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18 novembre 2009 3 18 /11 /novembre /2009 02:34
Un soupçon de Moyen-Orient,
Trois pincées d'Asie,
Que pourrais-je bien ajouter maintenant à ma recette?

Bon sang mais c'est bien sur!! La Nouvelle-Zélande, les antipodes!!! En avant, c'est parti!!!


Je quitte l'Indonésie sur un petit gout d'inachevé. Seulement trois semaines sur place n'auront pas été suffisantes pour que je sois rassasié. Ahh, si seulement je n'avais pas perdu trois semaines à Kathmandou en attente d'une nouvelle carte bleue, les choses auraient surement été toutes différentes! Mais il faut faire avec ce que l'on a, ce qui est déjà extraordinaire.

A l'heure de monter dans l'avion, de tirer le rideau sur dix mois à manger du riz, je ne peux nier que j'ai une petite boule au ventre faite de sentiments contradictoires. Quand on s'apprête à atterrir dans le pays de l'autre côté de la terre par rapport à la Douce France, c'est le signe qu'à partir de maintenant, véritablement, inexorablement, je me rapproche. Soit.
Cela dit, l'expérience de onze mois en Asie aura été au delà de tous mes rêves et le plus beau, c'est que ça continue! Malgré les croches-pattes inhérents à la vie nomade, j'avance toujours d'un pas conquérant. Je suis vivant, surfant sur la vague des aléas du quotidien avec brio.


Malgré mes premiers galops en Turquie,
Malgré les dizaines de Dark Vador que l'on croise en Syrie,
Malgré les grimpettes pas toujours assurées en Jordanie,
Malgré les vendeurs égyptiens qui te suivent sur des centaines de mètres, malgré le désert,
Malgré la montagne qui te fais découvrir des sphères de fatigue encore inconnues au Népal,
Malgré les coeurs brisés épongés aux seaux d'alcool grimpant des parois en Thailande,
Malgré la conduite de nuit au Cambodge,
Malgré les chutes à répétition à moto au Laos,
Malgré les lits de rivières que l'on remonte à fond de deuxième avant de tirer à la Kalashnikov au Vietnam,
Malgré les requins ET les requines aux Philippines,
Malgré la mongolphière et les pertes d'orientation pas fier en Chine,
Malgré l'altitude au Tibet,
Malgré les pertes de repères et pas que de retour au Népal,
Malgré les vaches, la chaleur, les odeurs, le froid en Inde,
Malgré le souffre en Indonésie,
Je suis toujours là, le coeur vaillant. Enfin j'essaye...


C'est que ce n'est pas facile à chaque seconde d'être un conquérant en terre inconnue. Imaginez-vous, par exemple. Vous vous apprêtez à découvrir le pays des kiwis mais pour ce faire, il faut passer l'épreuve de dix heures d'attente en escale à Brisbane en Australie. Certes, il y a bien deux ou trois choses à faire mais quand même, c'est long dix heures d'attentes quand on a le couteau entre les dents.
Pour patienter, je commence par, il était temps, acheter le LP consacré à la Nouvelle Zélande. Je débarque dans ce pays le soir même, il est enfin temps d'avoir quelques informations. Question organistation, c'est mieux... La lecture me tient éveillé quelques heures. Je n'en suis seulement sorti quand rugissent au milieu du ronronnement ambiant des sirènes qui réveilleraient un mort. La voix qui d'ordinaire annonce les vols en partance ou les enfants perdus qui cherchent désespéréments leurs parents, prend le micro pour une annonce pas banale :

- Avis à toutes les personnes. Ceci n'est pas un exercice. Veuillez quitter au plus vite le terminal en empruntant la sortie la plus proche. Je répète, ceci n'est pas un exercice!

