trop loin pour passer un short, j'ai 1,5L d'eau et des snacks. Pendant 3 heures 30, ça ne fait que monter, il m'en coûte quasiment toute ma bouteille. Pendant 2 heures, que descendre et finir la bouteille. Je transpire à grosses gouttes même si une bonne partie du parcours est à l'ombre et mon sac allégé de l'appareil photo avec ses objectifs. Je ne croise personne sauf les chèvres qui m'ont rejoint en haut, quelques ânes, une petite vipère fuyante et de nombreux papillons. C'est pourquoi je jure de ne pas m'autocongratuler avant d'arriver à la voiture, un soucis est vite arrivé. Retour à la tente, toujours pas d'autocongratulation même si je profite du moment pour me détendre, manger, boire de re-chef et plier les gaules en bonne santé. J'en profite aussi pour redérouler mon pantalon de pyjama le long de mes jambes. Le détail est important car, alors que j'ai enfin tout mon barda sur les épaules et sous les bras, qu'il ne me reste qu'une pierre à enjamber et poser le pied sur la suivante et dernière de la journée parce que je suis à 10 pauvres mètres de la voiture, mon pied gauche se retrouve entraver par le tissus de la jambe droite qui flotte au vent. Impossible de dérouler la jambe, c'est le genou qui impacte la roche de tout mon poids tombant comme une tour qu'on dynamite. Instantanément, le douleur irradie tout mon corps et je suis plié en deux sous le regard de la Kia. Le barbier n'y aura rien fait, après six heures d'escapade, la poisse refrappe à 10 mètres de la ligne. Tant bien que mal, je charge le matériel et reprends la route jusqu'à ce que je parviennes à nouveau à me connecter à internet. N'ayant pas envie de passer la prochaine nuit dehors dans ses conditions, je me dégotte une chambre d'hôtel avec resto à immédiate proximité. J'y passe une bonne partie de l'après-midi et ce, jusqu'au soir, à maugréer et à boiter bas quand je me lève. A la télé, il y a des chaînes comme la Jesus Army Channel.

 

Jour 14 : Au réveil, je pose le pied par terre. Rien n'a changé. A chaque fois qu'autre chose que de l'air touche un tant soit peu mon genou, j'en ai presque des larmes. C'en est trop. Toujours au lit, j'empoigne mon téléphone et réserve un ultime billet d'avion pour le lendemain soir, de Mascate à Paris. Il faut abréger et sauver ce qui peut encore l'être et je fais vite la paix avec cette idée.

J'arrive à Mascate dans l'après-midi, galère pour monter au 3ème étage de la chambre et me préserve jusqu'au lendemain où je me prévoies quand même la visite de la plus impressionnante mosquée du pays, ratée le 1er jour alors que j'ai dû patienter 7 heures à l'aéroport. Je fais quand même déjà mon paquetage en concentrant mes efforts sur le fait de ne pas laisser mon matelas derrière. Pour celui-ci qui est plus haut et plus large que mon sac, déjà bien souvent jugé hors-gabarit, j'achète du scotch industriel et saucissonne le tout avec le sac de telle sorte que ça finisse par ressembler à une grosse paupiette.

 

Jour 15 : Ne pensant plus y retourner, j'abandonne ma chambre d'hotel avec toutes mes affaires dans le coffre à 8h, l'ouverture de la mosquée est à 8h30. Dans la voiture, j'essaye comme de nombreuses fois de trois jours de faire fonctionner l'appareil photo et cet enfoiré se réveille. Il m'accompagne. Impressionné par la visite, je retombe alors nez-à-nez avec Nicolete et Arjan, mon couple du désert. On papote de nos derniers jours, on s'étonne du fait qu'on est dans le même avion, et on évoque la Covid, mes deux interlocuteurs sortants à peine de la prise d'un test Covid, nécessaire pour rentrer aux Pays-Bas. Pour ma part, je crois bien avoir lu que je n'ai besoin que d'un schéma vaccinale complet et de ne pas avoir de température. Je finis par les déposer à leur hotel dans lequel ils ont prévu de passer toute la journée jusqu'au soir, l'avion devant décoller dans la nuit à 4h30. En chemin, je heurte une paire de fois mon genou contre un banc ou ma portière, ça me fait toujours bondir et je réfléchis à faire comme mes nouveaux amis. Pas question de continuer à galoper jusqu'au soir. Passage quand même par le souk. Un resto et le nettoyage de la voiture pendant près d'une heure par des professionnels plus tard, il est 16h et je suis de retour à l'hotel où j'envisage une sieste des familles. Sauf que que nenni. Je reçois un message de Nicolete qui me confirme que moi aussi j'ai besoin d'un test Covid pour rentrer. C'est le branle-bas de combat. Après 10 minutes dans la chambre, je voilà reparti définitivement pour l'aéroport où on peut se faire tester en voiture. Les résultats devraient être dispos dans les 24h. Impossible de faire plus vite en l'état. Sauf que c'est trop tard pour le décollage mais bon pour l'atterrissage si c'est là qu'on le demande. On verra bien. En attendant, il faut rendre la voiture. Je cherche sur la zone aéroportuaire le parking dévoué aux voitures de location. Il me faut faire quatre fois le tour pour trouver. Puis j'arrive face à une barrière. Elle se lèverai si j'avais le pass qu'elle me demande, sauf que de pass je n'ai point. J'appuie sur le bouton d'assistance. Une dame m'enjoins d'appeler le loueur. Sauf que je n'ai plus de forfait. Elle m'enjoins de mettre mon pass. Sauf que... Bref, on tourne en rond et des voitures patientent derrière pendant que je perds patience au point de finir par faire une marche arrière pour laisser l'accès libre et d'abandonner là la voiture, à cheval sur une ligne pointillée. 15 minutes de recherche plus tard, je tombe sur un employé Europcar qui m'accompagne alors dans la marche à suivre, un pass dans sa poche c'est facile. Lui et moi dans la voiture, je redémarre celle-ci pour la dernière fois et c'est tant mieux. Pour la première fois, elle vient de se découvrir un bruit de grincement qui s'amplifie à faible allure et dont l'écho résonne dans tout le parking. La barrière est passée, je rends les clés et ne demande pas mon reste. C'est le retour à l'aéroport où j'ai déjà largement mes habitudes. Je passe par le comptoir Europcar où l'employée ne comprend pas comment j'ai pu me retrouver à casser ma vitre extérieure deux semaines plus tôt. Le soleil est maintenant couché, j'enchaine les siestes et les clopes jusqu'à un message de Nicolete qui m'invite à ne pas les attendre pour l'avion. Leur résultat de test est tombé, la guigne est contagieuse, ils sont tous les deux positifs et partis pour dix jours de confinement dans leur chambre d'hôtel sans possibilité d'en sortir. Personnellement, à l'enregistrement des bagages, on ne me demande rien d'autre que mon passeport et c'est tant mieux. On me confirme aussi que mon sac ira bien jusqu'à Paris... Une fois que j'aurais bien voulu refaire empaqueter mon sac par les autorités compétentes, mon tetris n'étant pas homologué. J'embarque finalement à l'heure.

 

Jour 16 : Escale à Istanbul. Je suis surpris de tous ces hommes qui ont l'air tout droit sortis d'une expérience douloureuse où leur crâne ressort brûlé en divers et larges endroits. Tout bien réfléchis, Le tourisme de chirurgie esthétique inonde l'aérogare. Et je prie qu'une de ces victimes ne soit pas assis, sa tête dépassant du siège juste devant moi pour le dernier vol. Ca pourrait me couper l'appétit, le sommeil et tout le reste. Le dernier vol justement, alors que les autres passagers font patiemment la queue debout pour embarquer, je suis encore assis par terre, la musique dans les oreilles, quand les derniers finissent par rejoindre l'espèce de bus qui attend pour emmener tout le monde à l'avion. C'est mon tour. Carte d'embarquement ? Parfait. Et maintenant, test Covid monsieur ? Le monde s'arrête. Je commence à me lancer dans des explications en anglais, sans succès. Test Covid monsieur ? Attendez, c'est dans mon téléphone sauf que je n'ai pas de crédit. L'employé de l'aéroport me propose donc son code wifi pour regarder, je dois disposer d'environ 30 secondes avant que tout le monde ne se barre et me ferme la porte au nez. D'extrême limite, je parviens à me connecter au portail omanais des test Covid et découvre en direct sa négativité. Il était moins une. Décollage. Atterrissage à Paris à 15h et avec 5 jours d'avance.

 

Les jours suivants : Rendez-vous est pris pour une radio du genou qui ne donnera rien. Rendez-vous est aussi pris pour ma 3ème dose de vaccin. Ce n'est qu'une semaine après celle-ci que je suis testé positif.

 

Toujours positif.

Bonne année !

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
22 juillet 2015 3 22 /07 /juillet /2015 17:50

Classe : Il n’a pas fallu attendre longtemps pour savoir de quel côté de la guerre froide sont resté les kyrgyzes. Dès l’avion Istanbul – Bishkek, je repère mon premier gars qui porte un t-shirt à l’effigie de Vladimir Poutine. Celui-ci pose sur fond noir et se dispute l’intégralité du T-shirt avec un portrait d’aigle royal.

Absence : A ma descente d’avion, après avoir récupérer mes bagages, sous la pression d’une armée de chauffeur de taxis chauffés à blanc par l’arrivée successive de vols internationaux à l’heure où on ne sert pas encore le petit déjeuner, je fais un crochet par le premier distributeur venu, récupère mes premières devises locales et ne trouve rien de mieux que d’y oublier ma carte bleue, lançant idéalement mon séjour.

Calendrier : Aperçu lors des commémorations de l’armistice, la seconde guerre mondiale a été rebaptisée « guerre 41-45 ». Pas sûr que les polonais, entre autres, soient d’accord.

Champêtre : Sur la rocade de deux fois quatre voies qui relie l’aéroport au centre-ville de Bishkek, les voitures partagent le tarmac avec les chevaux errants.

Roulette : Alors que je discute avec un chauffeur vaguement anglophone (Arsène) qui m’explique que la grande majorité des véhicules kyrgyzes ne sont pas assurés par leur propriétaires, la voiture qui circule juste derrière nous se fait littéralement emboutir par un camion aux freins douteux. Le cœur d’Arsène menace d’exploser.

Ravalement : Arsène me pointe l’école de médecine qui ressemble à s’y méprendre à une ruine. L’hôpital principal de Bishkek qui la jouxte n’est pas mieux loti, si ce n’est qu’il est entouré d’un jardin où la pelouse est haute d’un mètre. Vu l’hôpital, le jardinier doit être malade.

Epuré : Mon premier repas dans un restaurant local se compose de viande grillée et d’oignons crus. Je veux bien qu’ils soient carnivores mais quand même… Dans un coin, un musicien à la guitare traditionnelle reprend « Aïcha » de Khaled à grand renfort de claviers enregistrés.

Bancal : Alors que le vent souffle en rafales au dehors, une des personnes qui travaillent dans ma guesthouse me préviens du danger de flâner dehors dans ses conditions ; moins à cause du danger de chute de branches d’arbres que de chutes de fils électriques.

Ambidextre : Devoir changer de main pour manger parce qu’on est gaucher n’est pas si facile qu’on croit.

Réveil : Parti en trek, après quatre heures de marche, je ne peux que constater l’amoncèlement des nuages qui m’annoncent un orage proche. Par précaution, je monte la tente dans une sorte de pré à l’herbe confortable. Dans la seconde qui suit, la pluie s’abat, me forçant à une sieste impromptue, bercé que je suis par les milliers de gouttes qui s’abattent. Une heure plus tard, Je suis interrompu autant par le silence revenu que par un sifflement tout proche. C’est Martine la marmotte, mon nouveau réveil, qui me prévient de l’accalmie.

Génocidaire passif : Comme c’est le printemps, les fleurs sont omniprésentes au point qu’il est impossible de marcher dans la pampa sans les écraser par dizaines. J’en suis presque à m’excuser vis-à-vis de Pachamama.

Esthète : Le film « Taxi » est de loin le film français le plus connu au Kyrgyzstan.

Promiscuité : Après deux jours sans voir personne, je me crois tout seul sur la montagne. Sauf qu’à 3.000 mètres, je croise quatre gars des snowboards sur le dos revenant d’encore plus haut. Je ne suis plus seul sur terre.

Concert : Après six heures de marche à cadence accélérée du fait de la pluie qui tombe sans discontinuer, je suis pris sous l’aile d’un groupe d’étudiants et de leurs professeurs. Bénéficiant des services d’un bus tout confort au regard de ma journée, ils me proposent de me reconduire à Bishkek et ce, en échange d’une chanson. Ce sera le générique des « Mystérieuses Cités d’Or ».

Dépucelage : Mon premier taxi longue distance au Kyrgyzstan. J’arrive à la gare routière sur les coups de 6h30. Je trouve la voiture qui doit rejoindre ma direction sauf que je suis le premier. Résultat, il faut attendre que la voiture se remplisse. Pendant trois heures, je patiente sous un soleil qui frappe plus fort que Mike Tyson. Et plus l’heure passe, plus le soleil rejoint son zénith, et moins il y a d’ombre. C’est inconfortable. C’est encore plus inconfortable quand, alors que mon gros sac est remisé dans le coffre, le taxi disparait pendant près d’une heure, avant de finalement revenir avec de nouveaux passagers. On peut partir. Chanceux, le chauffeur me réserve la place du mort, à côté de lui. Tant mieux pour la yeux. Mais tant pis pour les oreilles… Pendant les neufs heures que durera le voyage, le chauffeur noie le premier rang sous un déluge de décibels jouant de la techno de boite de nuit, façon Ibiza. Si mes doigts étaient plus fins, je me percerais moi-même les tympans.

Hospitalité : Entre la confiture maison, le pain maison, les fruits et légumes du jardins et éventuellement la tarte aux fraises maison recouverte de meringue, il n’y a pas de meilleur restaurant au Kyrgyzstan que le séjour chez l’habitant. Sans compter la douche chaude. Sans compter le matelas plus épais qu’un demi-centimètre.

Déséquilibre : Pourquoi les personnes âgées marchent-elles avec les mains jointes dans le dos ?

Recyclage : Bien que n’ayant aucune façade maritime, la moitié des boutiques du pays se servent de containers comme locaux. Sans doute les seules constructions anti sismiques trouvables sur place.

Ambivalence : Si tu as faim, vas au marché, et profite de la générosité des commerçants envers les touristes à la basse saison. Si tu n’as pas faim, vas au marché et subis la générosité des commerçants envers les touristes à la basse saison.

Rassurant : Lors de ma montée au « Trône de Salomon » à Osh, je rencontre des étudiants équipés de grands sacs poubelle, affairés à ramasser tous les déchets qu’ils pourront croiser. Ca change du chauffeur de bus qui jette tout ce qu’il peut par la fenêtre de son véhicule alors qu’on roule en plein parc national.

Fête foraine : Au « Trône de Salomon », ensemble de pitons rocheux au milieu d’une ville désespérément plate, on trouve des roches incroyablement glissantes, à tel point que les familles locales viennent y faire du toboggan, adultes en tête. Il faut dire aussi que selon la légende, glisser sur les fesses à cet endroit t’assure la même fertilité que celle d’une famille de lapins moyens.

Couverture : Il faut voir avec quel zèle les policiers locaux me demandent parfois mon passeport sans raison apparente. Systématiquement, leur première question est « comment tu t’appelles ? » (NDLR : il a le passeport entre les mains). Puis vient la deuxième question : « es-tu un espion ? » Qui répondrait « oui » ?

Invariable : Avec l’expérience, pas besoin de parler russe pour converser avec les locaux. Leurs questions viennent toujours, toujours, toujours dans le même ordre :

1) D’où viens-tu ?

2) Quel est ton nom ?

3) Es-tu marié ?

4) Qu’est ce que tu fous là ?

Permissif : Si j’en crois ma carte d’embarquement pour un vol entre Osh et Bishkek, j’ai une place en fumeur. Il n’en sera rien. Je pense que c’est simplement pour écouler les 800 millions de cartes d’embarquement vierges que les compagnies aériennes ont bien voulu donner aux pays sans thunes quand il a été décidé que tous les vols de la planète seraient dorénavant non fumeurs.

Irréel : Regarder du sport de niveau collège sur la télé turkmen et mourir.

Danke : Chez la famille qui m’héberge à Cholpon Ata, l’allemand fait office de deuxième langue. Pas facile de s’y remettre quand vingt ans avant, on a eu 3/20, puis 6/20 au baccalauréat. Surtout au petit dèj’.

Distrait : Ma chambre à Cholpon Ata a tout le confort dont je puisse rêver : une douche chaude et un lit king size. Elle dispose aussi d’une porte qu’on pourrait croire blindée vue la clé, clé dont je ne me suis pas rendu compte que je l’avais encore dans la poche alors que je suis à 100km de là, dans un minibus qui n’a pas l’intention de faire demi-tour.

Escroc : Alors que je marche sur les rives du lac Issyk Kul à travers une parcelle qui a tout de la base de loisirs quand elle doit recevoir plus de touristes que ma petite personne et que de l’eau remplit la piscine, j’aperçois deux petits vieux qui discutent paisiblement. Passant devant eux une première fois, Je les salue de la main, salut qu’eux me retournent dans un grand sourire. Puis, alors que j’emprunte le chemin dans le sens du retour et que mes petits vieux sont toujours à taper un brin de causette, je décide d’aller gentiment à leur rencontre, ne serait-ce que pour les saluer avant de reprendre ma route. Or, à peine à leur hauteur, un des deux vieillards, surement celui qui perd le moins le nord, entreprend de m’expliquer à grand renfort de gesticulations, que je dois m’acquitter d’une sorte de droit de passage et que mes deux lascars sont en fait les préposés au péage. D’abord, je feins de ne pas comprendre, en vain, le monsieur gesticule de re-chef. Puis, me vient l’idée de partir en plein milieu de sa phrase ; sauf que, bien qu’étant sûr qu’il chercher à m’entuber, ça n’est pas dans les habitudes de la maison de tourner le dos à quelqu’un qui me parle. Donc je renonce… Et négocie. Le prix chute de moitié. Je suis prêt à m’en acquitter sauf que ni eux ni moi n’avons la monnaie. Qu’à cela ne tienne, celui qui sent le plus la gnole des deux, et ça ne fait aucun doute, est bien décidé à m’accompagner jusqu’à mon hébergement où je stocke mon magot. Bref, j’ai un nouveau tamagotchi, le genre de ceux qui pose questions sur questions en russe et me gonfle de façon exponentielle jusqu’à la remise de la rançon. Las, je décide dans la foulée de faire mon sac et de partir de ce lieu maléfique. Cinq minutes plus tard, alors que je suis en route pour trouver un minibus, je recroise mon vieux qui revient du seul magasin du bled, une bouteille de vodka planquée dans la manche.

Blague locale : Ce sont deux missiles, un russe et un américain. Le russe se dirige vers les États-Unis, l’américain, vers la Russie. À mi-chemin, ils se croisent et entament la conversation.

- Ca va ?

- Ca va.

- Le boulot, bien ?

- La routine. Rien qu’une livraison.

- Ah oui ? moi aussi. On se prend un petit verre de m’amitié avant de repartir ?

- Volontiers.

Un verre. Puis deux verres. Puis trois, quatre, cinq. Le missile américain faiblit. Répondant à la coutume de son pays natal, le missile russe propose une dernière tournée. Le missile américain accepte en balbutiant. Une fois le dernier verre fini, le missile américain est complètement carpet. Le missile russe lui propose alors aimablement :

-Tu ne peux pas travailler dans un état pareil. Je te ramène ?

Dérèglement : Le printemps kyrgyze 2015 est bien plus froid et humide que celui de 2014. Un exemple : il est un fameux lac d’altitude qui porte le doux nom d’Ala Kol. Celui-ci se situe aux alentours de 3.200 mètres et, à la belle saison, gratifie ses visiteurs d’une eaux à la couleur verte émeraude de très belle facture. Or, au 1er juin, celui-ci est invisible, toujours recouvert d’une épaisse couche de glace qui le fait se confondre avec les sommets environnants. De plus, pour s’y rendre, il faut franchir un col autour de 3.800 mètres où la neige recouvre jusqu’à la poitrine de quiconque tente de s’y rendre. Spectaculaire dans la mesure où ce récit m’a été conté par une jeune allemand qui doit afficher 1 mètre 95 sous la toise.

Hiver : Le 1er juin toujours, je suis à Altyn Arashan autour de 2.700 mètres et la seule chose qui change de la pluie, c’est la grêle qui tombe par brouette sur chaque cm² de la vallée. Aux dires des locaux, ça annonce une excellente année à champignons. Ca me fait une belle jambe.

Bancal ? : Au Kyrgyzstan, les poteaux électriques sont faits de troncs d’arbres, mais seulement du sommet jusqu’à un mètre du sol. Là, on les noue avec du fil de fer avec une base en ciment qui, elle, est plantée dans le sol.

Progressiste ou pas : Dans un pays majoritairement musulman, on retrouve pourtant en face du supermarché de Bishkek où j’ai pris l’habitude de faire le plein de denrées, un strip club. D’ailleurs, à en croire le poster qui s’affiche en façade, samedi soir, c’est water party.

Entube bis bis bis et re-bis : Depuis mon arrivée dans le pays, j’ai pris l’habitude, chaque fois que j’ai besoin d’un taxi sur Bishkek, de passer un coup de fil à Arsène. Arsène est anglophone, sympa, et dès mon premier transport dans l’affaire de la carte bleue oubliée comme un benêt, c’est lui qui m’avait convoyé, sur les conseils de Chris qui bosse à la guesthouse, jusqu’à l’aéroport, en plus de m’offrir sans raison apparente une délicieuse quoi qu’un peu voyante paire de lunettes de soleil fantaisie dont les montures reprennent la forme de feuilles de cannabis. Au total, j’ai dû prendre son taxi une grosse demi-douzaine de fois ; à chaque fois avec plaisir. Qui plus est, il m’a même appelé deux ou trois fois dans le mois, juste pour prendre des nouvelles.

Bref, lors de ma toute dernière étape à Bishkek, préambule à un retour vers la France, il me rappelle à l’improviste et me supplie presque de lui prêter 2.000 soms (une petite trentaine d’euros), somme qu’apparemment il doit à son employeur, sachant que deux jours plus tard, je lui en donnerai forcément 700 pour me conduire une nouvelle fois à l’aéroport quant sera venu le jour du grand départ. Avec méfiance, je m’exécute pourtant. Quinze minutes plus tard, la transaction est faite et j’en profite même pour me faire déposer « gratuitement » en centre-ville.

En quittant son taxi, Arsène me lance un « Merci Brice, tu me sauves ! »

Le lendemain, je le rappelle pour lui rappeler notre engagement : il doit passer me prendre à la guesthouse à 7h30 du matin. Pas de problème pour lui, il est parait-il tous les jours debout à 6h00. Il en profitera alors pour me rembourser son dû. Confiant, je lui achète même un cadeau, un modèle réduit de taxi Mercedes, voiture qu’il rêve de conduire un jour, juste retour des choses tant je suis content de mes lunettes horticultrices.

Or, le jour J, j’ai beau l’appeler une fois, deux fois, trois fois, sa ligne reste sans réponse.

Résultat, j’en suis quitte pour mon argent tandis qu’Arsène n’est pas près de se voir recommandé de nouveau par Chris alors que la haute saison, qui ne sure que trois mois, vient à peine de commencer.

Tel est pris qui croyait prendre.

Partager cet article
Repost0
29 novembre 2013 5 29 /11 /novembre /2013 17:23

Tetris. En survolant les villes, on se rend compte que les architectes chinois sont passés maître dans l'art de multiplier les immeubles identiques pour en faire des pâtés grands comme des arrondissements.

Jolly Jumper. A Shanghai, pour rejoindre le centre-ville depuis l'aéroport, tu as le choix entre le métro qui roule à une vitesse dite normale, et une navette express qui dépasse les 300km/h. Rien de plus normal.

Elastique. Mon 1er métro est immaculé. Pour un peu, ça sentirait la lavande. Cela dit, ça n'empêche pas une septuagénaire de cracher par terre. Dans la rame... Ce faisant, elle n'oublie pas non plus de tirer sur le glaviot à la main pour éviter qu'il ne pendouille en un long fil d'Ariane. Charmant.