Héberlué, ne sachant à quoi m'en tenir, je suis alors la foule des voyageurs pendant que un à un, les boutiques "duty free" abaissent le rideau de fer et ferment dans une cacophonie de tous les diables. Tout le monde prend ses jambes à son cou.
Passant un premier panneau annonçant une sortie toute proche, on s'enfonce dans un couloir. Au bout de celui-ci, un agent en uniforme apparemment inconscient de ce qui se trame nous intime l'ordre de rebrousser chemin. Impossible de sortir par là. Vite, une deuxième sortie. Là encore, un autre guignol nous refuse l'accès, c'est à n'y rien comprendre d'autant que les sirènes continuent de retentir. Puis, alors que la transumance d'urgence se poursuit, les sirènes s'interrompent. La foule des badots s'interrompt alors aussi. La voix reprend alors la parole :

- Avis à toutes les personnes. L'alerte est levée, vous pouvez reprendre une activité normale.

Ben voyons... Avec soulagement, je retourne alors m'assoir, l'idée même d'une alerte générale au sein d'un aéroport n'étant pas particulièrement bienvenue quand on doit y passer la journée entière... Mais au bout du compte, cela aura au moins eu le mérite de faire passer vingt minutes supplémentaires. Je retourne à ma lecture.
Les boutiques ré-ouvrent les unes après les autres. Peut-être devrais-je en profiter pour m'cquitter de ma deuxième mission indispensable : acheter un nouvel appareil photo, au rythme où ça va avant le prochain... Toujours fidèle à mon fournisseur même s'il ne me le rend pas depuis quelques mois, je m'équipe de nouveau en Panasonic dont je commence à avoir marre de faire la publicité sans contrepartie. A force d'égarer mes appareils photos, je fais pourtant tourner la boîte à moi tout seul!! Les ingrats, qu'il en soit ainsi...

Je viens enfin à bout de cette attente interminable. Il est 18h30, l'avion décolle.
Un décallage horaire plus tard, il est 1h passée quand il se pose enfin. Vivement un lit propre! Entre la route depuis Gili Trawangan, l'attente à Denpasar, l'avion vers Brisbane, une nouvelle attente de dix heures et ce dernier vol, ça fait pas moins de 36h que je suis parti! Ne reste plus qu'à me dédouaner des formalités douanières et le compte est bon.

Dans la queue qui avance péniblement vers la sortie, mes sacs posés sur un chariot roulant, je suis accosté par un officier en uniforme. là, il me pose quelques questions de routine.

- D'où est-ce que vous venez?
- De France, mais je n'y ai pas mis les pieds depuis un certain temps. Mon dernier vol vient de Brisbane.
- Combien de temps avez-vous séjourné à Brisbane.
- Quelques heures seulement, j'étais en escale.
- Avant cela, où étiez-vous?
- A Bali, mais encore une fois, je n'y suis resté que quelques heures.
- Suivez moi s'il vous plait.

Alors que je n'étais qu'à quelques pas de la sortie, je suis contraint de rebrousser chemin, suivant le douanier qui m'ouvre le chemin dans le sens inverse de la queue dans laquelle je patiente depuis de trop longues minutes. Un couloir plus tard, je suis dans une grande pièce où les agents s'affairent. Arrivé devant une grande table, mon képi me demande de m'assoir sur une chaise pendant qu'il s'occupe de mes affaires. Pour l'occasion, "s'occuper" signifiant tout débaler et étaler le tout sans soucis de rangement. Pendant le grand déballage, l'agent me questionne :

- Alors comme ça on voyage... Vous savez naturellement ce que je cherche...
- Je sais que nous sommes en Nouvelle Zélande et, le pays étant une île, vous recherchez tout ce qui peut être porteur de microbes, de bactérie ou je ne sais quoi du genre naturel et potentiellement dangeureux pour l'écosystème local.
- Ah? C'eut pu être une bonne réponse mais non. Présentement, je me demande si vous n'essayez pas d'introduire de la drogue sur le sol national.
- C'était donc ça, fouillez donc!!!

Je n'ai, dans le domaine, rien à me reprocher. Cela dit, je me souviens avoir discuter il y a quelques jours du cas de Manuel Blanc avec une française. En résumé, Manuel Blanc s'est vu confié à Bali par un de ses amis un équipement complet de plongée dans lequel la douane locale a retrouvé des dizaines de kilos de substances interdites au point de lui faire passer le restant de ses jours dans une prison indonésienne. Et si une personne mal intentionnée avait chargé mon sac? On ne sait jamais.
Mais non. Rien à se mettre sous la dent pour l'ami uniforme tout déçu qu'il est s'il n'était pas rassasié d'avoir étalé l'ensemble de ma maison ambulante sur 3m².

Notre rendez-vous inopportun s'achève là. Charge à moi de tout remettre à sa place. Il est trois heures du matin, heure locale, quand je m'extrais du local à suspects. Ne reste plus qu'à rejoindre le centre ville et à la trouver cette fameuse pièce de litterie dont je rêve les yeux ouverts. Je suis alors toujours dans l'aéroport quand je me rends compte d'emblée qu'en Nouvelle Zélande, on voyage plus facilement qu'en Chine par exemple. Le bureau d'informations aux voyageurs est toujours ouvert. L'employé nocturne se charge alors de me trouver une bonne petite adresse ainsi que de me vendre le ticket de bus pour m'y rendre.
Tout se passe alors comme sur des roulettes.
A 3h30, j'y suis, enfin. Fais de beaux rêves.


Le lendemain (12 novembre si je ne me gourre pas), il est temps de voir à quoi ressemble Auckland maintenant que le soleil brille et que les filles sont courtes vêtues, profitant d'un avant gout d'été austral. Ma GH est en plein centre-ville. Dans le voisinage immédiat, de hautes tours se dressent avec à leur base, une enfilade de fast food en tout genre. Apparemment ici, il y a trois catégories de restaurant, les sushis bars, les kébabs, et les Mc Do', KFC et autres Burger King, ce qui n'est pas négligeable.

Je commence ma ballade par un petit tour du côté de la marina. Là, les bateaux de croisières gigantesques cotoient les frêles esquifs. L'Océan Pacifique est d'un vert magnifique, les vues sur la baie également. Je poursuis ensuite en passant au pied de la Sky Tower, batiment le plus haut de l'hémisphère sud à la forme d'antenne dont le sommet reste en dessous de celui de cette brave dame de fer, la Tour Eiffel. Alors que je la longe, je remarque que les piétons tout autour, ont tous les yeux levés vers le ciel, signe qu'il se passe quelque chose de notable. En effet, un candidat à l'adrénaline vient de sauter à l'élastique du haut de la tour. Et oui, ils sont comme ça les kiwis, dès qu'il y a un tantinet de place en dessous, ils arrangent tout pour qu'on puisse s'envoyer en l'air. Message bien reçu, poursuivons.
Je prends alors le chemin de l'université. Ce n'est pas tant l'envie de m'assoir sur un banc d'écolier qui me pousse ici, c'est plutôt que le campus est bordé par un jardin public où il fait bon s'alonger sur l'herbe entouré d'arbres aux formes rocambolesques. Pas besoin de me faire prier. Profitant de la douceur du temps, j'enlève chaussures et T-shirt et lézarde jusqu'à la somnolance jusqu'à ce que la faim m'en sorte.
Qu'à cela ne tienne, la promenade était belle, gageons que ce ne soit que le début dans ce pays qui a tant à offrir. Je suis de retour à l'hotel vers 19h30 à l'heure du coucher du soleil. Dans la partie commune, sur l'écran plat, on diffuse le dernier volet du Seigneur des Anneaux. Je tombe dans l'embuscade et n'en sors que pour écrire quelques lignes avant que la nuit ne vienne me prendre dans ses bras douillets agrémentés d'une couette qui n'est pas de trop pour lutter contre la température qui est bien tombée depuis l'arrivée de l'obscurité.