Embuscade. A l'instar de mon tour du monde et de sa première étape stambouliote (http://afleurdeterre.over-blog.com/...egorie-10592393.html), je n'ai pu faire autrement que de me faire rouler dans la farine dès mon premier jour.
N'ayant pas aperçu le signe dans la guesthouse mettant en garde les voyageurs contre une arnaque notoire, j'attaque le Bund tambour battant. Après quelques minutes, je suis abordé par un couple de jeunes chinois qui désirent que je les prennes en photo avec leur appareil. Je m'exécute. Puis une discussion bon enfant commence. J'apprends qu'ils sont étudiants, viennent de Pékin et qu'ils sont en vacances. Puis après quelques minutes, ils m'indiquent qu'ils ont rendez-vous dans un salon de thé pour une cérémonie/dégustation de premier ordre, et m'enjoigne de me joindre à eux. J'accepte.
On se retrouve alors à quelques enseignes de là, dans un petit salon aux murs défraichis éclairés au néon. Pour le premier ordre, je sens déjà que je peux passer mon chemin. Néanmoins je reste. L'expérience semble sympathique, au moins autant que la jeune fille avec laquelle j'échange sans relâche dans la langue de Shakespeare qu'elle parle avec autant de fluidité que possible.
Une femme entre dans la pièce et s'installe en face de nous. Dans les trois minutes, elle nous sert une première tasse. On boit. Puis une deuxième, on re-boit. Puis une troisième. Puis une quatrième. L'expérience dure une trentaine de minutes au bout desquelles je m'enquiers des tarifs par acquis de conscience.
Pour une variété de thé, il en coute dans les 30 euros! What the fuck?!?!? Le thé vire au vinaigre.
On convient néanmoins de partager la note.
La femme en face de nous nous indique alors que l'on peut boire autant de tasses que l'on veut, pour peu que ce ne soit pas de nouvelles variétés. Or, mes amis chinois veulent tout tenter! Moi pas. Qui plus est, la peau de mon ventre n'est pas si extensible, je n'ai plus soif.
Ainsi, malgré leurs supplications, je m'extrais de la pièce autant pour m'en évader que pour suivre ma carte bleue qui file dans les mains de la tenancière.
Une facture plus loin, c'est l'évidence, je me suis fait saké sur les yuans. D'autant que je n'ai pas vu mes acolytes sortir leurs liasses.
Ainsi, c'est désormais l'évidence : le jeune couple fait office de rabatteur, et moi de pauvre troufion encore sous le coup du décalage horaire. J'aurais dû me méfier, ils m'ont donné 23 ans quand j'en compte 37.
Chine 1 - Brice 0

Darty. Les tablettes et autres smart phones sont partout. L'évolution en quatre ans est criante. Du jeune au vieux, tous ont les yeux braqués en quasi-permanence sur leur jouet. Il n'est pas rare de voir des couples assis face à face dans un lieu public ne jamais se regarder au profit de l'écran tactile. Il en va de même pour les groupes d'amis. Comme en mode silencieux, j'en vibre.

Petit livre rouge. Dans la même veine, en trois semaines en Chine, je n'ai pas le souvenir d'un chinois qui lit sur du papier, que ce soit un journal ou un livre. Pourtant ils doivent exister!

Gris. La différence entre le 1er métro à Shanghai et celui à Paris est qu'à Shanghai, il n'est pas de jeunes fêtards qui rentrent se coucher en marchant en sinusoïde.

Contrefaçon. Si la voiture de police est une Isuzu, l'inscription en lettres chromées peut quand même être inscrite à l'envers.

Sollicitation urbaine. Malgré les mini-shorts qui arpentent les pavés plus que n'importe où ailleurs, la Chine me semble être le pays le plus assexué du monde. Et ce n'est pas non plus contradictoire avec les sollicitations que je rencontre sur East Nanjing Road, l'artère la plus commerçante du bled. Comme si c'était possible...
- Massache? Massache? Young man, Massache?
- No, thank you. I don't want a massage.
- Hum, no massache... Sex massache? Young man? Sex massache?

Boules Quiès. Malgré les à priori sur la faible implication locale quant à l'écologie, les trois quarts des scooters chinois sont électriques et le ciel citadin peut être bleu azur. Par contre, l'inconvénient avec le scooter électrique, c'est que comme il est silencieux, le chauffeur se fait fort de te signaler sa présence au klaxon, ou comment, au niveau sonore, remplacer la grippe par le cancer.

Carnivores. J'en ai vu des villes, et pourtant je n'en ai jamais vu une comme Shanghai avec si peu de pigeons. Pour un peu, ça ferait peur. J'en suis presque à compatir.

Echelle. A Shanghai, le métro fait dans les 200 mètres de long et un changement prend dans les dix minutes.

Allo Paris, ici Londres. Après quatre jours à ne parler qu'anglais sauf pour dire "ni hao" ou "xié xié", j'en suis à rêver en anglais. Il m'a été dit qu'au milieu de la nuit, j'ai hurlé "Somebody put blueberries in my hat!!!!". Vas comprendre Charles...

Cheeeeese. Sur les sites touristiques, le chinois a la fâcheuse habitude de demander au touriste occidental de poser pour la photo. Si c'est un couple, il faut refaire trois fois la scène : une fois avec la femme, une fois avec le mari, une fois avec les deux. Si c'est un groupe, tu prends la journée...

Le compas dans l'oeil. Bon signe. Finalement, mon couple de rabatteurs cachait peut-être un brin de sincérité. Tous les chinois me trouvent entre dix et quinze ans de moins et tous gardent la bouche ouverte d'étonnement à l'annonce du verdict. Il leur arrive aussi de me confondre avec un acteur dont ils auraient oublié le nom...

Dialogue de sourds. Quand un chinois parle un anglais suffisamment confiant pour entamer une conversation, le plus souvent, il faut quand même se dire que la discussion se fait avec un enfant de trois ans. Un exemple. Si un chinois te demande "Whele you flom?", il vaut mieux répondre "Flance" que "I am french".
Même chose si tu poses une question, il faut toujours aller au plus simple, par exemple faire en sorte que l'interlocuteur puisse répondre par oui ou non.
"Est-ce que ... ?" , ça passe.
"Pourquoi ... ?" , ça passe pas.

Dialogue de sourds (bis). J'ai essayé de faire apprendre quelques expressions de français à une jeune femme travaillant à la guesthouse et ce, à sa demande. Et bien c'est aussi compliqué que quand elle essaye de me rendre la pareil.

Agaçant. Pire connerie du voyage : acheter un réveil bon marché des années 80 qui marque les secondes en faisant un tic-tac qui s'entend à 10 mètres à la ronde, et encore plus à 20 centimètres de l'oreiller.

Bon sens. Dans le train, la SNCF locale se sent le besoin de mettre un panneau indiquant qu'il ne faut pas sauter par la fenêtre.

Surprises gastronomiques. Même quand tu achètes un truc aussi basique qu'un sac de cacahuètes dans leur coque, tu n'es jamais sûr de ne pas te retrouver avec du violet, mou et filandreux à l'intérieur.

Folie des grandeurs. Un truc au moins sur lequel les chinois sont prévoyants, il est des ponts avant lesquels il est indiqué "interdit aux plus de 55 tonnes".

Folie des grandeurs (bis). Je ne sais plus où mais il y a quelques années j'avais lu qu'à Dubaï on trouvait un quart de toutes les grues (pas les oiseaux) de la planète. En fait, j'en doute. J'en suis même à penser qu'elles sont plutôt en Chine.

Déconvenue. Ce soir, dans l'immense labyrinthe du gout que constitue la nourriture chinoise, j'ai jeté mon dévolu sur du riz. Difficile de faire plus simple ou plus sûr. Il eu fallu comprendre que le riz dinatoire était cuit à la mode croustillante. Plus croustillante que les Rice Krispies, plus croustillante que le riz cru. J'ai cru me péter une dent à chaque bouchée.

Picturalement pittoresque. Une route à double sens et pas un de plus qui serpente le long d'une vallée réchauffée par les couleurs d'automne. Sept kilomètres à parcourir en voiture en plus d'une heure. A n'y rien comprendre. On est d'abord arrêté pendant une dizaine de minutes au même titre que toutes les voitures qui nous précèdent. Ca interloque. Enfin, on finit par avancer... D'une centaine de mètres, Rebelote. Cinq, dix, quinze minutes. On repart... Temporairement. Puis je comprends. Les conducteurs chinois et leurs passagers, la plupart équipés d'appareils photo de compêt', s'arrêtent au beau milieu de la route et laissent là leur véhicule paître le temps de mitrailler à tout va. La demi-douzaine de policiers présents a l'air de trouver la chose normale pendant que je m'arrache les cheveux.

Problème, cause, conséquence. A cause du temps perdu passé à attendre le retour des conducteurs dans leurs habitacles respectifs, après une journée ponctuée de nombreuses visites et la nécessité de faire les mêmes sept kilomètres dans le sens du retour au pas de course du fait de la foule qui va croissant devant le coucher de soleil et ce, quitte à traverser un tunnel routier à pieds, je rate le dernier bus pour me ramener en ville à 50 bornes de là.
Il m'en coutera un taxi, soit un bras.

Abus de confiance. Dans un charmant petit village classé au patrimoine mondial, au détour d'une haute maison, une mamie me voyant faire des photos me fait signe de la rejoindre. Puis, sur le ton de la confidence, elle me fait cette fois signe que si j'emprunte son escalier, je vais finir par atteindre la terrasse qui surplombe les environs, ce qui n'en sera que meilleur comme nourriture à donner à mon objectif. Appréciant l'invitation, j'en m'en vais confirmer ses dires et grimpe.
Ca n'est qu'au retour qu'elle m'embusque, et répète à l'envie l'unique mot anglais de son vocabulaire : "Money! Money!".
Sacrée mamie, toujours le mot pour ne pas rire.

Médecine douce en milieu rural. Quand tu croises le regard d'un chinois en plus de son chemin, dis lui "Ni hao!" (bonjour) et vois son visage s'illuminer tel un sapin de Noël et sourire de toutes ses dents quand il n'en manque pas. Ca marche à chaque fois et c'est d'autant plus spectaculaire si le dit chinois tire la tronche au premier abord.

Entrechats. En jouant au ping-pong contre une jeune chinoise qui travaille à la guesthouse dans laquelle j'ai posé mon baluchon, celle-ci me demande tout sec (en anglais): "Tu ne serais pas professeur de danse des fois?". La réponse est non.

Bon marché. Au Burger King de Shanghai comme partout ailleurs là-bas, des gens sont payés à faire du tout au rien. Nous sommes trois clients dans le restaurant. Ca fait une moyenne d'un client toutes les cinq minutes. tu as le temps de voir venir. Et pourtant. Un pauvre bougre est payé exclusivement à ramasser les plateaux usagés et à en faire des piles. Rarement j'ai vu une personne qui respirait autant l'ennui. Dans le même genre, dans les deux parcs nationaux dans lesquels je me suis fait les cuisses, d'autres bougres sont eux payés à évacuer les feuilles mortes des voies de randonnée. Si si. Et pendant ce temps là, d'autres types grimpent à longueur de journées des chargements de plusieurs dizaines de kilos pour achalander les hotels et autres boutiques hors de portée de quelques routes que ce soit. En conclusion, merci le plein emploi, il doit pas être bien élevé le SMIC horaire chinois.

Douillet. Lorsque vient l'hiver, les poignées de guidon des scooters se parent de gants de cuisine fourrés du plus bel effet.

Sur ma faim. Au moment de se remplir la panse pour un dîner bien mérité après une journée à arpenter le pavé, je me fais accoster par un gusse. Je comprends bien vite qu'il mendie. Seulement, pour faire valoir son propos, ça ne l'empêche pas de soulever une jambe de son pantalon jusqu'au genou pour me gratifier d'un panorama complet sur la vérole qui lui grignote la chair. Il n'en a pas fallu plus pour que je reporte le repas au lendemain.

La queue entre les jambes. Un soir débarquent dans mon dortoir deux personnes jamais vues auparavant. Un p'tit gars et une p'tite nenette. Peu après on frappe à la porte, trois autres p'tits gars, c'est le reste du groupe. Ils discutent quelques minutes, suffisamment longtemps pour qu'ils m'invitent à me joindre à la conversation. Le lendemain, tous partent à l'assaut des Montagnes Jaunes, et comme c'est également à mon programme, ils me proposent de me joindre à eux. J'accepte malgré le fait que l'un d'entre eux, dans le court lapse de temps, me demande une petite dizaine de fois si je veux dormir avec lui.
Après une nuit de sommeil, on décolle. La journée promet d'être compliquée ; même le Lonely Planet met en garde le marcheur quant à la difficulté d'atteindre les sommets en gravissant les marches de l'ouest. Avec le petit groupe, on se met en branle dans une ambiance sympathique, encore que j'ai du mal à vraiment échanger avec eux du fait de leur anglais balbutiant.
Cependant, j'apprends que les quatre gars sont des potes de fac et voyagent ensemble, et que Xiaoti, la demoiselle, voyage seule pour un long weekend d'aventures pédestres. J'en prends bonne note et entreprends de former avec elle un binôme de première.
Pendant l'ascension, tout le monde en prend physiquement pour son grade. Mais ce n'est pas tout, mes oreilles aussi tant l'homo' de la veille continue sa parade nuptiale à grands renforts de "You want to sweep with me?". Il faut dire que nous sommes le 11 novembre et qu'en Chine, c'est le jour des célibataires. Partout dans le pays, c'est la foire à la dragouille.
Mais il se fatigue plus vite à mesure qu'on multiplie les hauteurs de Tour Eiffel en montant des escaliers interminables.
Puis, après quelques heures, comme par enchantement, il en vient à changer de disque. Après avoir échangé avec Xiaoti, il en vient à répéter sur le même rythme "she want sweep with you!". Pas tomber dans l'oreille d'un sourd. Surement la conséquence de "Paliss, you live in Paliss? So Lomantic!!!!".
Puis ça se tasse, un peu comme mes vertèbres sous le poids du sac.
Finalement après sept heures de marche tout sauf plate, on arrive à notre point de chute, un hotel rutilant qui, en plus de ses quatre étoiles, cache un deuxième batiment abritant des dortoirs de quatre à six lits pour lesquels la chinese connection a déjà des réservations. Qu'à cela ne tienne.
A la réception, par acquis de conscience, je m'enquiers du prix des chambres doubles. Trop élevé, je m'abstiens et choisis plutôt un lit dans un des dortoirs.
A mon arrivée, la pièce fait dans les 8m², tous les lits sont déjà occupés sauf un situé au dessus de celui d'un type qui, en plus de me regarder comme un animal de foire, fume clope sur clope. Un lourd fumet de noodles flotte aussi dans l'air. C'en est rappé de mon plan de faire venir la petite "si elle a froid"... A moins que...
Me disant qu'après la journée qu'on vient de manger, je pouvais décemment retourner à la réception demander un autre endroit pour dormir sous couvert d'une prétendue allergie à la cigarette, j'exécute. Là, le préposé réponds par la négative. Pas d'autre dortoir disponible. C'est ça ou rien concernant les dortoirs...
Là dessus, j'entame une négociation au taquet. Tous les arguments y passent, de mon incapacité physique à grimper sur le lit superposé supérieur à la journée du célibataire, en passant par l'orientation du matelas qui ne fait pas face à la Mecque. Tout est bon pour tirer le meilleur discount sur une chambre supérieur dans le batiment principal, celui estampillé 4 étoiles.
Ainsi, à force de persuasion autant que de harcèlement, l'employé consent à un -60%. Pas mal pour un 11 novembre me dis-je. On se sert la main. Ne me reste plus qu'à m'installer et à aller proposer à Xiaoti de se joindre à moi pour une soirée de récupération, sans oublier de m'excuser auprès des quatre gars quant à la probabilité croissante de ne pas boire une bière ensemble ayant des affaires plus importantes sur le feu. Je commence par les gars.
- Salut les gars. Je suis désolé mais je n'ai pas pris le dortoir mitoyen. A la place, j'ai une chambre double dans le batiment d'à côté.
- You want to sweep with me?
- Non, je veux toujours pas sweep with you!
- Mais alors, tu vas rester tout seul là haut?
- Je pense proposer à Xiaoti de se joindre à moi. C'est qu'il ne faudrait pas gacher et vue la différence de confort, autant que le plus de gens possibles en profitent.
- You want to sweep with me?
- Non, toujours pas.
Les autres entament en coeur un "Oh ohhhh" signifiant qu'ils ont compris le manège. Je les y laisse et frappe à la porte du dortoir féminin.
- Salut Xiaoti. Dis, je viens de monter en gamme et me dis que ça serait drolement égoïste si je ne t'en faisais pas aussi profiter. C'est qu'on a formé une sacrée équipe aujourd'hui et on l'a bien mérité!
- Salut Brice, c'est que je viens de défaire toutes mes affaires et que je suis bien là. C'est cool pour toi mais je pense que je vais prendre racine ici.
Elle pris donc racine. Par vengeance, je pris trois douches chaudes et ne quitta la chambre qu'à 11h59 le lendemain, une minute avant le check out. La journée suivante fut de toute façon tellement bouchée de brouillard qu'une mère n'aurait pas pu y retrouver ses petits.

Indigeste. Cinq jours à manger des noodles matins, midis et soirs, ça forge des envies d'ailleurs. Ou des envies de framboises. Au choix.

Surprise surprise. Après une trentaine d'heures d'embouteillages nuageux, après avoir ruiné l'odeur de mes draps à grands coups de cuissons de noodles, furibond, je sors fumer une cigarette post dinatoire. Là, regardant mes pieds, je remarque qu'une ombre se porte au sol. N'y croyant guère, je lève les yeux au ciel. Tel un diable jaillissant de sa boite, la lune illumine les alentours avec sa cohorte de milliards d'étoiles. La montée d'adrénaline qui s'en suit n'a rien d'imagé. Spectacle incendiaire. Je file dans mon nouveau dortoir. il a beau faire nuit pendant encore une douzaine d'heures, je m'équipe de la lampe frontale, du trépied et du boitier photo et pars arpenter la montagne en conquérant, façon Hannibal et ses éléphants, pendant cinq heures, juste assez longtemps pour que je perdes toute sensibilité aux bouts des doigts face au froid nocturne. Bonheur.

Home sweet home. J'avais une question récurrente pour tous les chinois à même de tenir une conversation : si vous pouviez aller n'importe où sur la planète pour quelques jours ou pour une vie, à la montagne, à la ville ou à la mer, où cela serait-il?
Mise à part une chinoise particulièrement imaginative qui souhaitait visiter la Nouvelle-Orléans et y écouter du jazz, tous m'ont répondu Paris, que ce soit instinctivement ou après mures réflexions. Si ça c'est pas un signe...

 

 

 

Voilà, ça faisait un bail.

 

Si tu te prends de vouloir commenter, ne te gène surtout pas, et clique sur le lien correspondant.

 

Et s'il t'a manqué des cases photographiques du tour du monde, je ne peux que t'enjoindre à jeter les deux yeux sur le site internet que j'ai pondu et dont je suis trrrrrès fier :

www.quintessencedevoisinage.com

 

A biental.

 


Partager cet article
Repost0
11 décembre 2010 6 11 /12 /décembre /2010 00:13

Un jour on a récrit, la si, la sol,
Un jour on a récrit la si la sol fa mi.
Mais qu’est-ce qui nous a pris, la si, la sol,
Mais qu’est-ce qui nous a pris la si la sol fa mi.
C’est p’t’être  qu’j’avais envie, la si, la sol,
C’est p’t’être  qu’j’avais envie la si la sol fa mi.
Sur ces mots je frémis, la si, la sol,
Sur ces mots je frémis la si la sol fa mi.
(Faut simplement que je retrouve où j’ai enfoui tout ça)(sic)


La Chine, continent sans limite aux confins du monde, la Chine, terreau d’une culture millénaire millésimée, la Chine, carrefour planétaire entre sagesse et la tienne, la Chine, phare d’une fierté retrouvée, pas la mienne.

La nuit a laissé des traces. Des traces de pneus de tracteurs sur le fil de pêche de ma vitalité. La SNCF me manque à m’en faire monter des sanglots. La décision d’acheter un billet de train ne donnant droit à rien d’autre que de partager trois mètres carrés transpirant l’urine et la tabac froid avec une huitaine de bougres pendant douze heures
aurait finalement pu ne pas être prise. J’ai beau avoir garni mon tableau de chasse du pire voyage ferroviaire depuis la création du rail, c’est un trophée qui se mérite, remis exclusivement s’il est admis après coup que le voyage a fait de vous autre chose qu’un être humain.
On ne se pose pas la question de savoir si un contorsionniste grince quand il sort d’une boîte dans laquelle il a passé cinq minutes mais qu’en est-il après douze heures d’une nuit d‘un blanc blafard? Oui, ça pour grincer, ça grince.

Xi’an, ma destination, est le premier arrêt du convoi. A l’ouverture des portes, sous la pression du nombre, les passagers sont éjectés de l’habitacle comme un diable de sa boîte. A mon tour, moi aussi, je boite. J’ai les facultés motrices d’un arbre mort et la vivacité d’esprit en manque d’engrenages. Ne reste que l’instinct et une vague expérience de la démerde en milieu inconnu voire hostile. 
Avec la grâce de l’éléphant de mer je traverse le hall principal obnubilé à l’idée que mon futur lit qui s’ignore m’attend dans de courtes minutes. Seule la taille de la gare pourrait me faire pousser de vagues cris d’admiration devant sa taille une nouvelle fois pharaonique mais non, pas le temps, pas la force.
« Hep taxi!! »
Ne faisant aucun effort, je lui colle directement sous le nez la page relative aux auberges sur le LP et fouette cocher!!! Il aura beau tenter une manœuvre d’approche par la face nord pour me tirer quelques mots de mandarin dans une conversation qui a autant d’avenir qu’un hérisson se réfléchissant dans la lumière des phares d’une voiture lancée à pleine vitesse, j’en fais fi. Ainsi fondent fondent fondent mes bonnes manières quand je supporte contre ma volonté le simple fait d’avoir les yeux ouverts.
Dans la ville, le taxi glisse sur l’asphalte, et moi avec lui.
En une enfilade de larges avenues, malgré le trafic omniprésent, on atteint l‘hotel. Dans la rue, pour peu qu’on veuille bien se donner la peine, ça sent le plumard à plein nez, je respire. Je respire et je rentre à la recherche d’une couche pour les 36 prochaines heures au minimum. A la réception, je ne suis pas tout seul. D’autres se sont donnés le mot pour arriver avant moi. On m’indique de patienter. Alors moi, pas con, je patiente. Dix, vingt, trente minutes. Je suis semé, le temps s’égraine, je plante, me décompose. Vite, une cigarette!! Je sors et m’offre une vue susceptible de m’ôter le poids de mon inconfort. Je végète dans une impasse sans fond depuis une demie heure sans savoir qu’à trois numéros de là se dresse un autre marchand de sommeil, avec vacance celui-là. Dîtes, vous n’auriez pas ne serait-ce qu’un tapis ou une paillasse en bois dormant? Si? Vous êtes sure? Non, là c’est trop, je vous prends dans mes bras?

Je pourrais chaque fois questionner mon interlocutrice sur ce qu’elle exprime dans ses réponses en mandaringlish mais je m’abstiens. Rien n’est intelligible ou presque, mais ça n’enlève rien à l’essentiel, ça se lit dans son sourire compréhensif ainsi que dans la clé qu’elle me tend, ce n’est pas la peine que je m’inflige une lutte finale avant ma mise en bière.
 
Ainsi, le milieu de journée inonde Xi’an d’un soleil radieux, je vais me pager dans un dortoir d’une dizaine de paddocks superposés dont l’agitation relative n’a aucun type d’influence sur la plateur de mon encéphalogramme. Seul un miracle m’en décanille. Pas d’explications rationnelles pour expliquer que je suis debout et pas loin d’une vaillance difficile à pronostiquer, mais il se trouve qu’avant que la nuit n’ai tiré un trait obscur sur cette journée mi-fatigue mi-fatigue, je guette le dehors derrière mes vitres fumées et correctrices. Le premier contact visuel sur Xi’an en impose. On ne peut pas faire plus en face de la bonne auberge se dresse un mur. Que dis-je un mur? Une muraille qui pourrait dans les dimensions faire de l’ombre à sa cousine dont je ne me lasse pas de faire l’éloge! Un truc pas croyable qui s’allonge à perte de vue pour peu que le soleil m’aveugle avant de se cacher derrière. Je le longe jusqu’à une porte qui n’est pas qu’une métaphore du genre de la porte d’Orléans où il n’y a pas vraiment de porte, pas la peine de chercher, là, si si, ils ont penser à tout, il y en a une de porte, et pas des moindres! La muraille est le mur d’enceinte de la ville du temps où elle était la capitale de l’empire, et à quatre côtés correspondent quatre portes par lesquelles s’écoule dans des vapeurs à particules tout le trafic de la dîte vieille ville .

Je m’enfonce, la boussole à portée de main, des fois que. Je me cantonne aux grandes avenues, déjà bien assez chinoises pour que je puisses m’y repérer mieux qu’une aiguille dans meule de foin. Partout ça s’active, on en oublierait qu’on est en juillet! Ils ne sont pas nombreux les locaux qui flânent! Tous donnent l’air d’être en mission sauf quand certains prennent le temps de me rendre mes sourires, ce qui fait qu’au bout du compte, on est quitte.