Nouvelle journée, nouvelle épopée.
Aujourd'hui, on ouvre un volet culturel par la visite du musée de la ville. Pour s'y rendre, c'est facile. Par rapport aux pays précédents, l'anglais aidant et le cout de la vie m'y contraignant, je prends le bus, meilleur moyen pour arriver à bon port.
Dans le musée, des milliers d'objets de toutes tailles célèbrent la culture maori et polynésienne d'une part, et l'influence britannique d'autre part (sic). L'angleterre est d'ailleurs à l'honneur aujourd'hui puisqu'il pleut. Ensuite, à un autre étage, c'est à la faune et à la flore qu'on s'intéresse en plus de se voir donner une leçon sur les volcans dont l'activité "récente" est responsable de l'émergence de la Nouvelle zélande depuis les profondeurs de l'océan.
D'ailleurs à la sortie, malgré le crachin qui ne s'est pas calmé, je me dégote un nouveau bus pour rejoindre le Mont Eden, un parmi la quarantaine de cones qui entourent Auckland. Celui-ci a beau ne pas être particulièrement haut, les vues depuis son sommet dévoilent toute la ville qui s'étire paisiblement aux alentours.
C'est calme, c'est naturellement beau, c'est kiwi!
Le temps d'en prendre pleins les mirettes et de me peler de froid à cause des 40èmes rugissant qui amène dans leur sillage des températures quasi-polaires, je rentre enfin à la casa, apprécier une douche chaude qui ne manquait pas que de la Thailande à l'Inde, mais qui là, te remet d'aplomb en un clin d'oeil.
J'en profite également pour acheter un billet de bus pour ma prochaine étape, Rotorua, un petit peu plus au sud, dont tout le monde ici dit que c'est la capitale mondiale de l'activité géothermique. On verra bien.
Un peu d'écriture plus tard, je m'enfonce sous la couette en pensant aux sources chaudes qui m'attendent plus loin.

  

 
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16 novembre 2009 1 16 /11 /novembre /2009 09:57

Et j'ai crié, criééé, Gili pour que j'y viennes.

Et j'ai pleuré, pleurééé, j'avais trop de peine (à me lever)...

 

Cinquième ou sixième réveil avant 6h du matin en une semaine, ça vous donne un teint de vainqueur. De prétendues cernes sous les yeux, je traverse la rue me séparant de la gare routière. Théoriquement, si les renseignements glanés la veille s'avèrent exacts, en une poignée de secondes, je devrais me rapprocher inéluctablement des îles Gilis, paradis tellement perdu qu'il faut réserver sa semaine rien que pour y poser le pied marin.

Le minibus pour Padangbai, ville n'ayant d'interet personnel que grace au port qu'elle abrite me permettant de changer d'air, de changer d'île, est déjà là. Le moteur a beau être à l'arret, c'est sur, quand il démarrera, c'est des trémolos de joie dans la voix que je saurais pourquoi je suis dehors avant le soleil.

 

Arrive 6h précises. Rien. Aucun signe d'activité.

A 6h15, toujours assis dans le bus, je tourne encore et encore. Personne n'est encore venu que ce soit du côté des passagers ou du côté du conducteur. Je suis tout seul, on pourrait croire à la scène finale d'un western quand le héros attend, la main frolant la crosse de son revolver, son pire ennemi de l'autre côté de la rue principale où sont charriés des balots de paille portés par le vent du grand ouest.

A 6h30, un bougre arrive sur ses pieds nus.

 

- Tu vas où mon p'tit gars? Padangbai?

- Oui m'sieur, enfin en théorie... Vous savez à quelle heure le bus s'en va parcourir monts et merveilles?

- Ahhh non. En principe, si deux ou trois autres clients arrivent, c'est dans la poche pour toi. Mais en attendant, tu peux toujours te couper les ongles pour patienter.

 

Ca tombe bien, ils sont longs, je passe à l'action.

 

Une fois ma tache accomplie, je regrette déjà de ne pas avoir plus de doigts. On approche les 7h du matin et question clients, à part moi, il n'y a pas foule au portillon.

7h30 pareil. Que suis-je donc venu faire dans cette galère? Ils sont où les autres touristes?