Ravi, je rentre à la GH après deux heures de ce manège où tout n’est pas beau architecturalement parlant mais comme le fond de l’air est en manches courtes, tout passe. Là, je mange, en pas qu’un peu, ça favorise une remise en sommeil plus rapide quand on se leste un tant soit peu. Et comme en plus, la vie est bien faîte, sur le court chemin entre la nourriture et le sommeil m’attends tapi le quartier réservé aux tours organisés. Oui, c’est pas parce que l’armée des guerriers en terre cuite n’est qu’à une trentaine de kilomètres que je vais y aller à pieds pour le plaisir! Et tant qu’à ne pas verser dans l’inconfort, comment refuser quand on vous prend en véhicule climatisé (il fait dans les 35° vers 14h, t’en veux du climat continental, j’vais t’en donner moi), qu’on vous dépose sur le sîte avec un guide qu’on est pas obligé d’écouter selon l’humeur, qu’on vous ramène toujours motorisé à proximité de vos draps de soie? Je suis vite convaincu, demain j’affronte une armée entière de terre. Sans perdre de temps. Je flotte sur l’hyperactivité comme une pierre dans l’eau.

Au matin, le soleil du jour a remplacé celui de la veille. Le petit déjeuner compense l’absence de celui de la veille. J’ai de l’énergie à revendre à bon prix.
Un minibus arrive, l’appel est fait. Les affaires tournent bien, le véhicule est plein.
Il est 10h, prochain stop : l’armée des sous-terre-man. En principe…

En principe seulement. 
Car la Chine, en temps que premier pourvoyeur mondial de daubes à moins d’un euro pièce, n’est pas née de la dernière pluie. A Xi’an on vend du rêve. A Xian on vend du bonhomme en terre certes, mais aussi avec des épées, des boucliers, de fiers destriers, etc. A Xi’an, on vend de la légende. En un mot (deux), à Xi’an, on vend du Star Wars. Et qui dit rêve, épées et petits bonhommes, dit aussi :
- « alors voilà, nous allons prendre notre pause déjeuner dans ce ravissant endroit. Sur votre droite vous avez l’exquis restaurant, et sur votre gauche, les délicieux rayonnages de notre subtil magasin de souvenirs dont vous pourrez bénéficiez avec félicité sur plus de 800.000m². Profitez étrangers, il n’y en aura pas pour tout le monde! »

La bonne blague!! Je ne l’avais pas vu venir la fourbasse!! Deux heures à se faire poursuivre par des répliques comme « si, si, achète, c’est bon pour toi! ». Et à les entendre, les répliques miniatures des soldats c’est bon pour le moral, pour le teint, pour l’arthrose, les ganglions et le diabète!
A les entendre, je retourne près du bus avec les autres boudeurs. Devant nous passent régulièrement les chinois qui ont fait leurs courses de souvenirs de la semaine et en remplissent leur coffre de voiture. Eux sourient, nous, on fulmine un peu.
Ce n’est qu’un début.

Sur le bref chemin qu’il nous reste à accomplir jusqu’au site, un nouvel obstacle se dresse en travers. En travers de nos gorges. C’est qu’après avoir bailler à s’en détacher la mâchoire au supermarché de la daube, il faut encore rendre visite aux artisans, ceux qui à coups de scalpels habiles fabriquent les reproductions, disons le, les plus chères. Nouvelle couleuvre à avaler. Celle-ci étant moins indigeste que l’autre, mais quand même… La révolution est proche.

Tout à coup, un membre de notre groupe de bailleur du fond attrape une hallebarde dont personne ne s’est alors posé la question de savoir ce qu’elle faisait là. Le type, appelons le Toni, fait alors tournoyer l’arme au dessus de sa tête avec la dextérité d’un moine Shaolin. Elle tourne, tourne, tourne, puis vient se planter dans le torse surpris de notre guide qui ne l’est pas moins. Le sang jaillit, pourrissant le travail d’une dizaine d’employés. Tout le monde est révolté.

Non, sans déconner, tout le monde est révolté j’vous dis. Un deuxième arrêt… Non mais c’est dingue… Que fait la Croix Rouge nom d’un chien?

On re-décolle avant que ça tourne au vinaigre. C’est que c’est pas tout ça mais on est quand même nettement plus proche de la tombée de la nuit que lorsque nous avons débuté notre tour du rance. En route messieurs et cette fois ci, pas de blague, on a gardé la hallebarde!!! Le minibus repart.

Sur la route, de nombreux panneaux imagés nous rappelle ce pourquoi on est là. Puis, le guide se lève, prends le micro, et de sa voix la plus mélodieuse nous annonce enfin : « On y est!! On y est!! ».
On avait vu, le bus est arrêté à la guérite précédant le parking. Merci pour l’info. Si si, euh, il est bien notre guide!!

Il nous remet un ticket à chacun. Sur le parking, quand plus haut je vous parlais de légende, je me rends compte du phénomène. Des emplacements innombrables sur lesquels sont stationnés des bus qui, si il voulait bien se donner la main, on ne serait pas loin de la lune. C’est la Chine. C’est juillet. C’est juillet en Chine. C’est* les chinois en vacances. Et quand les chinois en vacances débarquent, ça rend la crainte de voir les anglais débarquer à la limite du ridicule. Au pire, quand les anglais débarquent, c’est à 60 millions. Mais si les chinois s’y mettent, ça va être du sport croyez moi!!


* Alors certes, c’est + pluriel = c’est moche. Ca me ferait presque même autant tiquer qu’un « malgré que », c’est dire… Seulement là c’est du comique de répétition. Si je dis, je cite : «  C’est la Chine. C’est juillet. C’est juillet en Chine. Ce sont les chinois en vacances. », je vais passer pour quoi moi après??


Là-dessus, je vais vous laisser, parce que même si c’est plus court, ça ne me prend pas moins de temps.
Je vous tiens au jus sur ce qui s’est passé il y a plus d’un an plus tard.
Bises.
(Les photos viendront plus tard, je n’ai pas fait de clichés des stands de crèpes.)

Partager cet article
Repost0
30 juillet 2010 5 30 /07 /juillet /2010 00:56

Vous vous demandez sans doute pourquoi l actualite du site est devenue aussi plate que la voix de la premiere dame de France et ce, depuis deja plusieurs lunes. Vous avez raison!

A votre place, ca ferait bien longtemps que je serais parti a ma recherche pour m arracher des informations par quelque moyen illegal que ce soit.

Et bien la raison est toute simple sans en etre pas moins tragique.

 

Non, je ne me suis pas fait devorer l ultime phalange de chaque doigt par des chiens errants rageux, pas plus que je ne suis devenu un amish converti a la dure loi des signaux de fumee plutot qu aux raccourcis informatiques.

 

La raison pour laquelle la mer est basse sur A Fleur de Terre est que, voila quelques mois deja, un individu a la moralite tellement douteuse que je ne me pencherais pas dessus meme de loin a pris soin de me derober le petit ordinateur delicat grace auquel je te racontais les details de mon itinerance.

 

Or, pas d ordi, pas d´story.

C est con comme une histoire de Toto mais c est comme ca, malheureusement...

 

Les details arriveront plus tard mais ils arriveront!!! Comme moi, a compter de la mi-septembre.

Garde patience, yá du lourd!!

 

Grosses bises deja latine quoi quéncore americaine

Partager cet article
Repost0
25 mai 2010 2 25 /05 /mai /2010 03:39

Ladiz and Gentlemen,

 

Plus insolite que de me voir derrière un manche de casserole, plus rare qu'un colibri obèse, et plus soudain que l'apparition de poux sur la tête d'un enfant dans sa première année d'école, c'est le retour de la plume maudite, la renaissance de l'itinérance relatée faîte (jeune) homme, enfin, un nouvel article, une nouvelle plongée dans les couloirs tortueux d'un temps que les moins de dix mois ne peuvent pas connaître.

Bienvenue dans la mémoire bien remplie de l'encrier à deux pattes qui se croyait sec. Bienvenue en Chine.

 

 

La gare de Pékin pourrait ne plus avoir de secrets pour moi, je pourrais parler le mandarin couramment et me faufiler sans que rien ne viennent empiéter mon espace aérien, on pourrait vivre dans un monde parfait. Belle anerie!! J'ai beau avoir cerné les "x" et les "y" de la terrible équation qui me sépare de mon quai, rien qu'à tenter de la résoudre entièrement, j'en ai des ampoules au casque!

 

Les fourmis s'activent en tous sens en se rentrant dedans gaiement si nécessaire. La voix de la compagnie ferroviaire souffle les cinquantièmes hurlants et résonne dans l'immense hall d'accueuil dans des sons qui n'ont malheureusement que peux à voir avec ce que nous a habituée la SNCF. Ici, pas de "suite à un problème technique", pas de "le train en direction de Xi'an est en partance à la voie ..." non plus. Le jeu de piste se poursuit sans que les indices ne s'amoncèlent. Non, il n'y a pas à tortiller, le Père Fourrat, à Pékin, connais pas...

 

La course d'orientation débute d'abord par un slalom où les obstacles se succèdent chaque dix centimètres, se faisant tous forts, il semblerait, de me barrer le passage à chaque pas. Prends la course aux achats de Noël un 24 décembre dans l'après-midi, imagine devoir traverser cette frénésie une enclume grosse comme une meule de foin sur les épaules et multiplie la difficulté de se mouvoir par dix. J'en viendrais presque à croire qu'après la journée de la Terre, la journée de la Femme, c'est maintenant la journée du mawashigeri-coup-de-pied-circulaire et les occasions de la célébrer se succèdent à un rythme faisant passer quelque transe hardcore pour de la musique de chambre. Je suis un marsouin en mission, je fends la foule, la baillonette sur le qui-vive.

 

En main, je sers fort mon précieux billet, sésame vers des contrées plus apaisante ce qui ne devrait pas être bien difficile étant donné que j'évolue momentanément dans le goulot d'étranglement qui sert de SAS entre le paradis et l'enfer. Beaucoup d'appelés et peu d'élus. Qui reste à quai reste à quai, qui monte dans le bon wagon montre son arrière train au reste de la gare comme Rocky lève les bras après une série de marche avalée sur les auriculaires. Le plus dur, ici, étant encore de le trouver, le bon wagon.

T'as beau avoir les petits doigts d'un champion olympique, t'es pas encore rendu, use plutôt ta tête et garde tes doigts pour brandir des cartons de couleurs vives, ils sont nombreux les casse-noisettes qui les méritent!!!

Spontanément, je cherche des yeux un employé du réseau ferré à même de me sortir de là, moi l'aiguille dans une cotte de mailles. Là non. Là non plus. Lui, non plus, c'est un chauffeur de taxi qui tente la tactique de la sangsue, carton rouge, rouge de là!! Sur le millier de gens qui partagent en permanence mon mètre carré de surface vitale, personne ne porte de petit gilet distinctif, de casquette caractéristique, de sifflet. A en juger avec mes yeux pourtant habitués à la décadence organisationnelle, la gare pékinoise est la cerise apocalyptique sur un gateau anarchique. J'ai beau avoir encore une heure et demie devant moi, je frémis déjà à l'idée de faire chou blanc et de rentrer la queue entre les jambes chez Dara dont j'aurais finalement bien besoin pour me sortir du labyrinthe infernal.

La compagnie ferroviaire chinoise serait-elle une bête sans visage? Un monstre à l'intelligence propre fonctionnant sans intervention humaine? 

Voyant que je fais fausse route, je me plante sous un panneau XXXXXL dont je pense qu'il indique les départs. J'entreprends alors à mon tour la stratégie dîte de la glue. Dès que j'aperçois un visage à peu prêt sympathique, je le poursuis en maintenant fermement mon billet à quelques centimètres de ses yeux. Gage à lui de m'indiquer mon chemin, où pas de chance, on inverse les roles, c'est sur toi que ça tombe.

 

La première personne avec laquelle j'entame cette danse improvisée me montre les limites du système. Lui ne porte pas d'enclume et prends ses jambes à son cou devant la parodie d'éponge flétrie et dégoulinante que je suis en train de devenir au fur et à mesure des minutes. Pas la peine de courir, ils sont un milliard!! Au suivant.

De retour sous mon panneau, un vieil homme me sourit. De re-chef, j'accours tendant bien haut mon sésame pour qu'il ne se méprenne pas sur mes intentions. Patiemment, ses yeux vont et viennent entre le billet et le panneau. Il a du travail, il doit y avoir dans la centaine de trains au départ dans les 90 minutes qui suivent. Un sourire édenté plus loin, ses doigts se muent d'abord en flèche pour m'indiquer une direction puis en chiffres pour m'informer du quai correspondant à mon fantasme immédiat, un monde où tout est facile; d'habitude le quotidien. Je le remercie chaleureusement, ce qui est presque un crime au milieu de cette fournaise, et détale... à la vitesse d'un flan au galop. J'ai beau savoir où mettre le cap, l'horizon ne s'est pas subitement dégagé pour laisser apparaître un tapi rouge réservé aux VIP, voyageurs impatients de partir. A la place, je tente de suivre le flot, expérience rendue quasi-impossible par le fait que personne ne marche dans la même direction qu'un autre. Ca pousse, ça gueule, ça se racle la gorge avant de cracher à deux centimètres de mes oreilles, ça sentirait la lavande si ça ne sentait pas déjà la sueur.

 

J'arrive devant une grande porte derrière laquelle se cache une des innombrables salles d'attente. A l'intérieur, tout est à l'unisson pour qu'on croit à une grève longue durée. Les gens baillent, dorment à même le sol dans des ordures qui s'amoncèlent plus vite que la cadence à laquelle le personnel de ménage ne balaye malgré une volonté affichée de redoubler d'efforts. A voir ça, j'ai comme l'impression de ne pas être le seul à ne pas avoir de siège et que certains prennent de l'avance sur une nuit qui s'annonce au moins aussi épique que la soirée.

C'est qu'il faut que je vous rappèle que pour ce baptème en train chinois, je suis pire que le cul entre deux chaises, c'est à dire le cul entre rien du tout. Pas de fauteuil, pas de banc, pas même une planche, je me prépare à onze heures de position debout entre la nuit et la matinée, pour peu qu'on puisse dire qu'une sardine tienne debout dans sa boîte, ce qui n'est pas gagné, pauvre de moi!!!

 

Imitant mes voisins, je m'assois et patiente, ça je sais faire!! Champignon olympique de patience le bolet Retailleau!! Une heure passe, vivement que la torture commence!! Je suis à quelques menus détails prêts comme un détenu dans le couloir de la mort à attendre pendant des années que le bourreau veuille bien passer à table pour que je passe sur la chaise. Quelques menus détails, j'avais prévenu, qu'on ne me fasse pas un procès, je plaide coupable!!! 

 

Puis, une porte s'ouvre, des officiels s'affairent, ça fleure bon le départ!! Les partants sont mis en ordre de marche. Et ça, les chinois, pas besoin de leur dire deux fois!!

En une seconde, là où on pourrait penser qu'un nouveau carnage va s'opérer, une large file d'attente bien docile se met en place. Les couples avec enfants passent devant. Suivent les personnes agées avant que le reste du troupeau ne puisse avancer à son tour. Noyé dans la masse, je tente de respirer, c'est déjà ça. Pour la première fois de la soirée, tout le monde marche dans le même sens, et ça, c'est déjà une petite victoire!! Cela dit, comme souvent, j'ai beau avoir gagné une insignifiante bataille, reste à mener une guerre de front. Gauche-droite, gauche-droite, gauche-droite.

 

La file de gens, tous au moins aussi chargés que moi, serpente le long d'un couloir qui surplombe les voies. Puis c'est la nôtre. J'hésite une nouvelle fois à crier victoire, et puis non. Sur le quai, c'est une nouvelle foire d'empoigne qui se dévoile. Comme le train, de la loco-mao-tive à la queue, donne l'impression de faire dans les deux kilomètres de long, je m'abstiens de m'y hâter.

La guerre commence, s'il ne doit en rester qu'un... je veille à ce que ça ne soit pas mon voisin.

 

- "Allez-y monsieur, allez-y madame, vous êtes pressés? Moi non plus!!"

 

Comme l'enfant que j'étais qui ne veut pas aller à la Bourboule en colonie de vacances avec les bonnes soeurs, je traîne des pieds et laisse passer tous ceux qui veulent aller plus vite que la musique. Je serais bien assez tôt privé de mes libertés les plus élémentaires, comme celle de pouvoir dîner, n'étant en retard que de quelques minutes, la faute à une partie de baballe dont l'enjeu dépasse l'entendement quand on a fait voeu d'ennui en ce qui concerne les autres. L'histoire m'en est témoin. Mais revenons à nos mao-utons.

 

Une fois sur le quai, pas de doute possible quant à l'identité de mon wagon. Tout du long ça se clarsème, tout du long ou presque. Une seule voiture reste prise d'assault par les voyageurs, à votre avis?

A l'intérieur, c'est un spectacle pas banal mais ô combien prévisible auquel j'assiste. Vous avez demandé le front, ne quittez pas.

Le wagon est doté de sièges tout ce qu'il y a de plus normaux. Sur ceux-ci s'entassent déjà des familles entières. Ils ont beau être conçus, comme à l'habitude, pour deux personnes, ça n'empêche qu'on y tient finalement aussi bien à cinq, CQFD. Et ce qui marche en bas fonctionne aussi en haut. Sur les rampes qui servent de porte-bagages, c'est encore pire! Comment est-ce que ça ne va pas finir pas rompre sous le poids des valises à roulettes qui tiennent là un colloque sur l'opportunité de vivre les unes sur les autres plutôt que chacune de son côté? Ca se tasse, s'entasse jusqu'à superpressurisation de la cabine. En cas de malaise, gageons que l'une d'entre elles viendra juste dans votre visage en lieu et place d'un masque à oxygène!! Mieux vaut prévenir que guérir? Pas ici... D'autant qu'ils sont nombreux les candidats au crash frontal. Dans l'allée centrale, il y a encore une armée de volontaires qui cherchent en vain un siège à leur cul. Comment on va tous pouvoir tenir là-dedans? Voilà un mystère bien bien bien mystérieux. Mais soluble!!! Il en rentre encore!!! D'ailleurs, à l'extérieur, la queue ne rétrécie pas. Tous patientent pour pénétrer par l'unique porte qui est ouverte et derrière laquelle ça fleure déjà bon le César. Pas l'empereur, le compresseur...

 

Pour ma part, je patiente aussi. Ailleurs. Je fume une cigarette à quelques mètres de là, plein d'une admiration craintive quant au spectacle proposé, comme en préambule à ma mise à mort. Onze heures... Et ça continue de rentrer!!!

 

Puis, sans coup férir, la "chance" frappe à la porte. L'autre. Celle qui est restée fermée de l'autre côté, pas folle la chance!

Une petite dizaine de personnes se démènent encore pour faire partie intégrante de la Boucherie. Voyant l'opportunité, dans un seul geste, tous se retournent et se ruent sur la pauvre agent à la tête bien pleine qui a pris la peine d'ouvrir une seconde porte d'accès. Tous plus un. Tel Clark Kent qui est tellement pressé d'en découdre avec les forces du mal qu'il en oublie qu'il porte son collant sous son slip, je me saisis de mes sacs aussi vite que la nature peut me le permettre dans une folle chorégraphie et bondis vers la lumière au bout du tunnel. C'est que ma place est là et pas ailleurs, je le sens, je le sais. Et je ne suis pas le seul. Tous ceux qui sont là sont comme hypnotisés par la porte nouvellement ouverte. Les bonnes manières sont remises au placart, ça joue des fesses, des coudes, des épaules. Chacun se bat à grand renfort de valises pour être en première ligne d'une mélée qui défie un train entier. David contre Goliath? Allez, pousse David!!!!

 

Dans la grande bataille dîte de l'entonoir, j'arrive en troisième position, pas mal quand on voit les enragés qui d'ébattent tout autour. Par miracle, à notre entrée, cette partie du wagon est libre, à nous de nous y emboîter le plus chastement possible. Comme prévu, les deux premiers entrés s'assoient contre la porte fermée qui donne sur la voie avec leur maigre paquetage comme dossier. En ce qui me concerne, je suis un escargot de Bourgogne au milieu des limaces. Mon sac à dos est aussi gros qu'un chinois, il va falloir serrer si je veux moi aussi donner du plancher à mon fessier. Et pour serrer je serre!!!! Tant et si bien que je peux un tant soit peu me positionner à plat même si avec mes genoux dans la luette. Au moins pour un temps ça fonctionne, pourvu seulement qu'une crampe ne s'invite pas à la table des négociations!! Une table qui n'en finit d'ailleurs pas de se garnir à mesure que les derniers pénètrent dans ce Tétris humain où le moindre espace libre est la proie des charognards et des chasseurs.

Au final, dans les 3,5m² qui d'ordinaire font office de lieu de passage, on compte 10 personnes, soit autour de trois personnes avec valises au mètre carré, ce qui est bien mais pas top... Merci mr Euphèse d'avoir inventé l'euphémisme!! Euphémie, aussi.

 

A 23h30 au lieu de 23h, le train démarre. Au moins dans mon wagon, chacun sait pourquoi on est en retard...

 

Une fois notre vitesse de "croisière" atteinte, on peut se laisser aller à faire connaissance entre voisins. Les échanges verbaux ont beaux être extrèmement limités, les sourires autant que les échanges de chips ou de biscuits sont de mise. Déjà qu'ils n'ont pas d'argent pour se payer un siège dans un train, je ne vais pas les blamer d'avoir sêcher les cours d'anglais si toutefois ils ont eu la possibilité d'en avoir ce qui est loin d'être sûr.

 

La veillée ne dure qu'un temps. Aidés par une position à peine moins précaire que la mienne, la faute à mon sac trop gros pour être honnète, un à un, mes voisins tombent comme des mouches, bercés par le ronronnement du train qui y met tant d'entrain que j'ai du mal à entendre quoi que ce soit lorsque j'écoute ma musique à plein régime. Ca non plus, ça ne veut pas, dommage... 

Là dessus, en mauvais sportif de haut niveau, je suis comme rattrapé par mon physique. Le placart à balais que je dois partager semble rétrécir à moins que ce soit mes jambes qui grandissent. Je n'ai d'autre solution pour lacher un peu de lest que de me lever et d'effectuer quelques étirements bienvenus. Seulement, j'aurais dû y réfléchir à deux fois. Comme dit l'adage de cour de récré', "qui va à la chasse perd sa place"! Et il n'y a pas de "qui va à la pêche la repêche" qui tienne. Sitôt je suis debout que mes colocataires, comme s'ils n'attendaient que ça feignant le sommeil, se déplient sans pour autant quitter leur poste. A la question "qui a horreur du vide", la réponse était "un chinois endormi". Pas simple...

Me voilà donc comme con, pantois devant mon erreur de débutant, condamné à rester debout. Bien que je m'y étais préparé psychologiquement, c'est quand même une tuile en acier trempé dans le crépit qui me tombe sur le coin de la tronche. J'ai beau être matinal, j'ai mal!!

J'ai mal d'autant que tous les recoins qui se dévoilent à mon regard ont été pris d'assault. Sous les banquettes, ça dort. Dans l'allée, ça dort. Même dans les toilettes, ça dort et pourtant ça n'empêche personne d'aller uriner!!! Et je ne vous parle pas de l'odeur qui s'en échappe pour maintenant envahir notre pré carré!!! Elle est loin la lavande, elle est loin la Provence, et à vue de nez, on ne s'en rapproche pas!!

La seule bonne nouvelle dans cet océan putréfié, au moins pour moi, c'est que le petit coin de paradis dans lequel je compte les secondes est une zone fumeur. J'ajoute donc moi aussi ma pierre à l'édifice quant à la construction d'un monde meilleur et plus respirable. Je suis tellement fatigué que j'en oublie d'en être désolé! A la guerre comme à la guerre...

 

Ca dure comme ça pendant environ cinq heures au terme desquelles un des joyeux ronfleurs choisit, ni vu ni connu, d'aller faire sa commission. Pour s'extraire de sa CGT, Couchette Grand Tluxe, il n'a, malheureusement pour lui, pas d'autre alternative que de réveiller d'autres dormeurs la bouche ouverte. Il ne se prive d'ailleurs pas. Vas-y que je te pousse, que je te piétine, que je t'escalade. Puis il disparait. Tant pis pour lui, l'homme est un loup pour l'homme, à priori d'autant plus quand il est à la limite de l'épuisement. Les quelques chinois qui viennent de se faire tirer du "lit" avec délice sont tout à mon confort, ils mîment "vas-y, dépêche-toi!! Assiez-toi et fais semblant de dormir; la queue du Mickey pourrait ne pas repasser de sitôt!! D'ailleurs, en ce qui me concerne, je préfère encore subir une explosion de vessie caractérisée et faire de l'endroit une zone de quarantaine que de laisser ma place à quiconque!! Une erreur est si vite arrivée! Go go go!!!!!! Action, réaction!!!!!!!!"

 

Il n'en a pas fallu plus pour je fasses le sournois. L'invitation était trop belle. L'erreur d'inatention aussi. Depuis ma bévue d'autour de minuit, à force de rester debout, j'ai bien ruminé et sais maintenant qu'il ne faut pas me la faire. Jeune singe est devenu vieux singe à qui on ne peut plus faire la grimace à moins de se faire piquer sa place à son tour.

Quand Jo-la-vessie-trop-petite-pour dormir-par-terre sort de la salle du trône, le rideau tombe, je suis assis sur mes genous, dans une position la plus foetale possible, et si pour accentuer l'effet, je devais laisser filer un petit filet de bave, il ne faudrait pas me le demander deux fois. Je suis assis par terre et suis prêt à tout pour y rester!! Au grand jeu des chaises musicales, nous avons un nouveau gagnant, bien joué couillon!!!

 

Enfin je dors. Du sommeil du pas si juste, mais je dors. Cependant je sais d'avance que, que je dormes douze secondes ou douze heures, j'en sortirais dans le même état lamentable qu'avant de fermer les yeux, voire pire. Pas besoin d'être voyant pour anticiper cet état de défaite. Pas besoin non plus d'attendre bien longtemps pour le vérifier...

 

98% des passagers de ce train sont dans un confort que je pourrais qualifier d'enviable. Ô comme la nuit de ces gens là a dû être douce et réparatrice. Pas étonnant qu'ils se réveillent tous dès les premières lueurs du jour, attendant un petit déjeuner qu'on leur apporterait sur un chariot roulant. C'est qu'on s'habitue vite et bien au confort!! Que leur volonté soit faîte, sur la terre comme sur les rails.

Dès 7h du matin, le personnel s'affaire. Comment je pourrais le savoir? C'est que le chariot roulant n'est pas une légende. Ca a besoin de place un chariot roulant. De ma place en l'occurence! Je suis dans le passage. Une tape sur l'épaule et me voilà au courant. Préparation à l'ouverture forcée des paupières. Pas le temps, ouverture. Douleur. Je ne sais plus où j'habite ce qui n'est pas très loin de la vérité en cette fin de nuit où je n'ai pour gîte qu'un coin de plancher que j'ai au préalable subtilisé à un pauvre bougre. Heureusement que mon sac est encore là, ça fait au moins un point de repère pour me remettre les idées en place, ce qui conjugué à la tête des gens achève de me convaincre que je dois être quelque part en Chine!!

 

- "Ca y est, je sais, au bout du brouillard il doit y avoir Xi'an!! Xi'an que l'on devrait peut-être atteindre dans les trois minutes!!"

 

 Ah non, vérification faîte, c'est plutôt dans les quatres heures... Quatre heures au terme desquelles si je ne me transforme pas en zombie, ce sera déjà ça de gagner!! C'est que passer les frontières en qualité de zombie, ça doit demander des trésors d'ingéniosité et de discrétion!!

 

Pendant ces quatre heures bonus, je m'efforce donc de tenir la barre, de tenir le vent, hissez haut!!

Tous mes voisins se réveillent les uns après les autres avec la même mine déconfite que moi, c'est rassurant.

Quant à Xi'an, si je ne rate pas la station pour cause de coma profond, ce sera déjà ça de gagner!!

Aujourd'hui, si la question c'est "dormir ou conduire? Dormir ou manger? Dormir ou boire? Dormir ou même respirer?", la réponse est toujours la même, je comprends ce que le gars voulait dire quand il mimait "pisser ou dormir?"!!

 

A tous, bonne journée, bonne nuit.

 

A ceux qui prennent le train et qui s'en plaignent, montrez-moi votre fessard que je vous montre à quel point il est ergonomique du point de vue de mon soulier taille 42 et demie.

 

A ceux qui viennent de prendre du plaisir, il serait temps de (re)découvrir que celui-ci est comme une rue à double sens. Si tu laisses un commentaire quel qu'il soit, gageons que ça me mette du baume au coeur à l'ouvrage ou quelque chose dans le genre...

 

Partager cet article
Repost0
3 avril 2010 6 03 /04 /avril /2010 00:38

Chères électrices, chers électeurs,

Face à l'impression qu'un milliard de chinois plébicitent le récit en mode livre rouge, reprenons notre baton de pélerin pour la Grande Marche qu'on agrémentera volontiers d'un avion, d'un train ou d'un bus de telle sorte que je n'y passe pas dix ans à traîner mes semelles nourries aux ampoules plantaires mais deux mois grand maximum, en direction de l'Inde, ligne droite s'abstenir.


Je partage avec la Norvège un dernier petit déjeuner avant que nos horizons ne s'éloignent en cette matinée ensoleillée. Nos maisons mobiles sur les épaules, tous équipés d'un sandwish baguette, nous nous installons dans un vaste parc à proximité de notre déjà ancienne maison fixe. Un banc idéalement situé entre fontaines et arbres toutes feuilles déployées nous offre un emplacement de choix. La conversation tourne autour de nos récents souvenirs, l'ambiance est guillerette. Tout en machant, je regarde l'immeuble qui dépasse de la canopée. Après cinq jours passés à Honk Kong, celui-ci ne me parait pas très grand. En quittant notre banc, je prends soin de compter les étages. Une vingtaine d'étages. Ridicule. La souillure de plus de 60 mètres pourrait être le troisième plus haut batiment parisien mais ici, c'est un brin d'herbe au milieu des bambous de béton, je ne m'en étonne même plus, il est temps de lever le camp.

Une embrassade plus tard, je partage nos souvenirs tout seul en route vers l'aéroport, à quelques battements de portes de métro de là. Particularité locale, j'enregistre mes bagages à mettre en soute alors que je suis encore à l'équivalent métropolitain de Chatelet-Les halles, bien en centre-ville, s'il en est. Ca a l'air de rien mais c'est quand même bien pratique! Jusqu'à l'avion!
L'avion, en effet... Je n'en suis pas fier mais j'ai dans les 2000 kilomètres à avaler dans la journée. J'ai rendez-vous à Pékin, et le tout est de ne pas faire patienter mon hote, Dara.
 
J'ai partagé avec Dara quelques glorieuses semaines, qui sont devenues des mois, qui sont devenus des années, à astiquer de nos fessards les sièges à roulettes de l'institution bancaire extrème orientale qui me fait en quelque sorte l'honneur d'être sur vos écrans aujourd'hui. On a vécu ensemble la faim, la soif et le manque de sommeil, les alertes incendies, les discours de motivation et les chèques pas à créditer sur nos comptes respectifs.
Et Dara est parti, à Pékin. Pour apprendre le chinois. Quelques heures par jour. Il y est désormais chez lui puisqu'il y loue son appartement et qu'il y a ses habitudes depuis de nombreux mois déjà. Il y a également emmené sa générosité puisqu'il m'invite à partager tout ça en sa compagnie, lui mon ami mon guide, lui qui possède quand même pas mal de temps libre ce qui, conjugué à la générosité, l'amène même à venir me chercher à l'aéroport. J'en rougis de honte...

L'avion est à l'heure pour le coucher du soleil, à l'heure pour dresser la table de nos retrouvailles. Je pénètre dans l'aérogare à la recherche du visage familier. Il est là, je n'attaque pas Pékin tout seul, merci l'ami!
On file chez lui poser toutes mes affaires en prenant le métro rutilant.

Dans le tunnel, alors que nous sommes dans la rame, des écrans me font tiquer à l'extérieur, sur la paroi qui défile à grande vitesse. Les publicitaires chinois, qui ne savent sans doute pas quoi faire de leur argent ou des écrans plasmas qu'ils aident à fabriquer par millions, ont réinventé le dessin animé dans une configuration futuriste. Les écrans qui affichent chacun une image statique différente font naître une courte histoire vantant les mérites d'une lessive. Ils sont fous ces chinois!!! Habiller un tunnel noir d'écrans plats!!! Non mais quand même!!! J'en ai même pas un à la maison!!! Mais que fait la police???

En rejoignant la surface, ma première mission consiste à me souvenir du nom de la station. Suzhoujie, trop facile, ça ne rime avec rien et n'est pas non plus très bien loti pour enfanter des pirouettes mémotechniques. On arpente ensuite le trottoir jusqu'à son immeuble. Tout est propre, carré si on excepte les p'tits vieux qui jouent à une espèce de jeu de dames à même le trottoir.
L'immeuble en lui-même est d'un beau gabarit si on est pas trop blasé de Hong Kong, et jouit de quatre ascenseurs protégés en permanence d'un garde à l'extérieur et d'un concierge qui appèle la boite d'acier à ta place. Classe.

Une fois dans l'appartement climatisé, Dara m'attribue le canapé-lit et me confie un jeu de clés. La confiance règne, à tort. A suivre.

Il est 21h, encore assez tôt pour qu'on puisse aller se restaurer à l'extérieur. Ca tombe bien, ni Dara ni moi ne sommes des fondus du four, de la casserole et de la poële. Marchant dans la rue, on passe le long de quelques salons de coiffure. Dara me met en garde, elle peuvent te couper tes cheveux et ton budjet, les salons de coiffure sont parfois des maisons de passes qui s'assument si j'en juge aux vêtements portés par les coiffeuses qui baillent en taillant... une bavette, le client se fait rare ce soir...

On dîne à la mode locale. C'est copieux et goutu. On discute à tout rompre sauf lorsqu'il faut interpeler les serveurs en hurlant, unique façon de les solliciter.

Retour à l'appartement.
Là, on en vient à organiser la semaine que j'espère passer ici. Tranquillement d'abord puis assidument.
Dara se révèle être un plannificateur hors-pair. Demain, on fait ça, après demain ça, c'est à peine si on couche tout sur papier!
Ca me fait un petit choc en terme de routine, moi qui me projète rarement au delà de deux jours, mais c'est plaisant de savoir où on met les pieds étant donné la palette quasi-infinie de sîtes pouvant être qualifiés d'incontournables.
Ca fait également un petit choc à mon gentil organisateur quand je mets les freins sur les réveils quotidiens à 8h du matin pour enchainer les visites dès le lever.
Les habitudes sont faîtes pour être bousculer, mais dans la limite du sommeil minimum!! On a beau être en Chine, on est pas à l'usine!!
Qui plus est, ça tombe aussi bien pour nous deux car le Dara n'est pas non plus homme à fermer les yeux avant 2h du matin. Qui se ressemble s'assemble, à une exception près, Dara a le plus souvent ses cours de 10h à midi, les réveils à 9h seront rarement partagés.


Le premier exemple intervient dès le lendemain. Quand Dara rentre de cours, je suis encore à compter les moutons. C'est peut-être l'effet 1er juillet, peut-être la chaleur ambiante mais comme je ne mets pas de réveil, impossible de me contraindre à la verticalité avant d'avoir usé mes crédits-sommeil jusqu'à l'os. Mais malgré ça, dès le réveil, le troupe de marine est opérationnel. En milieu d'après-midi, on est lancé comme une balle de révolver, Pékin express!!
On est contraint à une ballade rapide, ainsi soit-elle, tachons d'en tirer la moelle, la quintescence!!

On commence par un métro vite envoyé avec mon passe muti-voyages qui nous sort à la station Tiananmen Xi (la place du même nom), le nombril de l'Empire, le centre de la toupie, l'oeil du cyclone, la plus grande place du monde. Sitôt la tête dehors, je cherche le placard à balais. Guidé par un Dara qui n'a pas écumé les sîtes touristiques depuis longtemps, cap est mis jusqu'à ce que, sur notre droite se dévoile l'entrée de la Cité Interdite avec son imposant portrait de Mao, et sur notre gauche, de l'autre côté de l'avenue, cette fameuse Place Tiananmen qui tient autant de la place que de la plaine, au bout de laquelle on aperçoit le mausolée du même Mao.
On sent qu'ils sont quelques uns dans le pays pour accoucher d'une vitrine pareille!!

Chose surprenante, il n'y a pas de vélos à l'horizon. Il semblerait que mon image romantique de Pékin traversé à vélo par des millions de pékinois ait vécu. Les transports en commun sont efficaces et les voitures pares-chocs contre pares-chocs (NDLR : Ahhhh, je perds ma grammaire!! Où est passé mon pluriel des noms composés!!), pots d'échappement crachant sur un fond de ciel agréablement bleu d'entre quelques nuages.

Nous en faisons le tour en une peu plus de 30 minutes, comptant autour de nous plus de touristes chinois qu'autre chose. C'est que 1er juillet oblige, les chinois commencent à être en période de congés estivaux et que, quand ils débarquent, c'est autrement que un par un. (NDLR : Ca vaut également pour le reste de mon ère chinoise)

Recherchant un peu d'ombre, on poursuit alors dans la large rue qui part dans le prolongement de la place en franchissant au passage deux anciennes "portes" ouvrant plusieurs passages dans lesquels plusieurs éléphants pourraient tenir côte à côte. Si, si, ils doivent être deux ou trois les gars.
La rue en question véhicule une étrange atmosphère. Elle est quasiment vide de monde, complètement vide pour les trois quarts qui baignent au soleil. Comme sur la place Tiananmen, on y compte plus de policiers que de passants, qui sont eux mêmes potentiellement des policiers. Toutes les enseignes ne sont pour l'instant que des boutiques-fantomes, toutes à l'aube d'une ouverture toute proche, comme si Dieu avait construit la route en six jours mais qu'on était encore la veille de l'introduction de l'homme. Demain, pour Dieu c'est samedi, le repos est proche.
Nous errons tout le long de la rue, un objectif en tête, parfait pour cette fin de journée, un sîte dont j'ai oublié le nom en français mais qui, en anglais, donne quelque chose comme Temple of Heaven Park (littéralement le Parc du Temple du Paradis). Merci le LP de Chine de mille pages en anglais que je me trimballe depuis 9 mois pour te pondre quelque chose de cohérent maintenant!!
Le parc, grand de 267 hectares, est une oasis de verdure et de calme. De grandes allées longues d'un kilomètres nous promènent de temples extraordinairements construits et colorés en autels de marbre massif sur plusieurs étages dont le plus bas mesure dans les vingt mètres de diamètre et deux mètres d'épaisseur.
L'ensemble est unique et rend l'expérience presque trop belle pour être vraie. Un peu comme ce qui suit.

Pendant la journée, j'ai fait part à Dara de mon envie de changer de chaussures, d'apporter une paix bien méritée à la paire que je porte partout depuis Paris. Ca n'a l'air de rien mais je n'ai qu'une paire, ça prend donc toute son importance. L'important également, c'est que je parviennes à mettre la main sur le même modèle passe-partout à trois bandes que la paire qui va finir en déchèterie. Dara connait un marché local réputé dans les perles, peut-être ont-ils aussi des godillots?

On rentre, c'est la Chine commerçante dans toute sa splendeur. L'impression d'être dans la maison-mère des boutiques où tout est à un ou deux euros pièce. Toute la daube plastique fabriquée localement est également vendue localement, dans une toute autre échelle encore que tout ce qu'on leur importe. Sacs, jouets, électronique bon marché, souvenirs,  tout clignote, fait du bruit. Fatigués de la vie s'abstenir.
Dans le bazar, gloire à Passe-Partout, un stand de chaussures. Achalandé avec tellement de bon gout que je peux y trouver mon bonheur. La paire souhaitée me tend les bras, ne reste qu'à m'acquitter de l'addition. Dara m'a prévenu, il me couvre dans la négociation.
J'entame le bras de fer, en chinglish :

- Bonjour Madame, elles sont bien belles vos chaussures!
- Merci jeune homme, quelle politesse! Soyez béni si vous m'achetez quelque chose.
- Et bien justement, j'ai aperçu une paire qui, croyez le bien, m'intéresse au plus haut point!
- Vous ne pouvez tomber mieux, elles sont à vendre!!!
- Combien en demandez-vous?
- 700 yuans. 70 euros.
- 700 yuans, vous venez d'un futur lointain ou bien??? Elles sont bien belles tes Adadas, il faut bien le reconnaitre, mais 700 yuans? C'est essayer de faire rentrer l'étoile verte dans le trou rectangulaire jaune, ça ne rentre pas, y'a pas moyen!!
- Bon, vous me marquez au fer rouge mais soit, puisque c'est vous, je veux bien descendre à 500.

Intervient dara, le vengeur masqué. Je laisse la place à l'expert.

- Bonjour Madame! J'ai cru comprendre que vous demandez 500 yuans à mon ami pour ces Adadas qui n'en sont même pas! Je vous en donne 50!
- 50 yuans??? Vous, on peut dire que vous n'avez pas peur de chasser le moustique à la bombe atomique!! 50? T'as cru que je faisais du mécénat? Pour 300 yuans elles sont à vous, c'est me pendre que de descendre plus bas!
- Et pourtant... 50 ou rien.
- (ennuyée) Attendez un instant, je vais voir si ma copine a un meilleur prix pour vous qui me causez maintenant un ulcère.

Elle s'éloigne et discute avec sa collègue en retournant la tête de temps en temps comme pour vérifier qu'on est toujours là. Elle revient.

- Je crois qu'on a une bonne nouvelle pour vous! La petite souris est passée et a déposé un prix minuscule sous votre oreiller. 200 yuans.

- Brice, on perd notre temps, tu les veux pour 200? Je suis certain qu'elle peut descendre encore, c'est une mascarade.
- Si tu le dis. On se casse?
- Dans la seconde!

On tourne les talons en s'excusant de la perte de temps occasionnée à notre interlocutrice. Deux mètres plus tard, un cri dépasse du brouhaha environant.

- 100 yuans!!! Vous me faîtes perdre 20 ans d'espérance de vie mais soit! 100 yuans!

Dara assène le coup de grâce.

- Dois-je m'efforcer de redire ce qui a été maintes fois dit? Dois-je m'échiner à reprendre du début? 50 yuans et pas un jiao de plus!!
- (dépitée) Je m'incline, maître, n'en jetez plus!! Prenez vos chaussures, disparaissez dans l'instant, et n'éventez jamais la nouvelle!! Adieu étrangers!!

Mon Graal de plastique et de faux cuir sous le bras, nous obtempérons et disparaissons.

A la sortie, on a beau flirter avec les 21h, on a encore juste assez de temps et de force pour retourner s'étonner de la cérémonie de coucher du drapeau géant qui flotte sur Tiananmen, en face de Mao, pour le coucher de soleil. Tous les touristes qui étaient étirés plus tôt sur toute la surface de la place se sont tous rassemblés au même endroit, repoussés en leur centre par les militaires qui protègent un pré-carré interdit sur lequel, si tu marches, tu ne passes pas par la case "Départ" et vas directement en prison. Ici, on est pas là pour rigoler, sensation confortée en étudiant la synchronisation dans les pas des soldats à mesure qu'ils se mettent en place. Un esprit couillon te dira que c'est jouable, mais non, pas là.

La foule est d'abord clairsemée avant de se densifier. Une demie heure avant le moment fatidique, pour ceux qui sont entre les premiers et dizièmes rangs, l'idée même de s'en extirper est vaine. Dara doit faire le guet au douzième rang. La chaleur, un semblant de fatigue, le nombres de téléphones-appareils-photos brandis me confortent dans l'idée de m'attarder au fond de la classe. Sans doute, dans la minute, je ne fais pas un très bon chinois.
A l'heure du drapeau, D'autres uniformes arrivent depuis la Cité Interdite, coupant la circulation quelques minutes, avant d'emporter un butin qu'ils ne re-déploieront que le lendemain à l'aube. Nous, gageons qu'on dorme à ce moment là!

Le crépuscule est ce soir synonyme d'énorme coup de pompe. Dans le métro qui nous ramène, on n'est que soupirs. Dara, qui a compris la leçon, ne m'accompagnera pas demain au Palais d'Eté. C'est que ça promet de faire des bornes d'après ce qu'il a déjà vécu, il s'abstient cette fois-ci.

Mais avant de passer directement au lendemain, finissons avec cet interminable 1er juillet. Il nous reste encore à déjeuner/dîner. Il est 22h ou presque, l'estomac gronde. Dara, en fin connaisseur, s'acquitte de sa mission nourissière avec brio. D'abord, on commence par de la restauration rapide, sushi-style. Un petit train de coupettes pleines de sushis, makis, sashimis passe devant tous les mangeurs. Tant que la faim est là, tu n'as qu'à attendre le plat opportun et tendre le bras pour t'en saisir. A ce petit jeu là, je ramène dans la douzaine de coupettes pécheresses par gourmandise. Rassasiés, nous saluons nos hôtes.
Avant de nous en retourner grand schtroumf? Pas encore...

Le restaurant de sushis c'était les petits plats dans les grands. Et les grands plats en l'occurence, c'est qu'au même titre que nos centres commerciaux de Navarre et d'ailleurs, le restaurant n'est que l'un des pièces d'un puzzle qu'on appèlera "Centre Commercial - Carrefour". Un carrefour!! Toute la joie de celui qui n'a pas vu un vrai supermarché depuis longtemps! Là encore, je veux bien qu'on m'y oublie toute la nuit!!
Au lieu de cela, on achète de quoi remplir le réfrigirateur et les placarts de Dara, des yahourts aux fruits à la glace au litre, des biscuits à plus de biscuits. On achète mais pas sans avoir fait la queue à la caisse pendant près d'une heure!! Si, si, on voit bien qu'ils sont deux ou trois les gars!!

C'est la dernière ascension de cette étape de plaine. Quelques minutes de marche plus tard, on s'avachit comme de rigueur après une journée qui laisse des quadriceps d'octogénaire, l'occasion de s'assurer que "vraiment on a plus faim" en ouvrant quelques saloperies alimentaires sucrées et croustillantes avec des vrais bouts de noisettes si possible. La journée a laissé des traces, Dara ne regrette pas sa décision de rester à l'appartement après ses cours.

La lumière est éteinte avant 3h, c'est mieux. Dara a pris le temps de m'expliquer comment aller au Palais d'Eté s'il me prend l'envie d'y partir avant son retour de cours.

A midi et quelques, force est de constater que non. Comme la veille, c'est le son de la porte d'entrée qui me rappelle (NDLR : Ahhhh, je me rends compte que je perds mon bécherel!! Ahhh, les verbes en -eler!!!!) à l'existence d'un jour nouveau. J'émerge en dégustant le yahourt avec des palets bretons, merci Carrefour qui ferait un fantastique sponsor!! Dara s'affale à son tour de n'avoir pas assez dormi voire fait même une petite sieste qui ne me met pas exactement le coeur à l'ouvrage!

Vers 15h quand même, j'enclenche la deuxième. Grace aux couchers de soleil estivaux donc tardifs, il n'est pas trop tard. Merci les saisons. Merci le timing.
Je sors de chez Dara, lui même les doigts de pieds en éventails, à la recherche de l'arrêt de bus. En un rien de temps, il est trouvé. Le bus arrive peu après. A son bord, je reste debout et regarde Pékin défiler.
Mon arrêt, impossible de le rater, c'est le terminus. Victoire!

Mon ticket acheté, je rentre dans le complex. Passés quelques batiments forts intéressants nichés dans une forêt de belle tenue, je réalise vite ce que Dara voulait dire par "c'est grand". Je tombe sur un lac long de près de trois bornes dont plus de 100.000 laboureurs ont creusé et aggrandi les contours au XVIIIème siècle. Je parle français???? 100.000!!!!!!!!!!!!!!!! Cent mille bons hommes!!!!!!!!! Pour creuser un lac exclusif à l'empereur, lequel devait bien avoir une tête grosse comme son lac pour avoir des exigences pareilles!!!!!!!!!! Et il a tout fait selon son bon vouloir.
Le lac est serti (certi??? c'errethie???) d'îles ainsi que d'un chemin surélevé se parcourant en franchissant quelques ponts aux lignes douces, le tout facilement visible depuis son palais gigantesque qui domine le tout, à la base d'une colline, elle-même forêt couverte de merveilles architecturales. Pour peu qu'à l'époque ils arrosaient également les arbres à la lance à incendie (sic), ça devait être un endroit parfait pour passer les mois caniculaires de juillet et d'Aout qui m'attendent ailleurs qu'entre ces murs. J'y passe facilement près de quatre heures de marche ininterrompue à accélération constante sur la fin pour m'assurer de pouvoir atteindre la sortie avant 20h au lieu de réaliser, à regrets, que cette même sortie est encore à trente minutes en petites foulées. Plein les pattes, fatigué de baptiser en beauté mes apipas, je reprends le bus dans l'autre sens, cette fois en m'asseyant (Trop dur asseyant!! J'ai bon?).

De retour à la maison, Dara est toujours là. Le dîner est une formalité vite expédiée. La soirée est calme voire studieuse.
Demain, un nouveau plat de résistance est inscrit au programme : La Cité Interdite, plus si interdite présentement.


Cette fois, je m'autodiscipline. A midi je me réveille, mais à 13h30 je pars!! Révolution!! Dara reste une nouvelle fois à domicile pour potasser et pour éventuellement chercher un travail à Pékin. Il y a de l'installation plus que temporaire dans l'air.
Je trouve facilement mon chemin, il est identique à celui emprunté deux jours plus tôt pour voir sa voisine Tiananmen à l'exception qu'aujourd'hui, je reste sur le même trottoir, côté Mao. Car la photo de Mao est en quelque sorte la gardienne de la Cité Interdite qui s'étale juste derrière. Devant le portrait, des douzaines de chinois se prennent en photos, des demies douzaines (mot composé au pluriel, arghhh!!) posent avec moi. A chaque fois, il me remercient en levant le pouce, pour un peu... Euh non, moins qu'un peu, on se croirait au Brésil!

Puis j'entre, difficilement car il faut trouver la bonne file d'attente, mais j'entre, entouré de nuées de parapluies en cette après-midi caniculaire. Ils ne sont toujours pas nombreux au soleil par rapport à la masse mais quand ils y sont, ils sortent casqués.
L'entrée donne la mesure et établit une nouvelle référence en termes d'échelle. Le couloir d'entrée qui doit culminé à 8 mètres ne doit mesurer qu'un dixième de la structure entière. A l'intérieur, je m'attends à de la grande largeur, du beau volume, en un mot, du chinois!

En effet, saperlipopette, les empereurs chinois, ils n'ont pas dû souvent déménager avec tout ce qu'ils avaient ici! Des cours comme DES terrains de football, du marbre comme au Taj Mahal (NDLR : disponible en ligne et en article dans environ huit ans), du vertige comme au Grand Canyon (NDLR : disponibilité en ligne et en article in a galaxy far far away), ils avaient de quoi faire, même à vélo!!
La Cité Interdite est un chef d'oeuvre de conservation et de restauration; construite à partir du XVème siècle, j'imagine que depuis, si elle a un potager, elle y cultive les superlatifs!!
Les trois heures que j'y passent n'auront pas suffit à tout voir même de loin, à l'exception des groupes de visiteurs locaux qui se font guider au drapeau et au mégaphone. Qu'ils soient des groupes de dix ou de trente, dans la quasi-exclusivité des cas, le guide porte à sa bouche un petit micro relié à un haut parleur, lachant au vent comme à quiquonque dans un rayon d'un kilomètre le flot de ses descriptions dans la langue de Lu, et pas les biscuits.
Le pas moins vif qu'en entrant, je salue l'auguste demeure impériale et me mets en route vers mon rendez-vous de début de soirée avec Dara qui est encore à plus d'une heure de là mais également pas exactement la porte à côté. La boussole dans la poche, je mets le cap au nord.
J'ai alors face à moi le parc Jingshan au milieu duquel se dresse une coline depuis laquelle la vue du ciel sur la Cité Interdite révèle la pleine mesure de la bête.

Je poursuis et passe la Tour aux Tambours, fermée pour cause d'arrivée tardive. Qu'à cela ne tienne, je peux me refaire sur la Tour de la Cloche dont le sommet, atteint à l'issue d'une batterie de marches, renferme une cloche impressionante. Je reste jusqu'à ce que les gardiens me jètent dehors. Il doit y avoir une vie après la cloche, pour moi aussi, l'heure du rendez-vous approche.

Nous devons nous retrouver à la station de métro toute proche. J'y suis à l'heure pile, personne en face. Trente minutes plus tard, rien. Une heure plus tard, toujours rien. Qu'est ce qui ne va pas? Je pourrais aussi bien rentrer me mettre à l'aise à l'appartement mais je sens bien que si je bouge, Dara risque à son tour de faire chou blanc s'il se pointe. Je patiente. Pour une fois, un téléphone portable ne serait pas de trop. Enfin, après une heure et quart de lamentation, le messie arrive et pointe l'incompréhension flagrante dans laquelle nous berçons. Pendant que j'attendais à un endroit, Dara attendais à un autre, heureusement qu'un affreux doute l'a démangé sinon j'attendrais encore...

La nuit tombe sur Pékin et sonne l'heure du weekend. En ce vendredi soir, Dara m'emmène sur les bords des quelques lacs qui s'enfilent les uns derrières les autres en plein centre-ville et autour desquels les bars et restaurants se succèdent avec leurs cortèges d'happy hour. C'est enfin l'occasion de se poser et de déguster quelques cocktails bien mérités du haut d'une terrasse qui domine la rue qui se remplit à mesure que l'heure passe. Vers 22h, quand on choisit de repartir, l'effet fourmilière est à son apogée, même les mobylettes peinent à se frayer un chemin. Que ce soit sur l'eau des lacs où on peut louer des barques ou sur la chaussée, les agoraphobes ne sont pas à la fête!

En route vers le métro pour une nuit réparatrice bienvenue, on s'offre une petite glace autant pour contrer la chaleur qui tarde à s'évaporer dans l'obscurité que pour fêter cette nouvelle journée bien remplie. Demain samedi, Dara n'a pas cours, c'est relache pour tous les deux.


Je me garde de vous révêler l'heure du réveil. Avec Dara, nos horloges biologiques sonnent à l'unisson. La journée est calme et notre stock de vivres se dilapide.

Au soir venu seulement, on décide de mettre le nez dehors, direction le parc olympique. Pour Dara comme pour moi, c'est une première. Si ma visite a pû au moins servir à quelque chose...

On s'extrait du métro. Devant nous, le Cube d'eau fait varier les couleurs. On a vite fait de vérifier que le comité d'organisation n'a pas fait les choses à moitié et que Paris n'a pas eu cette fois non plus les jeux pour une bonne raison : ici plus qu'ailleurs, si on veut faire de la place, on fait de la place!! J'ignore combien de personnes ont vu leur maison rasée afin de créer le parc mais en termes de superficie, ça approche facilement un petit arrondissement!
La piscine contournée, le nid d'oiseau s'offre au regard admirateur. Autant merveille technique qu'architecturale, ce n'est pas par sa taille pourtant énorme qu'il impressionne mais plus par sa conception même. Le béton s'entrelasse harmonieusement, l'éclairage subtil magnifie le tout, sans compter les centaines de locaux qui jouent comme des gamins entre les fontaines qui jaillisent sur le parvis. Une atmosphère de vacances et de détente plane. Entre les skateboards futuristes et les amateurs de cerfs-volant, on divague jusqu'à l'heure du dernier métro.

Quasiment jusqu'au lever du coq on entretient la forme du lendemain en oubliant de dormir. De toutes façons, demain c'est sans contraintes ni rencarts, c'est dimanche.
Comme chaque nuit, la seule entorse à mon inactivité est une cigarette que je fume sur le trottoir, l'appartement de Dara étant officiellement non fumeur. Il est 2h30 et il n'y a pas foule. Seulement, au milieu du silence, un vrombissement s'amplifie. Je tourne la tête. Au bout de la rue, j'ai l'impression d'assister à l'avènement de l'anarchie arborée. Ca se rapproche. Il n'y a pas un poil de vent dans le bled mais un par un, les arbres s'agitent comme tourmentés par une tempête aussi soudaine qu'inatendue. Les branches se tordent et les feuilles peinent à s'y accrocher.
J'aperçois alors un camion avançant à la limite de l'immobilité. Il se rapproche, j'écarquille les yeux devant le spectacle insolite. Sur le toit, les autorités ont eu le gout douteux de monter un canon à eau comme ceux qu'on utilise pour karcheriser les manifestants indisciplinés. Seulement à cette heure entre chien et loup, point de trouble-fêtes, point de moines tibétains à brimer, juste les arbres à arroser. Pékin est tellement sec qu'il faut faire prendre une douche à la couverture végétale qui borde la route. Ils n'y vont pas par quatre chemins!
Folie des grandeurs à haute pression!
Ils sont fous ces chinois!!
Ne sachant si je dois en rire ou en pleurer, je remonte faire part du spectacle à Dara qui lui ne s'en étonne plus. C'est Pékin après tout...


Comme attendu, Dimanche est d'une rare non violence.
La seule chose à laquelle je me contraints c'est de chercher pour la reprise du lundi une excursion sur la Grande Muraille. Ma meilleure chance pour cela, c'est de passer par l'intermédiare d'une GH qui se charge de tout organiser de A à Z en sachant que l'option classique de la visiter à Badaling n'est pas dans mes prérogatives ayant entendu que là-bas, la montagne est couverte de publicités suicidant le paysage, cela n'empêchant pas en plus la foule de s'y donner rendez-vous pour une visite le nez dans le sac-à-dos de la personne qui marche devant. Triste perspective quand les panoramas n'ont pas d'égal...
 
Parti sans l'ami bilingue, je fais chou blanc. J'ai beau avoir sué des litres et des litres, impossible de trouver muraille à mon pied. Je rentre bredouille, tançant Dara de se joindre à moi le lendemain pour que cette mésaventure ne se reproduise pas jour après jour comme ça risque bien d'arriver s'il n'attrape pas mes bouteilles à la mer.

En attendant, la fin d'après-midi se passe dans l'air généreusement climatisé de l'appartement, ce n'est pas un caprice, c'est un besoin.

Et quand un besoin en appelle un autre, le soleil disparu, il faut se restaurer, en bonne compagnie.
Ce soir, nous avons rendez-vous avec des connaissances de l'ami Dara avec qui nous allons partager un peu de nourriture dans un restaurant plus guindé que d'habitude pour nous qui ne sommes pas difficiles dans le choix habituel du chef cuisinier. 
Nous n'avons beau être que quatre, on nous attribue une pièce à nous tous seuls au centre de laquelle trone une table ronde n'ayant, en dimensions, rien à envier à celle du Roi Arthur. Pourquoi une table si outrageusement grande? Vous ne comprenez rien? On est en Chine!! Si il n'y a pas à manger pour une armée entière, il n'y a pas à manger du tout. Ne comprenant rien au menu, les autres choisissent. Peu de temps après, les serveurs s'agitent. Un plat, deux, trois, la table est pleine, tour de force sachant qu'un autre est à venir... Maintenant il va falloir vider tout ça à la seule force de nos estomacs, le mien étant déjà rassasié rien qu'à la vue du festin!! Deux baguettes chacun n'y suffiront pas!!
Effectivement, les hostilités closes, on pourrait encore nourrir quelques boulimiques... La peau du ventre gonflée au point de ne presque plus voir mes pieds, fourré comme une dinde de Noël, je peine à m'extraire de la position assise. Le retour est lent et poussif au point qu'un taxi ne serait pas pour me déplaire.
Un taxi, un!!
 
Pour une fois, Dara comme moi nous écroulons comme pour ne plus jamais nous relever. La nuit est douce et ballonée.


Le réveil est dur et balloné. Dara part en cours à reculons. Je l'attends profitant du temps qui m'est offert pour prendre un bain qui fait de ce jour un jour de fête tant c'est exceptionel!! (NDLR : Ce n'est pas que je ne me lave pas mais une baignoire?!? Depuis le départ, j'en ai vu moins souvent que je n'ai vu de cafards dans mes GH successives!!)   
Il rentre comme d'habitude vers 12h30, je suis propre comme un soulier verni, ça durera au moins jusqu'à ce qu'on passe la porte vers l'extérieur et une nouvelle sudation accélérée, impression vite vérifiée.
Accompagné du local de l'étape, gloire à lui, je m'évertue à accomplir ce qui a échoué la veille. Cet atout dans ma manche, plus rien pour me séparer du mur plus longtemps. Quelques foulées vaillantes plus tard, j'ai mon rendez-vous vers la truculence faîte construction, le plus grand Tétris de l'histoire, la muraille maintes fois rêvée m'attend le lendemain à l'aube. Pour un peu, j'en aurais déjà des fourmis dans les guiboles!! Plus que quelques heures, Rhââ Lovely!!!

Mon sésame en poche, lancés comme des boomerangs, la route s'inverse jusqu'à la climatisation.
L'après-midi n'est qu'expectative. La soirée n'est qu'expectative. Le réveil est branché à 5h, tachons juste de l'entendre.


L'activation des sens est instantanée. Vue, j'ai. Ouïe, toucher, odorat, gout pour l'extraordinaire, j'ai. Debout maintenant!! Ce n'est pas parce que la ville dort encore qu'il faut que j'y retourne. Le rendez-vous immancable est à 6h à quelques stations de métro de Suzhoujie, en route!!
Encore une fois, Dara, malgré mes recommandations, m'accompagne. C'est d'autant plus gênant que lui ne va pas sur la Grande Muraille!! Vous avez dit consciencieux?

A notre sortie du métro, juste sur le timing, le minibus est déjà là, n'attendant plus que moi. (sic)
A peine le temps de me répandre en remerciements nourris que nous prenons la route. Pris dans des bouchons d'ampleur nationale, nous mettons dans les cinq heures pour rejoindre Jinshanling à 120 kilomètres du centre tentaculaire de Pékin. Il est 11h et le soleil tape comme si on était sur Mercure. J'espère que le litre et demi d'eau que je trimballe saura suffir à compenser les dix kilos que je suis en droit de perdre ici.
Sur le parking, les bus ne sont pas légions et nous sommes alors le seul groupe à faire la queue. Voyant cela et riche de l'expérience qui me caractérise déjà, je me fais fort de marcher plus vite que tout le monde pour, ô merci, arriver le premier. Le temps de traverser un parc verdoyant, je suis maintenant seul. Hallucinant!! La muraille se dessine au loin et je suis seul!! Et pas qu'au soleil!!!! A l'ombre aussi, personne. Encore plus qu'attendu, les chinois sont tous à Badaling, les fous!!! Les chinois!!!

Le rempart est maintenant face à moi et aux quelques oiseaux qui bravent eux aussi le thermomètre bouillonnant. Sa simple vue est étourdissante. Ne reculant devant aucunes difficultés, les batisseurs fouettés se sont fait fort de faire courrir leur oeuvre sur les sommets de toutes les crêtes qui se présentaient à eux. Ainsi, pour pouvoir enfin poser le pied sur la muraille, il faut encore s'affranchir de la première gageure, la rejoindre! Au sommet d'une côté à l'inclinaison toute népalaise, elle nargue les alentours. Moi, pas longtemps. Essouflé, j'ai beau boire la moitié de mon eau dès cette première série de marches, j'en viens à bout en un temps record grace à mes nouvelles semelles de vent. Telles les sentinelles d'antan, je foule le mur autrement que des yeux, le spectacle est au delà de toutes mes espérances. A perte de vue, le serpent de pierre avale les kilomètres jusqu'à l'horizon, enjambant le terrain montagneux avec une élégance rare.
Et dire que j'ai dix kilomètres de décollement de rétines devant moi!! Car c'est bien beau de pouvoir tenir sur la muraille, Mao n'a-t-il pas dit "qui n'a pas gravi la Grande Muraille n'est pas un vrai homme", c'est encore mieux de pouvoir s'acquitter de dix kilomètres de marche sur le dos même du phénomène!
Dix kilomètres pendant lesquels je croise en tout et pour tout un groupe en plus de quelques autres marcheurs disséminés le long du parcours. Seul sur l'infini cordon. L'émerveillomètre crève le plafond. Je te renvois au photo pour t'épargner plus de dithyrambisme!!!!!!!!! Et il y avait la place!!!!!!!!!!!!

A l'issue du parcours, complètement émerveillé, je ne suis pourtant pas encore au bout de mes surprises. La Grande Muraille longe un lac qui donne encore un peu plus de cachet à l'ensemble. De l'autre côté de celui-ci se trouve le point de raliement, encore à quatre kilomètres. Or, pour s'affranchir de ces fameux quatre kilomètres, deux options sont possibles. Il y a soit une marche sympathique qui longe l'étendue d'eau, soit une tyrolienne extraterrestre qui part depuis le niveau de la Muraille, survole le lac jusqu'à sa rive opposée. Que croyez-vous qu'il fisse????????????
WHAOUUUUUU!!!!!!!!!
Accrochez vos ceintures, prenez une profonde inspiration, serrez les fesses (mouillage de culotte interdit) et gardez les yeux ouverts!!!!
En un clin d'oeil, la distance avec le sol passe de zéro à une centaine de mètres au moment d'entamer le survol du lac. Sensations de vitesses, de vertiges, de gratitude, la cerise sur le gateau est en fait une pastèque sur le gateau!!!!! 
S'il avait fallu un point d'orgue à cette journée dont on pense qu'elles n'existent que dans les contes de fées, c'en est un plus-que-parfait!!!! A l'arrivée, la sensation d'accomplissement est totale. La difficulté de la marche a beau être passée par là, je ne touche plus le sol, malgré la chaleur, je ne suis qu'un immense frisson et les deux heures à attendre les derniers ne viendront en rien atténuer l'exaltation. Si vous ne savez pas quoi faire de vos weekends, la Grande Muraille, pensez-y, vous n'en reviendrez pas.

Dans le minibus du retour, encore plus qu'à l'aller, les bouchons sont le réceptacle parfait de mes ronflements. Au retour à la maison, je suis déshydrater de fatigue, overdosé de plaisir, Dara accueuille un loque...
Qu'à cela ne tienne, la farandole de sushis n'est pas si loin. Dans un dernier effort, j'engloutis tout ce qui passe à portée. Au retour définitif à la maison, je fais part à Dara de mon sentiment d'avoir bouclé la boucle pékinoise, le départ est proche, la prochaine étape choisie, Xi'an et son armée de terre cuite qui auront fort à faire pour me maintenir sur les rails délicieux initiés par Pékin.

Dans un dernier souffle, on se souhaite de faire de beaux rêves.


Au matin du 8 juillet, j'émerge en même temps que mon hôte. Me préparant pour aller acheter un billet de train à la gare, je cherche la clé dont je ne me suis servi depuis plus de 24 heures. Dans mes poches, non. Dans mon petit sac, pas plus de succès. Pris de panique, je retourne mes affaires ainsi que l'appartement. Rien à faire, la clé est introuvable. Quand je vous disait que la confiance règnait... La seule chose qu'il ne fallait pas que je perdes, et bien je l'ai perdu... Bien joué l'artiste... Avec des trucs comme ça, je sens qu'il n'est pas encore venu le moment où vous allez me demander de garder vos enfants pour la soirée!!!
Après avoir vérifié absolument partout, je fais part de mon désarroi au maître des clés, ce qui le remplit également d'un affolement de belle facture à tel point qu'il annule ses leçons du jour. Ensuite, on reprocède à la fouille méticuleuse de mes affaires. Toutes les poches sont vidées, les moindres recoins exposés au jour. Rien. Vient encore le tour de l'appartement. Chaque tiroir est ouvert, chaque meuble soulevé, en vain. La tension monte. C'est que c'est la clé habituellement dévolue à sa copine et que pour une raison que j'ai oublié, ça la fout, mais alors, plus que mal.
Après deux heures d'excavation, on ne peut que constater les dégats, la clé est perdue pour le meilleur et surtout pour le pire.
Dara se lance alors dans les procédures d'usage pendant que je tremble pour mon porte-monnaie, une mésaventure relativement similaire m'étant arrivée à Paris et m'ayant laissée sur la paille au grand bonheur de la guilde des serruriers.
Le concierge est prévenu et un technicien est attendu. Un technicien? Et oui, à Pékin, si on perd une clé, même si on a un double, on change la serrure!!!!! C'est la stratégie du pire dans toute sa logique.

Deux heures plus tard, le serrurier se pointe, un mécanisme tout neuf sous le bras. En deux coups de perceuse, le tout est installé. En guise de remerciements, Dara se voit attribuer quatre clés. Je me demande à quoi ça peut bien servir puisque si on en perd une, il faut tout changer!!
La facture arrive, étonnament bon marchée, je la règle en modissant les collègues parisiens de prendre près de cent fois le prix demandé ici!!!!
La situation est clarifiée, la vie reprend son cours. A nous deux la gare!!!!!
Dara, sur mes injonctions, reste cette fois à la maison, c'est pas une gare qui va me faire peur. Erreur.

Pour la rejoindre pas de problèmes, le métro local n'a plus de secrets pour moi. En rejoignant la surface, j'ai le batiment face à moi et tremble. Colossal, à l'image des parcs, des monuments, des murailles. Et contrairement à la veille, le moins qu'on puisse dire c'est que je ne suis pas tout seul. Il est dit qu'à n'importe quel moment de l'année, que ce soit le jour, la nuit, l'équinoxe, le solstice, ils sont toujours au moins dix millions de chinois dans les trains. En cette journée déjà bien mal entamée, j'ai l'impression démente que les fameux dix millions ne sont pas dans les trains mais tous à la gare!!! Valise contre valise, nez contre nuque, c'est un parcours du combattant juste pour atteindre l'intérieur sans même parler des guichets.
Des guichets justement, il y en a littéralement à perte de vue et ce n'est pas qu'une façon de parler!! La gare de l'ouest ferait passer la gare de Lyon pour une maquette!! Et comme un bonheur ne vient jamais seul, rien mais alors rien n'est écrit dans l'alphabet de nos ancêtres. Des idéogrammes partout si bien que tout devient une mission spéciale.

D'abord trouver quelqu'un qui parle anglais.

- Excuse me, excuse me?

Personne. Je patiente dans la première queue en face de moi. une heure et quart!!! Une heure et quart pour s'entendre dire : dwvslvnksfzeijpoejaojjjjieahbn uononcvaeipnp!!
Comment voulez-vous que j'arrive à quelque chose??
Du doigt quand même, la femme que j'ai en face de moi pointe une direction. Je suis. Là, au milieu de ce bazar inextricable, je tombe, ô miracle, sur un couple de gringos. Eux viennent d'acheter leurs billets et connaissent de ce fait la marche à suivre. Sous la file marquée "aopfpojcp", une personne bredouille l'anglais, là voilà ma clé!!
Je re-patiente. Une heure.

- Bonjour monsieur. Un aller simple pour Xi'an s'il vous plait.
- Pour quand?
- Pour ce soir.
- Ahhh... Pour ce soir, je n'ai plus de place couchette, plus de place assise, voulez-vous quand même un billet?
- Un billet?
- Debout.
- Debout? Vous êtes tombés dedans quand vous étiez petits ou vous le faîtes exprès?
- Si si, debout.
- Allons bon, de toutes façons, le plus tôt le mieux. Et puis, ce n'est qu'un  trajet de onze heures alors... (NDLR : ONZE HEURES!!!!! DEBOUT!!!) Je prends!!
 
Je quitte la gare lessivé par la densité infernale de gens au mètre carré à 17h.
Trente minutes plus tard, je suis de retour chez Dara.

A peine de temps de se dire convenablement au revoir que je reprends une ultime fois le métro, cette fois chargé de tous mes bagages, idéal aux heures de pointe.
Emporté par la foule, nous ne formons qu'un seul corps, j'échoue à la gare une heure avant le départ.
Suis mort et Pékin peu!!!!

 

8 jours à Pékin = dans les douzes heures de rédaction = une grosse demie heure de lecture + dans les 70 photos en ligne = commentaire souhaité notamment du Pasteur qui voulait de la Chine et qui a de la Chine!!!!!!!!!!!!!!!!!

Partager cet article
Repost0
23 mars 2010 2 23 /03 /mars /2010 21:30

Je me souviens que quand j'étais enfant, c'était donc hier, et que je partais en colonie de vacances comme cela arrivait deux à trois fois dans l'année, j'avais très souvent un gros problème dans la corrspondance. Que ce soit à 6 ans, quand on vous mache le travail, à 12 ans, quand on te l'impose pour ne pas être privé de veillée, ou à 16 ans, quand tu te retrouves un peu plus livré à ta plume sans qu'un moniteur vienne à te le rappeler, le plus souvent, mes cartes postales arrivaient bien après mon retour sans que la poste y soit pour grand chose quand elles n'étaient pas tout bonnement perdues sur les routes ensoleillées de la jeunesse insouciante.

 

Apparement, rien à changer... Vingt ans plus tard, tout pareil. Les boîtes aux lettres débordent de prospectus et j'ai toujours autant de mal à "trouver des timbres"...

 

Mes parents sont au courant depuis longtemps; toi, tu découvres. C'est dur.

Mais parfois, au détour d'un chemin, le miracle arrive. Tu réouvres la valise dont tu ne t'es servie depuis les précédentes vacances et elle est là, perdue au milieu d'une poche vide, la carte postale qui n'est jamais arrivée! Depuis neuf mois!!!

 

Neuf mois en arrière...

La fin du mois de juin dernier...

 

Je quitte Manille rempli d'appréhension à l'idée d'entamer ce qui promet d'être la plus dure expérience linguistique du voyage, la Chine.

D'après ce que j'en entends d'autres voyageurs, la crise de nerfs est derrière chaque porte, chaque pas, chaque raclement de gorge. Finie la vie à ce la couler douce dans les eaux anglophiles des Philippines, retour aux idéogrammes et au mîme dans le meilleur des cas avec un sas de décompression à l'aller puisque Hong-Kong m'attend, moi et mon vol à 30 dollars.

 

Dans la cabine, je ne dors pas une seconde, je cligne à peine des yeux plongé que je suis dans le LP chinois lourd de plus de mille pages que je viens à peine d'acheter. A la course aux informations, je suis dernier mais compte bien refaire mon retard!

 

 

Pour l'instant, le plus urgent, ce sont les fondamentaux. "Bonjour - au revoir - merci", c'est un bon début. Ensuite, ébaucher un itinéraire, bon courage!! Enfin, alors que l'avion entame sa descente, Hong Kong et principalement comment s'y rendre et où y dormir.

Le plus simple pour rejoindre le "centre-ville" est de prendre le métro. Sitôt mes sacs sur mes épaules, je m'engouffre. A ma grande surprise, l'anglais est omniprésent, l'équipée rendue facile. Je decends à la recherche de la surface. Un escalator, puis un autre, je me faufile difficilement dans la foule du début de soirée. Un nouvel escalier mécanique, j'atteins la sortie. Halluciné.

A mesure que j'approche le bout du tunnel, l'horizon s'ouvre pour la première fois. Tu penses avoir tout vu des villes du monde, think again.

En face de moi, des immeubles se dressent dans la nuit. Plus j'avance, plus j'attends d'en voir les sommets. Plus j'avance, plus je me tords le cou. Plus j'avance, plus je suis écrasé de démesure.

Il est 21h, le ciel est noir nuit et la chaussée est baignée de lumière comme en plein jour. Tout n'est que verticalité, tu marches sur le trottoir et pourtant tu es pris de vertiges. Tes yeux reviennent à l'horizontale, passe une Ferrari, tiens puis une autre. Tout le monde a l'air de conduire une Batmobile. Ca surprend quand on a encore la tête dans la mangrove!! J'ai l'impression d'avoir débarqué dans le 5ème élément et me surprends de n'y voir aucune voiture volante!!

 

Le réveil des fondamentaux sonne mon retour sur terre. La GH, où peut-elle bien se cacher dans ce labyrinthe colossal? T'es en Chine au milieu des gratte-ciels et tu vas devoir trouver ton nord de ton sud. C'est là qu'Hong Kong se savoure. Un rapide coup d'oeil permet de se rendre compte que la ville est la capitale mondiale des plaques de rues et en plus dans les deux langues!! Merci les anglais!!

Je m'enfonce dans les boulevards jusqu'à faire face à un immeuble d'habitations de plus de vingt étages. Le numéro fait pourtant foi. C'est ici sauf que rien ne l'indique.

J'attends quelques secondes en attendant que quelqu'un veuille bien ouvrir la porte. En posant mes sacs à terre au milieu des boutiques clincantes, je suis le clochard de Beverly Hills. Ca ne dure pas.

Un jeune couple arrive et eux ne sont pas chinois, c'est sûr, comme le Porc Salut, c'est écrit dessus, ils sont norvégiens. Je me faufile derrière eux et entreprends la conversation au cours de laquelle j'apprends que c'est bien une GH puisque eux y dorment. Ils m'indiquent où trouver la réception qui me donne ma clé d'un dortoir de quatre personnes que je vais partager avec... Les norvégiens!!!

C'est une bien belle coïncidence parce qu'ils sont biens sympas et riches d'une belle énergie. Ca fait déjà 24 heures qu'ils sont dans les parrages et peuvent m'enseigner de précieuses leçons, notamment sur le cout de la vie et la viabilité de se restaurer dans les chaines de restauration rapide en général et dans celle qui vend des Double Whopper cheese & bacon en particulier.

On célèbre mon apprentissage en s'essuyant le jus de viande de nos comissures de lèvres et en décidant de synchroniser nos montres imaginaires et nos emplois du temps encore plus hypothétiques pour le lendemain et plus si affinités en commençant par la demande d'un visa chinois, ça devrait nous occuper un moment.

 

Voilà pourquoi le réveil sonne. Pas question d'y passer toute la journée, plus tôt on commence, vous connaissez la suite, sachant qu'il y a en prime une petite trotte les yeux en l'air pour y aller.

En chemin, c'est comme la veille, je me sens toujours tout petit, un pou sur la tête de Desireless que, par ailleurs, j'entends de ci de là, merci la chanson française à l'étranger!!!

 

En bas de l'immeuble accueuillant le bureau des visas, la queue est déjà longue. Avec mes deux compères, on patiente. Une heure. Puis on rentre dans le batiment où à l'entrée, on me confisque mon briquet, merci la confiance!! La porte de l'ascenseur s'ouvre sur une salle immense où les gens en finissent patiemment avec la chaîne bureaucratique. Deux heures de patience au terme desquelles mon passeport noyé des temps laossiens a fait sourcillé mon interlocutrice et son supérieur. Mais ils ont quand même la grace de le prendre. Merci la chaîne bureaucratique!

 

On sort de la dedans au son du gong quand midi vient fermer la porte sur le nez des retardataires. On est bien entamé et passer du froid climatisé des bureaux polissés à la chaleur des trottoirs n'aide en rien. A Hong Kong, la consommation électrique correspondant à la climatisation équivaudrait avec la consommation électrique du Danmark tout compris même le chauffage. A Hong Kong cependant, quand tu passes ta vie dehors, comme dans le désert, l'hydratation est la clé de la survie. Ayant bien appris notre leçon, on met en pratique jusqu'à réalterner pied gauche et pied droit sur les coups de 14h. Aux grés des circonstances et des instincts on se promène. Puis, lassés, le tramway prend le relai jusqu'au bord du Victoria Harbour, le port d'où part le Star Ferry, bateau traversant la baie qui tient autant du transport en commun que de l'excursion touristique.

Le voyage de quelques minutes m'ouvre les yeux sur cette ville dont je n'ai eu pour l'instant qu'un bref aperçu. Les gratte-ciels sont omniprésents. Pas un immeuble de la baie ne regarderait la tour Montparnasse en levant les yeux. C'est une concentration de géants comme nulle part ailleurs qui, alors que le soleil se couche sur l'empire, se pare de mille et une et une et une lumières pour le grand plaisir des passants qui s'ammacent sur les quais comme des papillons de nuit hypnotisés par un lampadaire.

A l'issue du retour en bateau, chacun est ravi de sa journée, c'est le retour aux fondamentaux.

Les norvégiens, qui l'ont ressacé toute la journée doivent faire une lessive, ni facile ni bon marché dans une ville où les montres en or se vendent en plus grand nombre que les pots de rillettes. Pour rendre la pillule plus digeste, je les convaincs de laver leur linge sale en famille, à la maison, comme des grands. Ne nous manque qu'un seau qu'on pourra surement trouver sous la référence Inisbluk dans l'Ikea voisin de notre hotel.

 

Nous voilà donc, lessivé d'une journée de marche dans une mégalopole tropicale, à traquer le seau dans un supermarché taillé pour le viking. Saleté de standardisation mais terrain de jeu idéal pour jeunes loins de chez eux. Dès qu'on voit un ballon, une assiette en plastique, un coussin, ça devient autant de parties de foot, de freesbee, de batailles de polochons jusqu'à la sortie au grand amusement de tous les clients dont les sourires se débrident. Chez Ikéa, on est chez nous ou presque. Il n'est seulement pas possible d'utiliser la machine à laver fictive. Dommage... M'y ferais bien enfermer toute la nuit dans le Ikea...

 

De retour à la chambre déjà en sérieux bordel, surtout du fait de l'espace disponible, chacun vaque à ses affaires jusqu'à ce qu'un fil recouvert de vêtements qui gouttent vienne transformé le plafond en une toile d'araignée hallucinée et le sol en une éponge expiatoire. Règne en ces murs une atmosphère de maison mobile, c'est plaisir et pas seulement pour nous protéger de la pluie qui s'active à tomber en trombes dès le réveil du matin suivant.

Tant que ça ne dure pas. De toute façon nous sommes vendredi et on ne peut récupérer notre passeport que le lundi suivant un weekend aussi chaumé en Chine que partout ailleurs, merci pour eux.

Aujourd'hui n'est donc pas consacré aux visites. C'est surtout pour mes deux norvégiens l'occasion de revoir une connaissance locale rencontrée en vadrouille quelques mois auparavant. Le monde est petit, je m'en rend compte tous les jours quand je ne prends pas des bus pour des dizaines d'heures.

 

On appelera le gars "X" non pas pour protéger son anonymat, encore que,  mais parce que je ne me souviens plus de son prénom.

X est singapourien d'origine mais du haut de ses 25 ans, il a plus ou moins toujours vécu à Hong Kong sauf quand il a dû aller étudier aux Etats-Unis. X est d'une famille de la riche bourgeoisie qui, elle, est retournée vivre à Singapour ce qui implique que, de retour de voyage, il loge temporairement dans une chambre immense avec vue d'un palace de la ville dans laquel il nous propose de le rejoindre.

A l'intérieur, une immense fenêtre tient en lieu et place d'un mur, la baignoire est plus grande que ma salle de bain parigote, le minibar "offre" du quinze ans d'age. Et X au milieu, il fait tout petit même si bien à son aise. Il est de retour chez lui après six mois de bourlingue en Asie Centrale et il tient à le faire savoir en nous conviant tous pour une soirée en mode quatre étoiles, les glands dans les petits plats!!

 

La fin d'après-midi défile comme une matinée de mariage. Chacun se pare de ses plus beaux atouts dans la limite risible du disponible pour moi et dans la limite du sec pour la Norvège. Chacun prend une douche et se déodorise, Jurgen et moi nous rasons de près, c'est trop la fête!! Je sors en prime ma dernière et quasi-seule acquisition futile du voyage, un jean acheté à Cebu tellement large qu'il couvrirait mes pieds chaussés chez Zavatta, qu'il me faut le soulever telle Marie-Antoinette en robe parapluie au moment de gravir des escaliers escarpés, tellement confortable que j'ai l'impression de savoir ce que c'est que de porter une jupe longue, les petits draps dans les grands!!!

 

On a rendez-vous devant un des plus vieux restaurant de la ville où une table a été réservée pour six. Quand nous l'atteignons après un rapide trajet en métro, les trois autres sont là, il y a X ainsi que deux amis à lui, Y et Z, la vie est bien faite. Comme il pleut toujours, un employé du restaurant les couvre en permanence à l'aide d'un parapluie de la taille d'un parasol. Le temps de nous présenter et un deuxième employé arrive avec un deuxième parasol-parapluie, les clients sont couvés. On nous amène à notre table. X s'occupe de la carte et commande pour tout le monde. X, Y et Z parlent tous un anglais parfait, les sujets de conversation se suivent jusqu'à être coupés par une toute autre farandole, celle des plats. La table rectangulaire n'est pas assez grande, qu'à cela ne tienne, une table d'appoint est apportée. Poissons, crustacés, viandes, légumes et vins s'embouteillent devant l'étonnement non feint des yeux. Il est sous-entendu que X régale, j'espère sincèrement que c'est vrai!!!

Et puis, comme de toutes façons, faut pas gacher, chacun saisit ses baguettes et se régale de toutes les saveurs qui se succèdent dans des portions indécentes qui viendront à peine à bout de la moitié du festin proposé. Apparemment, en Chine, pour la nourriture, on ne compte pas... 

Au moment de l'addition, Jurgen entrevoit le montant par dessus l'épaule de X. La rumeur court depuis sur une somme approchant les mille euros... Mille euros sur lesquels on a peut-être ingéré 600, ça vous donne le "doggy bag" à 400, doggy bag dont il n'a pas fallu se charger. Aux dires de X, "à Hong Kong, les pauvres, ils ont assez à bouffer!" (sic)

En tout cas, incroyable premier repas traditionnel comme je n'en aurais certainement plus. Malgré les conneries que X, Y ou Z sortent parfois, X, X, X, hourraaaaaa!!!!

 

Et ça ne fait que commencer...

 

Z a sa voiture garée pas loin et comme c'est une énorme voiture allemande avec l'étoile encerclée sur la calandre, il y a en effet de la place pour six. C'est donc l'heure d'un "Hong Kong by night" comme aux plus belles des "Paris by night" d'il y a quelques années comme quand on avait emmené Sully, l'appelé Réunionais en Picardie qui découvre la métropole en hiver, en virée motorisée à travers la ville magnifique. A travers le toit ouvrant ouvert de la berline, les immeubles nous toisent, la brise raffraichit, ça ne change pas de d'habitude; ça sent le cuir vachette, c'est une première!!!

 

L'équipée motorisée s'arrête dans le parking souterrain d'un centre commercial luxueux. Après une montée d'ascenseur comme on change de planète, les portes s'ouvrent devant un bar duquel une musique enjouée nous parvient. A l'intérieur, le décor est minimaliste et l'ambiance tamisée. Un long bar trone au centre d'une ribambelle de canapés blancs. C'est du meilleur gout même si ce n'est que l'arbre qui cache la forêt. Pandore est ailleurs, disséminée dans la salle. Quand elle te saute aux yeux, telle une sirène, elle ne te lache plus.

Machinalement, comme en entrant où que ce soit, je regarde les gens. Seulement, ici, les gens ne sont pas des gens. Tous les êtres humains présents sans même une exception sont d'une beauté renversante. Les gars ont tous la machoire carrée et le muscle pectoral fier. Les filles, euh... Comment dire? C'est à un point tel que tu te demandes ce que tu fais là, sur la même planète, si tes pouces opposables ne sont pas la seule chose que vous ayez en commun. De tous les styles, de toutes les couleurs, neuf mois plus tard, je n'ai pas oublié! 

Et X, Y et Z semblent connaître tout le monde, les poignées de mains et les bises sont nombreuses et souvent ponctuées de rires automatiques.

Puis, comme c'est apparemment la coutume ce soir, on nous convit à rejoindre notre table réservée.

Les cartes arrivent. X les intercepte et commande X bouteilles pour tenter de rassasier la dizaine de personnes assises autour de la table. Visiblement, en Chine, pour la boisson comme pour la nourriture, on ne compte pas non plus!!

 

Posé là, j'ai à ma gauche les norvégiens et à ma droite Z. Après un temps, lui et moi engageons la discussion. Je le questionne gentiment sur lui et il en fait de même avec moi. Puis le grand manitou es-question se met en marche et il raconte un peu plus.

 

- Comment tu connais X? Vous êtes des potes d'enfance?

- Ah ça ouais, ça remonte. On était d'abord à l'école ensemble puis on a été membres du même club avant qu'il ne s'en aille pour les USA.

- Et ton tatouage, là, qui dépasse de ton col, c'est quoi?

- C'est un dragon, je viens de le finir. Il part de la base de mon pied jusqu'en haut de mon cou ondulant sur tout mon corps.

 

Il lève le bas de son patalon jusqu'à son genou et me montre. Effectivement.

 

- Ca a une signification particulière pour toi le dragon?

- C'est avant tout une histoire de bandes.

- Comme le club avec X?

- Ouais si on veut...

- Tu fais quoi pour eux?

- Ben, plus rien maintenant, mais au départ comme je connaissais pas mal de gosses riches, je tentais de leur vendre de la drogue.

- Et ensuite?

- Ensuite, j'ai pris du galon, j'ai vendu aux vendeurs.

- Et ensuite?

- Ensuite j'ai vendu des femmes.

 

Vendu des femmes???????????? Le gars entre le rhum et le whisky me raconte qu'il vendait des femmes????? Carton rouge, merci bien!!!!! La prochaine fois, la grosse bagnole, ce sera sans moi!!!! Je préfèrais mille fois quand le type n'était qu' "Y", pas un mafieux de la pire espèce en puissance!!!

Je retourne vers mon côté gauche pour y rester n'oubliant pas de laisser divaguer mon regard vers ces summums de beauté que sont les femmes en général et ce soir là en particulier. Il est bon de se raffraichir la tête pour oublier cette histoire bien sordide!!

 

Les verres succèdent aux verres. De A à Z, tout le monde monte en régime pour le club. Car pour aller du boulevard du restaurant à la rue du strip-tease, il faut bien passer par la case avenue de la discothèque et toucher 20.000 francs!!

 

Toujours un groupe de plus de dix personnes, tout le monde ne peut monter dans la Zmobile, tant mieux, je me dévoue et passe mon tour. Avec la Norvège et X qui décide de nous accompagner, on prend un taxi et on se retrouve là-bas! Tony Montana rincé au whisky pour chauffeur, non merci!!!

 

Le club est en plein centre-ville et déchire le silence loin aux alentours. Il a beau être près de 1h, les voisins devront encore patienter pour ne pas sentir leur lit bouger au (gros) son des basses. A l'extérieur, le bas peuple attend de voir donner le feu vert pour bouger son corps avec les beautiful people de Hong Kong. Deux cerbères et une femme, gardienne en chef, controlent les allers et venues. Dans la foulée de X, le reste du groupe entre. Pas moi...

La physionomiste déteste mon pantalon qu'elle trouve trop large pour sa piste de danse à l'esprit trop étroit. Je suis déchiré et je ne parle pas que du rhum. La femme me fait comprendre que si je change de pantalon, alors plus de problème. Un jean plus passe-partout fera l'affaire. Seulement, et d'une, on habite pas tout près, et de deux,

 

- Qu'est ce qu'elle vient me prendre la tête avec mon pantalon cette c...e?!? Que je me calme?? D'accord. Bon alors, je fais l'aller-retour?? A tout de suite!!

 

A toute blinde, je cours trouver un taxi trop heureux de me faire boucler la boucle. En sortant du taxi, je cours. En montant l'escalier, je cours. En enfilant un autre pantalon, je cours. En vingt minutes, je suis de retour pour voir les autres non pas remuer leur derrière à l'intérieur mais assis autour d'une table disposée spécialement à l'extérieur. Finalement, j'aurais pû garder mon pantalon. (sic)

Tant pis, je me venge sur la boisson porté par cette ambiance de retrouvailles.

 

Les heures passent, quatre heures sonnent. Tout le monde est passablement dans un état second. Si ça devait s'arrêter là, ce ne serait que justice. Mais X n'a pas encore rendu les armes. Il est bien décidé à vivre une sixième mi-temps. Au point où on en est, on suit.

Deux taxis sont réquisitionnés. X nous fait arrêter devant un immeuble à l'allure anodine. Un code pour rentrer? X passe un coup de fil et l'épreuve du digicode. On est alors

six ou sept entre une porte d'ascenseur qui tarde à s'ouvrir et des boites aux lettres. Normal.

L'ascenseur arrive, on grimpe les étages les uns après les autres.

La porte se réouvre directement sur un appartement. Pas de palier, pas de sonnette, tout de suite dans le vif du sujet.

 

Dans un coin, un bar sombre. Des chaises sont réparties le long des murs. Et au centre, une danseuse qui peine à éveiller l'intéret des derniers clients présents.

Des boîtes de strip-tease, je n'ai pas dû en voir plus que trois mais celle-ci est bizarrement et de loin la plus glauque. Jurgen s'ennuie, sa copine baille, moi aussi, les deux. Après un dernier cocktail, il est dit que la soirée s'achève. La Norvège et la France saluent et remercient Singapour.

Je salue rapidement X une dernière fois en sachant que, de quelque manière que ce soit, le gars est une légende, une comète improbable devant qui toutes les portes s'ouvrent, un seigneur de la nuit responsable d'une belle barre de fer plantée dans ma tête qui aurait dû penser à prendre une aspirine avant d'incuber pour la nuit une sacrée gueule de bois.

 

 

Pas de réveil. Il nous reste à tous au moins trois jours à Hong Kong donc pas de réveil.

Dehors, il pleut toujours, ce n'est pas engageant pour un samedi... Au moins peut-on se réconforter à l'idée qu'une embellie est attendue dès le lendemain... Il sera alors temps de vaquer à l'extérieur. En attendant, on se dégourdit un peu les cartes avant que Jurgen ait l'idée du jour. En face de chez nous est construit un cinéma immense, allons donc nous faire une toile! Une seule rue à traverser, on est tous vite convaincu et vite suffisamment couvert pour affronter ces cordes passagères.

Au guichet du cinéma, c'est la tuile artistique, le multiplex n'en est finalement pas un. Il n'y a qu'une seule salle montrant un seul film, la merveille absolue de l'été 2009 avec son scénario écrit sur un timbre poste, ses gentils très très gentils et ses méchants très très méchants, le retour des transformers, Transformers II. Transformers II qui vous apprend que les chinois n'ont pas d'armée, que Petra et Louxor c'est au même endroit, que merci l'Amérique!!!

Que merci aussi mon après-midi cinéclub!!!

Les norvègiens agés d'une petite vingtaine d'année ont adoré, moi non plus. Vivement la censure, vivement les excursions, vivement le soleil!!!

 

Au retour du navet, on s'équipe pour manger en chambre et attendre demain de pieds fermes. L'a intérêt à être coopératif!!!

 

 

Il l'est, un peu. Il ne pleut plus pour l'instant, c'est l'essentiel. Toujours les fondamentaux.

Ca nous donne en tout cas le courage de reprendre notre baton de marcheur, du métro jusqu'à un téléphérique (sic), jusqu'au plus grand "bouddha en bronze assis à l'extérieur" du monde. Pour s'y rendre, le téléphérique est une nouvelle occasion d'apprécier ou de vomir l'architecture locale. Cela permet également d'apprécier qu'à Hong Kong, il y encore de la verdure, des collines entières recouvertes de forêts de la base au sommet entourées d'une mer calme. C'est l'écrin dans lequel repose notre Bouddha géant sur l'île de Lantau qui nous occupe jusqu'au soir entre deux averses soudaines. Comme à l'aller, le retour s'effectue en téléphérique.

 

En rentrant en ville, on tombe sur un restaurant de sushis à volonté qui a bien fait de se trouver là, patientant longtemps avant notre capitulation. 

 

Une fois à la chambre, le fil sur lequel pendaient les vêtements secs s'est cassé la figure ermportant avec lui son chargement. La piaule ressemble à un champ de bataille. Plus que deux jours. Plus que deux jours avant Pékin. Mardi.

 

 

Mais avant, lundi.

Lundi, le bureau des visas est censé nous rendre nos passeports. Nous y allons gaiement en fin de matinée sous un soleil qui aura mis quatre jours à percer d'entre les nuages. A l'extérieur, comparée à la dernière fois, la file d'attente est anecdotique par rapport à la dernière fois et par rapport à la foule omniprésente d'une rue moyenne. En quinze minutes, on me reconfisque mon briquet!! Quinze minutes plus tard, mon droit d'entrée dans l'Empire du Milieu en poche, je récupère cette fois mon bien. Depuis le temps que je ne carambouille plus les briquets des autres, ça fait tache quand on me carambouille le mien!!

 

A l'issue de cette minute paperasserie, la journée nous appartient encore. La norvège quitte également Hong Kong le lendemain pour la Chine intérieure, tachons d'en tirer le meilleur. On se jète alors dans une très longue promenade, passant entre autre par le plus long tapis roulant du monde. (NDLR : ça devient n'importe quoi tous ces "les plus / du monde"!!)

Puis, dans un timing parfait, on se retrouve au pied du peaktram un peu avant le coucher du soleil. Le peaktram est une sorte de train qui gravit quasiment à la verticale le long du Victoria Peak jusqu'à un sentier long de trois bornes qui permet de dominer toute la ville qui s'éclaire dans la lumière décroissante quand tu choisis bien ton moment, comme nous on fait!

 

La gare du bas est encastrée entre les immeubles, immeubles que nous dépassons à un tiers de la montée, puis c'est la forêt, tout de suite, dense, humide, spectaculaire, jusqu'à la gare haute qui abrite, malgré la forêt, un Burger King. De là, on commence donc notre marche à s'étonner des cascades et du nombres d'oiseaux jusqu'à la cerise sur le gateau : tout Hong Kong à nos pieds comme une immense île flottante!! Pharaonique est un adjectif qui ne peut même pas s'appliquer tant c'est gigantesque, la ville verticale.

Enfin, comme prévu, le soleil s'est finalement couché, on peut lui faire confiance pour être à l'heure. La lumière venue du sol a progressivement remplacé celle venue du ciel. Feu d'artifice quotidien pour une autre ville lumière.

 

 

On achèvera de célébrer ces quatre à cinq jours passés ensemble en buvant quelques bières au lit. Tout est permis. Comme l'idée d'un prochain article.

 

Alors, Chine ou USA? Mémoire de trois mois ou mémoire de neuf?

Faîtes vos jeux... Rien ne va plus!!!

 

 

Grosses bises du Guatemala où je suis vaguement bloqué du fait du manque de touristes pour affrêter une navette privée vers le Honduras, et du manque de chauffeurs non grévistes pour les bus publics vers cette même destination. (Aucune inquiétude à avoir pour le 10 avril cependant)

 

Partager cet article
Repost0
3 mars 2010 3 03 /03 /mars /2010 01:36
C'est un long roman, c'est une belle histoire,
C'est une romance, pas d'aujourd'hui.
Forcément...

Je quitte Queenstown des larmes pleins les yeux. Ce n'est pas tant à cause du fait que la ville va me manquer comme cent grammes de chouquettes pas trop cuites, mais plus à cause des effets secondaires inhérents à la pratique d'activités de haut vol doublées de descentes alcoolisées de bas étages. J'ai besoin de calme et de félicitée, de plus d'authentique que de précédemment cité.
Mon Nutella a besoin d'être apprécié autrement qu'en aller-retour entre mon estomac et un sac en papier laissé à cet effet spécial.

Là où je vais, rare sont ceux qui en sont revenus. Rares aussi sont ceux qui y sont aller, c'est pour ça. Les légendes qu'on narre à propos de cet endroit aux confins du monde sont napées de brumes et de terres inhospitalières. Même les moutons n'osent y mettent pas un sabot, c'est vous dire...

Doubtful Sound, puisque c'est de cela qu'il s'agit, est sans exception, le théâtre le plus dramatique de toute la Nouvelle-Zélande en plus d'être aussi le plus pluvieux. C'est un fjord majestueux dont la découverte se fait exclusivement en bateau, les sentiers locaux étant nettement plus appropriés aux goélands qu'aux mules de toutes sortes, moi compris. Et avant de le rejoindre le bateau, il faut encore prendre un bus (celui duquel j'adorerais te dire que je t'écris mais non, tu l'auras compris je suis vautré dans un coin du Mexique, celui en haut à droite sur la carte), puis un autre, puis un premier bateau pour traverser un lac, puis un nouveau bus qui lui, enfin, te fais voir la mer s'enfermer, se coller le nez contre les montagnes, et te déposer le pied marin sur le pont d'un grand voilier majestueux qui a le bon gout d'avoir, en plus de repas gargantuesques, de quoi t'héberger pour la nuit. Pas évident, donc, de l'approcher le pépère!!
Sachant qu'en plus, il faut que le soleil soit de la partie ce qui serait une gageur pour le lendemain tant le ciel est plombé d'une grisaille déjà plus menaçante puisqu'elle laisse déjà choir ses hallebardes qui rendent l'arrivée à Ti Anau en rien apocalyptique quand je cherche ma GH.

Trempé entre le programme rinçage et essorage, je me répends dans mes propres flaques quand la réception me réceptionne, me glaçant d'effroi quant à l'évocation de la météo dans les jours à venir. J'ai bien fait de prendre la carte fidélité des auberges de jeunesse kiwies, je risque de prendre littéralement racine dans le bled détrempé. Je ne suis pas le seul.
Les derniers à avoir pu se flatter l'oeil d'un rayon de soleil ont déjà mis les bouts depuis plusieurs lunes, ne restent que ceux qui attendent et ceux qui n'en peuvent plus d'attendre et qui affrontent ciel bas, douche écossaise et crépuscule dans des camaïeux de gris coute que coute.
Moi, j'ai le temps enfin j'espère.
Je laisse passer la journée du lendemain.
Que dit la météo? Si elle parle au présent, elle dit : "Aaaaaahhh Aaaahhh!! Je t'ai bien eu!!!!!!! Ce tombeau sera vooootre tombeau!!!!", si elle parle au futur, elle dit plutôt : "Patieeeence étranger, patieeeence!!! Je vois de la lumière au bout de ce tunnel étroit et obscuuur!!!"
 
Une autre journée passe. L'évantail des activités va du visionnage de DVDs, à la rencontre d'autres bloqués du climat, à l'écriture. Aaahhh, l'écriture!!!

Une autre journée passe. J'ai bien sympathisé, jusqu'à partager du vin, du rhum, de la bière et du nutella. J'ai regardé pleins de films. J'ai écrit. Débordé!!

Que dit la météo? "Même joueur, même temps, jouent encore...".

Une autre journée passe, c'est la dernière. Mon tour est maintenant venu d'être chaussé des souliers de celui qui doit s'envelopper dans le doute d'un départ certain le lendemain. Il faut que je réserve ma croisière, c'est ma dernière chance avant d'avoir à voler vers Auckland, avant le survol, plus long, du Pacifique.
Je remonte alors la rue principale de Ti Anau que je connais par coeur et acquiers inquiet le précieux sésame.

Au matin, ma tête reste au sec quand je passe la porte mais mes pieds sont en alerte, méfiants quant aux flaques géantes toutes justes écloses de la nuit dernière.
Le bus arrive. Sa tournée des hotels achevée, il est plein.
En trente minutes, on se retrouve face à un lac dont on pourrait croire que c'est la mer tant ici ils s'entrelacent. La traversée s'effectue à grande vitesse et les cheveux au vent. Il a beau faire froid à faire de mon nez une fontaine de gouttes, le spectacle mérite le nom.
Si tu as bien suivi, il y a maintenant un bus. Un bus qui serpente déjà entre les falaises desquelles s'écoulent des cascades aux débits impressionnants. De notre lac perché jusqu'au niveau de la mer, on prend, la machoire désolidarisée, la mesure des évènements. Passé un semblant de col, on domine le bout du Doubtful Sound. On pourrait croire que c'est un lac, mais non, Des tentacules d'océan s'enfonçant sans remors dans la terre déjà torturée de montagnes. Dantesque d'autant que miraculeusement, le bleu du ciel bataille avec le gris pour se tailler une place au soleil. J'ai tellement le cul bordé de nouilles que ça me permet de réfléchir à cette expression imagée bien particulière au lieu de me soucier de contingences climatiques.
Au moment de monter à bord du Flordland Navigator, les soucis cotoneux ont fini de se croire tout permis et ont pratiquement achevé de déserter la voute azur.

A bord, une fois le discours de bienvenue et de sécurité digéré, il faut encore prendre possession de sa couchette avant de pouvoir s'émerveiller des alentours qui défilent, signe que nous avons levé l'ancre. Les lits s'entassent par paquet de six là où un seul matelas aurait déjà des difficultés à franchir le seuil de la piècette. On sent vraiment qu'on est sur un bateau même si en terme d'inconvénience, c'est d'un tout petit niveau étant donné que le lit n'est véritablement intéressant ici que lorsque le marchand de sable viendra jeter à mes yeux sa poudre somnifère. Pas question d'y squatter pendant quinze jours, le temps est précieux pendant une croisière de vingt-quatre heures!!
D'ailleurs, j'arrête de vous en parler et je monte sur le pont supérieur!! Là, je vois le soleil pour la première fois depuis cinq jours, depuis les acrobaties aérienne de pas triste mémoire! Joli coïncidence... Sauf que tout ici est différent!! Pas besoin de harnais pour s'assoir sur la chaise longue, l'alimentation riche et la consommation d'alcool sont encouragées, le rythme permet de cligner des yeux sans qu'on vienne à rater quoi que ce soit. La seule chose qui soit un tant soit peu similaire, c'est le vent même si j'en étais protégé dans ma bulle de verre à l'heure de faire des tonneaux. Une fois installé sur mon transat un thé chaud à la main, je souffle sur celui-ci pour que la chaleur s'en dissipe au même moment où souffle également une rafale qui envoye mon breuvage à deux mètres à la ronde. C'est festif...

Le bateau rejoint ainsi l'entrée du fjord. La grande bleu s'étalle laissant seules ça et là quelques îles inhospitalières pour qui n'est pas un phoque ou un pingouin.

Vient ensuite, alors que nous replongeons dans le bras cassé de mer, l'heure du quatre heures. Tous les passagers sont réquisitionnés à l'intérieur où le gueuleton servi pourrait nourrir une famille népalaise sur trois générations. Mais qui dit réquisition dit aussi désertion. Coute que coute, je resterais sur ma passerelle! Et puis de toute façon, le dîner est servi dans trois heures! Je peux aussi bien me passer de tarte aux pommes!
La bectance des autres terminée, nouvelle alerte générale!!
Nouveau choix cornélien à l'horizon!!! Damned!!
Cette fois, il faut se prononcer entre la promenade "couler douce" en canot pneumatique et celle "couler dure" en kayak individuel. Pas la peine de miser un cent sur la tondeuse collective, le bookmaker refuse de prendre les paris.
Le gilet de sauvetage sceillant comme un marcel-bouée enfilé, j'ai mon sceptre magique, ma pagaie maintes fois moulinée!
On part alors se promener le long des berges sur lesquelles, si tu es un acrobate, tu peux te promener au bord de deux précipices, chacun de leur versant. Nous, on reste au niveau de l'eau, petits joueurs mais pas aidé non plus dans le principe d'ascension de parois en kayak.
La petite virée nous prend une heure au terme de laquelle j'entends moultes collègues se plaindre de la pénibilité de la rame par temps clair sur une mer plate. Soit. Sauf que moi, j'en sors requinqué. J'ai même tellement la santé que je me lance pour piquer une tête du haut de ma terrasse flottante.

- "Que neni mon bon que neni. Tu sauteras de là où on te diras de sauter"

Un compromis fut vite trouvé.
Sans même me mouiller la nuque (sécurité avant tout), je me jète alors dans l'eau sombre, de celle qui après une fraction de seconde dedans te fais fantasmer la douceur de la Mer du Nord. Avant d'aller voir en bas, je n'avais pas comparé mon épaisseur de graisse avec celle d'un phoque. A moi, on ne m'a jamais : "il faut que tu fasses des provisions pour l'hiver si tu veux vivre". Résultat, sanction, je suis foudroyé. En deux brassées, c'est la sortie de secours. Sauf que sur le pont inférieur, c'est la cohue. Chacun est parti cherché son maillot de bain pour une session improvisée. C'est même la queue sur le plongeoir!! Nourri de cette folie de groupe, j'y retourne alors aussi, paufinant mon saut pèr' arrière, ma signature, remontant au sec chaque fois en noyant femmes et enfants. (NDLR : s'il l'eut fallu)

On rejoint alors notre point d'attache idéal dans le coucher de soleil qui se déploye et dans le lever qui s'annonce grandiose.

Mais avant, il faut passer à table!! C'est incroyable ce que les gens mangent!! Qui plus est, le grand jeu est sorti. Salades, poissons, boeuf, poulet, magrets de canard, tout y passe. Je ne me gène pas. Dans ces moments-là il faut embrasser le mouvement!

Au moment de passer en chambre, j'annonce d'entrée que je me lève juste avant l'aube. En effet, le réveil officiel étant programmé à 7h30, si tu le respectes, c'est comme si tu te tirais une balle dans le pied. Tu n'as pas envie de te tirer une balle dans le pied? Alors tu te réveilles à 5h15 pas plus tard!!! C'est l'élé en Nouvelle-Zélande et le soleil est plus matinal encore qu'un vietnamien moyen.
Sur ce monument de bon conseil, les trois autres présents dans la boite à chaussures géantes m'enjoignent de les tirer du lit aussi. Soit, j'aurais déjà beaucoup à faire avec moi-même pour m'auto-persuader de l'opportunité de ce réveil nocturne mais soit.

A l'heure dite, c'est l'heure des braves. Tous ceux que je réveille se rendorment. Enfin des braves, faut voir... En plus de prendre mon appareil photo, je m'extrais de la chambre, habillé de toutes les couches possibles disponibles, ma couette sous le bras. Et pourquoi pas?
Comme j'ai bien fait, dehors ça souffle comme aux plus belles heures et je tremble à l'idée de tomber à l'eau. Ma couverture, c'est mon parachute chauffant, ma récompense!! Ma pré-récompense. Car ce qui compte tout de même, c'est que ça n'ai pas été en vain. Le spectacle est magnifique. Je suis rejoints au compte-gouttes par les premiers d'attaque. On est au complet pour le petit déjeuner! Encore une fois, ce serait dommage de se tirer une balle dans le pied en ratant le spectacle.
Finis le poisson, le boeuf et le canard, place aux croissants, oeufs, pancakes, salades de fruits, tous au pluriel!
Si tu es soumis à de fréquentes mais controlables prises de poids, attention, la croisière au Doubtful Sound, c'est danger! Danger d'en prendre deux sur la balance en vingt quatre heures de gueletons incessants!!

Le programme reprend ses droits. Le temps passe plus vite que notre rythme vogant sur l'eau.
En s'enfonçant plus profondément dans les entrailles de la créature, on finit par en voir le bout, le bout d'un de ses bras. Là, le moteur se coupe. C'est la minute de silence. En vrai. Réquisitionnée.
L'eau est un miroir dans lequel se reflètent les montagnes. Le silence est d'une profondeur infinie... Jusqu'à l'accident.
Au beau milieu de notre minute méditative, le moteur d'une autre croisière se rapproche. Une seule compagnie affrète des bateaux sur Doubtful Sound mais ils en affrètent deux! Résultat, on avait beau ne pas l'avoir vu de la journée, c'est sur la toile cirée de notre émerveillement légitime que l'autre bateau vient renversé les sauces du dîner qu'on s'active déjà à préparer en cuisine. Et les gens font semblant de ne pas l'entendre!! Quand l'aiguille des secondes finit de faire la ronde de notre minute de silence, c'est un tonnerre d'applaudissements qui vient rompre le ronronnement lointain. Ouf, on l'a échappé belle!!! On a failli pendre le capitaine haut et court!!!

 Au lieu de cela, on va juste lui dire au revoir cordialement. La boucle est finalement bouclée. Que ce soit pour le Sound ou même pour la Nouvelle-Zélande.

Le lendemain, j'ai un billet d'avion dont je sais qu'il décolle l'après-midi pour Auckland. Le temps de revenir à Queenstown, d'y dormir et en route vers la capitale.

A Te Anau, je suis à 4 heures de route de Queenstown. Je pourrais prendre un bus mais deux de mes rencontres, des américains déchainés, font le même chemin dans la voiture achetée en quinzième main quelques semaines plus tôt en Australie.
De la musique, des rires en perspective, avec eux au moins, c'est garanti, je vais économiser une sieste!  

On est prêt ensemble. Les sacs viennent remplir le coffre.
A 13h, on est parti. Mais une heure plus tard, nous sommes arrêtés dans notre élan. La voiture émet un bruit inhabituel qui nous oblige à nous arrêter faire un constat sur le quoi du comment qui s'avère être une crevaison. Une damnée crevaison à dix bornes du dernier village traversé et à plus de vingt du suivant!! On est contraint à l'arrêt au milieu de rien sur une route qui n'a rien du périphérique au niveau du traffic même à cinq heures du matin. Seulement on doit bien avoir une roue de secours, c'est généralement comme ça que ça se passe...
Dans le bloc moteur rien. Dans le coffre rien. On s'inquiète. L'un des deux américains regarde alors sous la voiture, endroit évident pour cacher une roue, et elle est là. On hisse la voiture et extrait le pneu neuf ou en tout cas intact. Car vous croyez que la roue de secours puisse être neuve???? Même joueur joue encore! Le pneu sensé nous sortir de la mélasse est éventré sur cinq centimètres. Triste constat et pourriture le type qui vend une voiture à deux p'tits jeunes en sachant que la roue de secours est morte et inréanimable quand les quatres autres fers sont lisses comme ma peau de bébé.

On est donc comme des abrutis le long de cette route sans vie. Toutes les cinq minutes, une nouvelle voiture refuse de s'arrêter.
Vient alors notre bol car c'est toujours dans des "happy ends" que ça se passe. Un camion arrive à notre hauteur, nous dépasse et pile quelques longueurs plus loin. Il reprend son chemin jusqu'à entamer un demi-tour et revenir vers nous et notre carcasse sans vie. Le conducteur est garagiste et achève les dernières vérifications d'usage sur ce trente tonnes qu'il finit de réparer. Il accepte de prendre l'un d'entre nous à bord et de le convoyer au bled changer le pneu puis de le ramener vers nous, pauvres malheureux restant qui n'avons qu'un frisbee et une route déserte comme terrain de jeu!!
La blague!! Au milieu de nulle part, on est chez nous!!! La musique donne la cadence de nos échanges jusqu'au retour de l'envoyé spécial.

En deux coups de crique, tout rentre dans l'ordre. On atteint Queenstown pas mécontent en fin d'après-midi. Je me réinstalle, cette fois avec mes potes, dans ma GH calme de bord de lac. Un petit tour au supermarché pour acheter tout et n'importe quoi pour peu qu'on ait pas besoin de le cuisiner et on s'installe dans l'espace commun.
Dans la GH, il y eu un avant et un après.
Avant calme, apaisé. Après, beaucoup moins.
Jusqu'à près de trois heures, ça boit, ça chahute, ça parle fort. On ne fait pas exprès, c'est encore la foule qui nous entraine dans cette étrange farandole...

Quand j'échoue dans mon dortoir, mon sac est prêt, je suis une catapulte chargée.
Au réveil, à 11h, plus grosse performance encore que les 5h15 du lever de soleil, je vérifie consciencieusement mes horaires de vol pour, au final, me prendre une énorme claque. Le vol est bien aujourd'hui mais il est déjà parti!!! A 10h du matin!!!! Réveil Mc Fly!!! Crotte de bique!!
J'allume l'ordinateur et m'acquitte d'un nouveau billet d'avion pour le lendemain. Deuxième tournée de pognon!! Bien géré Braïce!!!

Mes accolytes se réveillent à leur tour eux aussi prêts à partir. Mais pas de soucis horaires pour eux, tant que la voiture veut bien rouler...
Je me retrouve donc à Queenstown pour une ultime journée à ne pas faire grand chose. J'attends avec impatience le vol après lequel j'envisage de me faire tatouer un tournesol sur l'épaule, au point d'avoir fait sur internet le tour des tatoueurs d'Auckland.
   
Et cette fois-ci, je ne le rate pas...
J'arrive à Auckland le samedi après-midi et je ne suis pas en avance, en partance pour les USA des States le mardi suivant.
Sitôt un nouveau dortoir réquisitionné, je marche tellement vite dans la ville qu'on pourrait croire que je courres. Le salon va bientôt fermé pour le weekend, que je saches au moins ce qui est possible pour un rendez-vous ultérieur. J'y arrive à la limite du raisonnable alors que le gars encore présent s'attendait déjà à gouter aux joies des congés hebdomadaires. Je présente mon projet et donne ma plage de temps disponibles. Le couperet tombe. Pas de date disponible pour moi. Caramba! Encore raté!

Ne me reste donc qu'à attendre le mardi.

Ce soir, c'est Christmas in The Park à Auckland. Toujours sponsorisé par le célèbre soda rouge et blanc j'imagine. Cette fois-ci, je passe.


La Nouvelle-Zélande s'achève donc un peu en eau  de feu dans de nouvelles rencontres.
Demain, c'est le Pacifique que je laisse derrière. La liste s'allonge. Demain, on a plus qu'un océan d'écart!!!


  


 
Partager cet article
Repost0
27 janvier 2010 3 27 /01 /janvier /2010 11:55
Fais pas ci, fais pas ça.
Lève-toi donc de bonne heure, ça te fera pas d'mal.
Mange équilibré et puis brosse toi les dents.
Mets une petite laine, tu vas attraper froid.
Remets-toi à l'écriture, espèce de gros feignant.


Bon, d'accord... Essayons. A reculons mais essayons.

J'arrive à Queenstown. C'est en théorie ma dernière base avancée dans le sud reculé. Sur la carte, au sud de la ville, les autres options tiennent plus de repères à moutons que de lieux d'habitation humaine. Tenons-nous en à ça.

La ville, car c'en est une, est renommée mondialement. Ici, tout est possible ou presque pour peu qu'on veuille s'envoyer en l'air. Le saut à l'élastique autrement que sous la forme d'un rituel papou où on s'accroche une liane aux chevilles a été inventé ici. Ca vous plante le décor. Certains l'appellent un paradis pour touristes, moi j'hésite encore. Chaque enseigne ou presque y est dédiée; on ne compte plus les agences de voyages, les restaurants en passant par les magasins de souvenirs. La ville manque singulièrement d'authenticité malgré le décor dantesque au milieu duquel elle est plantée, en bordure d'un lac magnifiquement ourlé de montagnes dont les sommets sont encore tapissés de blanc neigeux. Le problème aussi, pour peu que c'en soit un, est qu'une échoppe sur deux est un tripot ou une enseigne vendant exclusivement des bouteilles d'alcool, que l'énorme majorité des passants en sac à dos a une vingtaine d'année ou moins, que c'est une beuverie à ciel ouvert où chacun hurle à qui veut l'entendre ses effusions d'adrénaline du jour. En gros, c'est la foire et rare sont les recoins où on peut échapper à la vague de foutre et d'hormones dans laquelle je peux me fondre à l'occasion mais qui ici tient plus du pugilat pour adolescents décérébrés que des après-midi "thé dansant" de Jacques Martin.

Par exemple, le second soir sur place, je me pose tranquillement à une table posée entre la cuisine de la GH et les baies vitrées donnant sur le lac, mon ordinateur devant les yeux prêt à te pondre une symphonie de lettres. Cinq minutes plus tard, un groupe de sept personnes arrive avec des pacs de bières, des bouteilles de vodka et autres, de quoi se substenter si la fin du monde est pour demain, avec encore la possibilité d'inviter toute une caserne tant le stock respire les grands espaces. De mon côté, je me fais tout petit et attends l'apaisement ne pouvant décemment pas être à ce que je fais dans cette ambiance de corrida. Puis, comme l'apaisement n'est d'évidence pas dans le vocabulaire local qui décline le mot "brailler" et l'expression "à tue-tête" à l'infini, je boucle mes petites affaires pour installer mes neurones littéraires ailleurs. Seulement, en tentant de quitter la place, je me fais remarquer des sonneurs qui m'invitent aussi sec à m'imbibiber à leur compte. Comment veux-tu que je me recentre sur mon Ying pendant que mon Yang danse la valska, la valse de la vodka? D'autant que je ne suis pas de là, les verres se déversent comme les seaux dans l'Apprenti Sorcier, l'heure tourne et dès le tout petit, minuscule matin, j'entame ma phase active si tant est que boire des coups à la dure avec des vikings australiens équivaut à se la couler douce.

En effet, au matin de mon troisième jour, je me lance dans une opération "quatre fers en l'air", à la découverte du deltaplane. Le rendez-vous est à 8h, je fais partie et j'en ai fais le choix de la première escadrille. Voilà pourquoi je ne suis pas mécontent quand, alors que je suis encore atablé avec l'équipe des gosiers en chaleur, le veilleur de nuit intervient suite à la plainte de tous ceux qui dorment dans un rayon de 2km. On se fait virer purement et simplement. Plus besoin d'avoir à s'excuser de quitter son verre, le bon sens veut qu'on ne discute pas avec un maori de plus de 100kg. L'écriture est donc passée au second plan, momentanément recalé à l'autel de la soif sans soif.

Durement touché par la bouteille et un coucher qui tangue, je suis le dernier à rejoindre le minivan conduisant les voltigeurs sur les contreforts d'une montagne dominant Queenstown; le deltaplane c'est comme le parapente, si tu décolles du niveau de la mer, tu n'as que peu de chances d'en découdre avec les aigles.
En plus de ma petite personne, une famille de coréens attend d'en découdre avec Eole. Ils sont quatre, les parents plus deux filles d'une quinzaine d'années. Parmi eux, tous trépignent sauf le père qui, sauf retournement de situation, joue le role du photographe sans envol.
Le minibus arrêté, tout le monde descend. Les touristes profitent de la vue, les moniteurs montent les voiles.
Puis, un ordre de passage s'instaure. Les filles décollent en premier. Ce sera ensuite au tour de la mère et moi, sur deux deltaplanes différents, il va sans dire... J'ai donc tout le temps de profiter de l'endroit ainsi que du breefing auquel ont droit les futures hirondelles. Celui-ci fini, elles décollent l'une après l'autre, se lançant gaiement dans une pente dans laquelle il ne ferait pas bon se prendre les pieds dans le tapis à l'heure du grand voyage. D'ailleurs, au moment où c'est à moi qu'on fait le discours introductif, je pose la question :

- Qu'est ce qui se passe si la phase de décollage ne se déroule pas comme il faut et qu'on ait besoin de remonter?

Réponse laconique :

- Il faut qu'on décolle, il n'y a pas de plan B.

Soit.
On m'équipe alors d'une combinaison spatiale ou presque, d'un casque et mon guide m'appelle. C'est l'heure. Lui et moi sommes alors tous deux attachés aux montants portant la voile, le vol est en tandem, sécurité avant tout!!
Portant l'ensemble, on se dirige alors vers la pente. Dernières recommandations d'usage avant l'ultime compte à rebours. 3, 2, 1, chargez!!!!!

En moins de cinq pas, le plancher des moutons n'est plus qu'un lointain souvenir pour la plante des pieds et celui-ci s'éloigne à vitesse grand V à mesure que l'on s'éloigne pour rejoindre la vallée.

Mon premier sentiment, comment peut-il en être autrement, est WHAOUUUUU!!!! Le corps complètement à l'horizontale, je vole!! De temps à autre le pilote effectue quelques virages, l'horizon penche, je gazouille.
Puis, comme si on était à la terrasse d'un café, on entame une conversation où il m'explique les rudiments de son art, la principale différence avec une conversation typique à un comptoir est que je suis tenu de m'accorcher à lui en permanence afin de ne rien faire qui risquerait d'être stupide à cent mètres au dessus du sol comme de laisser tomber mon appareil photo en tournant une vidéo par exemple.
La vallée défile, le terrain d'atterrissage se rapproche. Dix minutes qu'on est parti. Vient alors le contre-coup.
J'ai beau avoir rêvé ce moment depuis de longues années, c'est con à dire et je m'en excuse presque, je m'ennuie. Et oui... C'est que le vol en lui même est plutôt monocorde. La sensation de danger est imperceptible, autant que les sensations. Passé le moment où on s'extirpe de la gravité, c'est le calme plat et rien ne vient le troubler. En comparaison, la montée d'adrénaline est bien plus forte lorsque on se tient debout le long d'une falaise abrupte du haut de laquelle tout coup de vent inopportun équivaudrait à une l'organisation d'une cérémonie où tous les invités seraient vêtus de noir, des chrysantèmes pleins les mains. Or, arnaché sous ma voile, j'en suis presque à compter les moutons, si j'ose dire. Rien ne peut nous arriver. Le pilote n'a aucune volonté de nous faire faire des loopings synonymes à ce point d'en avoir pour son argent. Moi, j'en manque. De loopings of course

Même à l'atterrissage, c'est comme si on se posait sur de la soie. Pas de secousses, pas de "attention!!! Ca va se jouer à un fil!!!". Comme dans un airbus, à l'arrêt complet de l'appareil, vous pouvez détacher votre ceinture et profiter du temps qui vous reste pour aller au boutiques en duty free. Même pas décoiffé, je rejoints alors les petites coréennes qui elles ont l'impression légitime d'avoir vécu une telle aventure qu'elle arrive finalement à convaincre leur père réticent de la vivre aussi.
On passe alors une grosse heure à attendre que ce dernier finisse de mouiller ses sous-vêtements. Quand il en termine, chacun d'entre eux achète le DVD exclusif de son vol. Pour ma part, il en faudrait plus, bien plus, à suivre...


Toujours désireux d'en faire le plus possible, dès le retour en centre-ville, je repasse par le centre d'informations touristiques depuis lequel on peut réserver toute la liste des activités disponibles dans les environs. J'égraine alors tout l'éventail porté par l'envie chronique d'expérimenter l'inconnu.
Mon choix se porte alors sur une fusée aquatique qui porte le doux nom de jetboat. C'est une embarcation dans laquelle on peut entasser jusqu'à une quinzaine de personnes et qui file à des vitesses supersoniques sur une eau qui peut ne pas excéder trois centimètres de profondeur. Mais ce n'est pas tout. Le Jetboat c'est bien, mais si on peut y rajouter un forfait sur une journée complète qui inclut aussi deux à trois heures en kayak gonflable dans un parc national, c'est évidemment mieux. Je réserve.

De retour dans mon dortoir, il n'est encore que 11h30 du matin et mes colocataires dorment encore... Pour un peu, je pourrais dire les veinards mais comme moi, en ce jour de plein soleil, j'ai déjà volé de mes presques propres ailes, je m'en garde bien! C'est qui le veinard ici finalement??
Quand j'ouvre la porte, ça les réveille. Comme j'ai beau avoir volé mais n'ai rien encore avalé, on partage un petit dèj' qui pour ma part faite de feignantise n'est constitué que de tartines au Nutella et c'est déjà bien! Puis, les vitamines se répendant allègrements dans nos physiques de conquistadores, on part se faire une gentille promenade autour du lac. Pas tout le tour puisque ça équivaudrait à plusieurs dizaines de kilomètres mais le coeur y est, c'est déjà ca! A la place, dès qu'on a trouvé un joli carré de gazon fraichement coupé au bord de l'eau, les autres ont voulu s'y arrêter, et comme on était alors toujours qu'en centre-ville, il ne s'est pas passé longtemps avant que l'un d'entre eux se propose de s'occuper du réassort du stock de bière. Allons bon!
C'est comme ça que toute l'après-midi, on a finalement marché environ 500 mètres avant de ne se bouger les fesses que pour passer à l'ombre quand le soleil tapait trop fort, et inversement quand celui-ci venait à nous manquer.
Quand je vous disais que Queenstown était une destination thermale sans eau...

Revenons-en alors à l'essentiel : la découverte d'autre chose que la descente en bouteille autrement qu'en plongée sous marine.
Le calendrier affiche lundi, ou bien jeudi, c'est le jour du jetboat!
Comme d'habitude, c'est en couple avec le soleil que j'émerge. A l'extérieur, les oiseaux chantent, c'est bon signe. Comme la veille, je rejoins un point de rendez-vous au centre-ville avant qu'une navette nous convoit, moi et la vingtaine d'autres aspirants à avoir du vent dans les cheveux à s'en faire s'envoler les permanentes, jusqu'à un petit village d'où le périple commence.
Là encore, on nous affuble de l'équipement règlementaire, à savoir entre autre un gilet de sauvetage et un casque, une première pour une "croisière" en bateau qui va de paire avec la recommandation : ne pas laisser traîner les bras à l'extérieur au risque de le perdre!
Le contact est enclenché. L'impression de puissance est immédiate. On développe autant qu'un moteur ferry monté sur un zodiac! Les fans de tuning (sic) apprécieront. Vient le moment de la première accélération. J'ai le dos littéralement plaqué à mon siège comme au décollage d'un avion. On a beau remonter la rivière, ses rives défilent comme sur une autoroute, à la différence près que nous sommes au milieu de la nature intacte et protégée, sur un cours d'eau dont la pureté est cristaline entouré de montagnes remarcables. A chaque moment, on peut apprécier la profondeur et se rendre compte qu'en de nombreux endroits, on aurait de l'eau pas plus haut qu'aux chevilles. C'est grisant et certainement un brin effrayant d'avoir à anticiper une pierre qui nous enverrait valser dans le décor mais comme elle ne vient pas...
Parfois, on tutoie les rochers sur le bord, mais pas plus, d'où l'importance de garder ses bras entre ses épaules!

Autrement, le grand truc du pilote, c'est de faire des 360° lancé à pleine vitesse. La première fois, ça surprend en plus du fait que ça mouille, puis ça enivre à tel point qu'à chaque fois qu'on repart pour un tour, tous les passagers lèvent les bras et poussent de grands "Ooohhh" comme dans des montagnes russes.

Après une heure de ce manège, je ne suis toutefois pas mécontent quand le moteur s'arrête. Le silence est d'or, le paysage de platine, la banane de moi sachant qu'on ne s'arrête pas en si bon chemin. La Nouvelle-Zélande faisant admirablement bien les choses, des kayaks ont été convoyés jusqu'à l'endroit où la ballade sprintée s'achève. On peut alors troquer nos casques contre des pagaies.
Nos nouvelles embarcations d'un brillant rouge "camouflage" se manoeuvrant par deux, des couples se forment. Etant tout seul, je fais équipe avec une des accompagnatrices : Caroline (prononcez Carola-ï-ne). Elle est la joie de vivre sur pattes et, à nous deux, on forme vite un tandem de première catégorie. Pendant toute la descente (NDLR : T'as quand même pas cru qu'on allait ramer à contre-courant?!?), nos rires couvrent les ralements de toutes les autres embarcations de néophytes, jusqu'au moment où, on l'avait vu venir, un couple de canadiens se retourne et goute aux joies de la baignade dans les eaux glaciales issues de la fonte des glaces quelques kilomètres en amont. Ils se débattent, crient, s'engueulent presque au grand jeu du "à gauche, je t'avais dit de te pencher à gauche" ou encore "même ta mère aurait fait mieux". Délicieux...
En tout cas, une fois les pieds nickelés remontés à bord, c'est de plus belle qu'on repart dans des fous-rires. Merci les baleines d'eau douce!! On rame de plus belle. Et comme ces maigres efforts ont le don de creuser l'appétit, c'est sur une petite crique qu'un déjeuner s'organise dont la liste des mets est richement dotée à tel point qu'un plateau de fromage de chèvre est avancé. J'ai l'impression d'halluciner. A 20.000km de la France, du fromage de chèvre!!! Avec de la baguette!!! Ils sont trop forts ces kiwis!!! C'est donc à une orgie de bouffe à laquelle on a droit avant de boucler la boucle pendant suffisamment longtemps quand même pour que des anglais du groupe aient le temps de choper, et c'est véridique, des coups de soleil à la limite de la friture sur peau.

Au retour au minivan, tout le monde est à juste titre claqué de cette journée comme on devrait tous en avoir de temps en temps. Pas tous les jours quand même, ce serait du vice! C'est qu'en plus d'avoir vécu au moins deux vies de plus en cette seule journée, mon appétit s'est également retrouvé rassasié en apprenant sur le chemin du retour que de nombreuses scènes du Ô combien magique Lord of the Rings furent tournées sur place. Et c'est vrai, en y repensant, Je n'ai pas vu Saroumane même si Isengard, entre autres, était bien là!!!

De retour en ville, comme un miroir de mon retour de la veille, je retourne au centre d'informations. Seulement, cette fois-ci, plus rien d'autre n'a d'importance que de m'en mettre plein la tête au niveau des frissons. Queenstown est la "capitale" des sports extrèmes et pour l'instant, malgré mes tentatives, ça reste encore à prouver. Mais, j'ai encore l'embarras du choix, et peux encore sauver l'honneur.
Je pourrais bien me lancer dans un ou plusieurs sauts à l'élastique, spécialité locale, mais tout porte à croire que rien en sera aussi grand qu'au Népal (Je vous renvoie à l'article sur le Lost Resort).
Je pourrais également me jeter d'un avion avec, en plus d'un moniteur dans le dos, un parachute pour quelques secondes de chute libre. Mais non. Déjà fait et en solo (Je vous renvoie à l'article sur l'an 2000).
Il me faut dénicher quelque chose qui conjugue le spectaculaire et l'inédit, le flamboyant et l'insolite, le mouillage de sous-vêtement et la nausée.
C'est alors qu'au milieu des brochures, j'identifie la perle rare. De la voltige aérienne, ça s'appelle Jag Air et en gros caractères il est écrit "TEST YOURS LIMITS"!!!!
Quelqu'un connait-il un autre endroit dans le monde où il (n')est (pas) donné de grimper à bord d'un biplan dans le simple mais hasardeux but de s'en mettre plein la tête, et je pèse mes mots? Moi, je n'en connais pas, alors je me lance. Plusieurs alternatives s'offrent alors. Pas question de sélectionner le vol en mode pépère, mon option choisie s'appelle "adrenalyne +" qui garantit un vol de 20 minutes à faire la toupie. Plus, ce n'est pas pas possible!!
Le temps de faire chauffer la carte bleue, je rentre à ma GH alors que la nuit est sur le point de griller la priorité au jour, ravi des dernières douzes heures mais également existé comme un diable de Tasmanie dans l'attente du lendemain.

Dans la chambrée, c'est le tripot. Alors qu'on ne dispose que de quatre lits, ils sont huit à l'intérieur à avoir déjà entamé les hostilités nocturnes!! Demain, c'est décidé, je change d'adresse, mais en attendant, je vais moi aussi acheter quelques canettes afin de me mêler aux débauchés dans la joie et dans la bonne humeur et ce, jusqu'à 1h passée quand le cracoucasse-couille personnifié, le veilleur de nuit, vient mettre un terme une bonne fois pour toute à cette folle barbarie communicative.


Quand je ressucite le lendemain matin, c'est comme si l'hymne de la League des champions résonnait sur la planète. Je n'ai pas eu un trac comme ça depuis bien longtemps et il faut que je me force pour avaler mes deux tartines au Nutella quotidienne, histoire d'avoir quelque chose dans le bide. Comme je l'avais prévu la veille, j'ai bien fait de ne pas initier les hostilités au petit matin mais à 11h, ce qui n 'est pas pour me déplaire...
Comme une douce routine, je rallie une nouvelle fois le centre-ville, toujours pas trop vaillant, comme lorsqu'on se présente à un examen, le trac carillonnant de plus belle. Le chauffeur qui se trouve être aussi le pilote m'attend déjà acompagné d'une jeune américaine qui est, elle aussi, candidate au renvoi.
Je suis d'abord surpris par l'age du bonhomme. A première vue, il attend encore que la barbe ne lui pousse, ce qui n'est pas pour me rassurer. Cela dit, quelques minutes plus tard, il finit de nous exposer son parcours d'apprentissage et professionnel qui l'ont conduits à envoyer les gens en l'air depuis plusieurs années déjà et ce, jusqu'à huit fois par jour en haute saison!!! Pour un peu, et pour ceux qui connaissent, ça donne un peu l'impression de se faire opérer du coeur par Docteur Doogie! 

En arrivant à l'aérodrome, on passe illico dans le bureau où on nous demande, à l'américaine et à moi, de signer une décharge. Ambiance...
Puis, un ordre de passage s'établit. La p'tite ricaine ayant opté pour la formule adrénalyne sans le "+" correspondant à un vol de dix minutes se voit assigner la pole position. Qu'elle la prenne!!! Ca me laisse au moins le temps d'enchaîner deux clopes comme deux dernières volontés!!!
Elle part avec le pilote, je les regarde décoller et patiente. En effet, impossible d'en voir plus, le terrain de jeu n'est malheureusement pas au dessus de la piste!
Après un quart d'heure, le fier aéroplane à hélice touche de nouveau terre, on m'enjoins d'aller le regagner. C'est mon heure.
Au moment où je le rejoins, la bulle s'ouvre et le pilote s'extirpe. Il est frais comme un gardon.
L'américaine devrait alors faire de même mais la pauvre est toute palote et ne comprend pas trop ce qui vient de lui tomber dessus. Elle ne sais plus distinguer le nord du sud, le haut du bas, comme si on lui avait mis littéralement la tête dans le derrière! Cinq minutes qu'il lui faut pour enfin pouvoir se lever! Et encore, ses premiers pas tiennent plus des premiers pas de bébé que du gymnaste olympique au sol. La pauvre titube comme un néo-zélandais moyen un samedi soir tard avant de prendre ma place sur la terrasse qui surplombe la piste. Voilà de quoi me mettre dans les meilleures dispositions!

Ca y est! Je suis seul avec Tanguy ou Laverdure. Le briefing est minimaliste. La seule chose dont je doives me souvenir est : comment réagir en vol?
En effet, je suis parti pour 20 minutes de shaker dont on m'annonce d'amblée qu'elles se sont muées en 25 minutes. 5 minutes de rab? Ah bon? Chouette ou bien?
Durant ces maintenant 25 minutes, le pilote (appelons le Paulo) va étaler tout le panel de ce qu'il est physiquement capable de faire subir à l'avion.
Si j'en veux encore et encore, il faut que je montre mes deux pouces levés.
Si ça va bien comme ça et qu'un ralentissement serait le bienvenu, il faut que je mettes mes mains à l'horizontal.
Si là vraiment c'est trop, que rien ne va plus, qu'il faut s'arrêter sur une aire de repos, alors, je lui indique mon éventuelle condition précaire par mes deux pouces baissés comme dans les mises à mort aux jeux du cirque.
Dans chaque cas de figure, Paulo voit ce que je lui signale et adapte la marche à suivre en fonction des circonstances. Car lui est en position de me voir. En effet, l'avion ne possède que deux sièges, l'un derrière l'autre, que je suis en première ligne avec Paulo dans le dos. Rien d'autre dans le champ de vision que le moteur vrombissant, vive la vue de folie sachant qu'en plus, la bulle qui nous entoure est en plexiglass, n'entravant en rien la visibilité. Comme dans la chanson ou presque, il y a le ciel, le soleil et la terre. Et pas de parachute!!!
Ca peut sembler con comme ça mais je passe de longues secondes à le chercher des mains sous mon siège jusqu'à ce que Paulo me fasse assimiler qu'on en est pas pourvu. Tant pis, ça valait le coup de se poser la question. La décharge à signer prend tout son sens...

Ne reste plus qu'à bien m'attacher avec des sangles qui m'enserrent dans tous les sens afin d'éviter que j'embrasse des dents d'une façon ou d'une autre la bulle qui me domine ou les cadrans que j'ai en face de moi. Mon casque pourvu d'un micro avec lequel je peux dialoguer avec Paulo est aussi en place. L'hélice entame son ballet centrifugé, le zinc se met en mouvement. Dans les oreilles, j'entends la tour de contrôle qui nous donne le feu vert. Dans la minute, on ne touche plus terre, dans la famille quintescence, je voudrais...

Le vol débute calmement, tout en contemplation. Durant toute la phase de montée, on longe les Remarcables, la barrière montagneuse qui fait face à Queenstown. Le cap est mis sur le lac Wakatipu, sans doute plus un terrain plus sûr pour les riverains si un problème majeur venait à survenir mais pas plus sûr pour nous sachant qu'on dispose d'autant de parachutes que de gilets de sauvetage!
Une fois au dessus de l'eau, on a pris suffisamment d'altitude pour dominer les montagnes et tout le reste même mon appréhension, la vue est à couper le souffle sauf que de petites trappes de part et d'autre m'apportent des bouffées d'air frais bienvenues, Paulo me demande s'il a le feu vert, je lève les pouces au dessus de ma tête, il me tarde de voir le monde à l'envers, le ballet commence. A 300km/h.

Une vrille puis une autre. Les pouces se dressent. C'est le plus incroyable des grands huits! J'exulte!!!
Vient alors le premier looping, la force centrifuge m'écrase entièrement. Je suis tassé sur mon siège comme si j'avais 100kg sur le dos. Dans mon casque, Paulo m'avise gentiment qu'on est lui et moi en train de prendre en cinq et six G. Si tu n'es pas familié avec le terme, tu seras content d'apprendre que dans la manoeuvre, mon poids mouche passe de 62kg à plus de 300!!!! D'ailleurs, j'essaye de lui montrer mes pouces dressés mais il faut que je me reprennes à deux fois pour réussir à soulever le poids de mes bras fluets. Tout arrive!!!
Dans mon champ de vision, la terre s'efface, je ne fais qu'un avec le ciel azur, jusqu'à ce que la terre refasse son apparition par le haut et qu'on se jète la tête la première dans un piqué diabolique. Puis, on retrouve l'horizontale le temps de brèves secondes, le temps que j'hurle à Paulo qu'il a carte blanche!!!! Encore!! Encore!!!!!! Rhaaa Lovely!!!!!

Les figures s'enchainent. Parfois, ça file tellement vite et tellement n'importe comment que je n'arrive même pas à m'expliquer ce qu'il advient de moi. Ca pivote, ça tourne, ça enchaine avec une fluidité et une précision incroyable.
Je ne m'en lasse pas. J'ai beau sentir que je commence à transpirer comme une vache et à transformer mon T-shirt en éponge, je ne m'en lasse pas. J'ai beau avoir de plus en plus de mal à sentir des jambes et le bout de mes doigts, je ne m'en lasse pas. J'ai beau avoir parfois et durant quelques secondes un vol noir devant les yeux, je ne m'en lasse pas. Après chaque acrobatie, mes pouces s'aligne de chaque côté de ma tête qui est balafrée d'un immense sourire ponctué d'onomatopée à base de voyelles. Toutes y passent, du Aaaaahhhhhh au Ooooohhhhh en passant par le Uuuuhhhhh!!!!

Ce n'est qu'au bout d'une vingtaine de minutes que je commence à avoir le souffle court. L'air frais a beau venir en prise directe depuis les étoiles, je me prends à une reprise de mettre mes mains à l'horizontale, ce qui me permet également d'essuyer mes lunettes de soleil qui se couvrent de buée, signifiant bien que je suis une énorme marmitte bien échaudée!

Puis, quand même, comme le temps presse, Paulo me demande si on est parti pour un nouvel enchainement. Allons bon!!! Lache les chevaux mon Paulo!!!! C'est pas tous les jours que je suis un feu d'artifice à moi tout seul!!!!! Le Pitts Special donne alors tout ce qu'il a dans le ventre, je ne vais pas tarder à l'imiter.

C'est l'heure de rentrer à la base. Les 25 minutes touchent à leur fin. Le vol reprend alors une trajectoire parfaitement rectiligne pas exactement en adéquation avec les trajectoires sinusoïdales auxquelles mes tartines de nutella ont été contraintes. J'en fais part à Paulo qui en rigolant m'indique la présence d'un petit sac prévu à cet effet juste à côté de mes jambes. Dans la seconde, je m'en saisis. Dans la seconde, je le remplis. Complètement à bout de souffle, poussé dans mes derniers retranchements, je m'acquitte de ma petite galette qui, une fois livrée, a au moins le mérite de me faire aller mieux.  

Au moment de retrouver la terre ferme, j'arose les oreilles de Paulo de tous les superlatifs qui me passent par la tête.
Malgré mon état un poil branlant, je tiens une forme de tous les diables. Si c'était à refaire, j'attendrais quelques secondes afin de me remettre, mais les yeux fermées je la signe le décharge, et on repart!!!
A notre emplacement final, j'ai moi aussi besoin de quelques temps avant de pouvoir m'extirper du cockpit. Une fois fait, je saute dans tous les sens en criant ma joie faîte ce beau matin de démesure. WHAOUUUUUUU!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! Puis vient le moment de dire au revoir à la machine encore brulante. Je retrouve l'américaine qui a repris des couleurs dans le bureau du début pour le débriefing. Elle comme moi n'en pouvons plus mais pour d'excellentes raisons. Paulo me félicite d'avoir tenu le rythme tout le long du vol ce qui, à ses dires, n'est pas si  fréquent. Puis il dévoile le pot aux roses (poteau rose??), à savoir qu'il y avait une micro caméra braquée sur nous tout le temps du vol et qu'un DVD est disponible.
J'ai toujours rechigné à me porter acquéreur de ce genre de bonus mais cette fois-ci l'occasion est trop belle. Il ne s'agit pas d'un saut à l'élastique de 5 secondes, d'une chute libre de 30, ou d'un vol monocorde en deltaplane de 10 minutes. Cette fois-ci, c'est du lourd et la bande son a beau être agrémentée d'un morceau de Bon Jovi, c'est même pas grave; c'est dire!!
La ricaine comme moi, on repart avec notre souvenir dans la musette.

Au retour en ville, au moment de saluer Paulo une dernière fois, je m'agenouille platement en déclamant des "on est pas digne, on est pas digne". Le gars est un as et partager sa passion un privilège.

Cette fois-ci, Queenstown a tenu toutes ses promesses. Je ne repasse pas par le centre d'informations. De toutes façons, je suis rincé au point de ne même plus vouloir changer d'hotel. Les retrouvailles avec mon lit se font durables et se scèlent dans une sieste qui durera toute la journée, toute la soirée à l'exception d'un dîner sur le pouce, toute la nuit.
24 heures pour m'en remettre, quand je pense que Paulo peut faire ça jusqu'à huit fois par jour!!


Mon temps en Nouvelle-Zélande touche presque à sa fin.
Au matin du jour nouveau, mauvaise nouvelle, les nuages ont de nouveau remplacé l'azur. Pour bien faire les choses, il faut encore que j'aille me faire une petite excursion dans les Sounds qui ne sont rien de moins que des fjords du sud-ouest du pays. Cela dit, avec le temps qui me reste, tant que je ne verrais pas une étoile, je resterais à Queenstown en attente.
D'abord, changer d'hotel et le reste suivra.
Carpe Diem.


PS : Il s'en est fallu du temps, de la sueur et des larmes de mon côté et de la patience du tien avant que je viennes à bout de ce bref (?!?) article. Mais ta patience n'est pas vaine, tu trouveras en bonus toutes les photos de cette épisode de légende ainsi que toutes celles que je n'avais pas pû mettre en ligne jusque là, ce qui comprend notamment Franz Joseph Glacier dont tu me dira des nouvelles quand tu l'auras vu!!
(Pour bien faire, je peux même te dire que les nouvelles photos sont visibles à partir de la page 10 de l'album Nouvelle-Zélande)
Elle est pas belle la vie?
Si, en tout cas une fois la rédaction terminée (surtout à 4h52 du matin), elle l'est!!!

Enormes bises
Partager cet article
Repost0