 

Un type se présentant comme étant le chauffeur arrive alors.

 

- Tu sais, ça pourrait bien durer toute la journée à ce rythme là. Si tu veux, je peux te faire un prix qui t'emmenera tout seul à destination.

- Non merci, j'attends.

 

L'habitude sans doute...

Sur les autres emplacements menant vers d'autres contrées balinaises, les bus se remplissent bon train et démarrent en trombe. C'en est trop, une cigarette.

A 8h15, rien n'a changé, il n'y a pas un autre con pour partager ma peine. Le chauffeur revient à la charge. Malgré ma sagesse désormais éprouvée, essorée, réduite comme peau de chagrin, je cède. C'est mon pognon que tu veux? Tiens, charogne! Il n'en fallait pas plus pour qu'effectivement, il glisse la cle dans le contact et que dans une symphonie monocorde de tondeuse à gazon, on quitte ce lieu maléfique en prise directe avec le Purgatoire.

 

Il faudra autant de temps que mon attente pour arriver à bon port. Le soleil est déjà au zénith quand j'arrive au port. Là, à peine la brouette arrêtée, de l'autre côté de la porte un type avec lequel je n'ai pas rendez-vous attend déjà. C'est le responsable d'une agence de voyage qui, forcément, arrange des allers, des retours et des allers-retours vers les Gilis à des prix "cheap, cheap for you". Je connais la chanson à tel point qu'en général, dès le premier "cheap", le gars est déjà renvoyé dans ses foyers avec sa brochure sous le bras. Mais aujourd'hui, c'est son jour de chance. Comme il me reste encore deux bateaux et un bus à prendre, que le premier bus du jour s'est perdu dans les couloirs du temps, j'obtempère, espérant un cocktail multi-coloré en milieu d'après-midi.

 

Le rythme s'accélère alors, du moins le temps d'une valse mes sacs sur le dos. La chance frappe gracieusement à la porte, le bateau pour Lombok est dans les starting blocks et vue comme la journée est partie, je ferais bien de ne pas laisser passer cette chance! En une course à perdre haleine, je vole littéralement vers le ferry qui est déjà chargé de camions jusqu'à la gueule, il n'y a plus de la place que pour un cul, celui qui court et qui pourrait pousser une poussette dans l'océan pour prendre sa place. Les femmes et les enfants d'abord qu'ils disaient.

Aujourd'hui, c'est de l'hébreu, ça ne veut plus rien dire du tout. Même si t'es pas d'accord, Les impatients à bord d'abord!!!!

 

Sitôt ma dernière foulée a-t-elle quitté la terre ferme que la plateforme permettant d'enjamber le quai bascule à la verticale, les moteurs démarrent. Je m'installe sur le pont supérieur, le bateau bouge. Je m'endors du sommeil du vainqueur qui a bien mérité un peu de repos.

La traversée vers Lombok se déroule sans entraves. Le navire a filé bon train et deux heures plus tard, nous ne sommes plus qu'à quelques enclablures des côtes, moment rêvé pour un réveil en fanfare, prêt à enchaîner sur une nouvelle étape me rapprochant toujours un peu plus des Gilis. Seulement, alors qu'il ne reste au capitaine que quelques courtes minutes de labeur, celui-ci arrête son navire en proie à la rouille. La terre est pourtant là, suffisamment proche pour qu'on puisse en distinguer tous les détails. Peut-être est-il parti uriner ce qui ne devrait pas lui prendre plus de trente secondes.

Mais après cinq minutes, c'est comme si on s'était échoué. Le bateau est toujours immobile et mauvais signe, d'autres bateaux plus petits se rapprochent suffisamment près pour passer à l'abordage, autorisant de nombreux vendeurs à la sauvette à monter à bord pour proposer tout ce qu'il faut pour prolonger l'attente en satisfaisant nos besoins vitaux. Eau fraiche, sodas, biscuits, nouilles chinoises à cuisson instantannée, tout y est!! A bord, l'ambiance "bivouac" est à son paroxisme. C'est rageant, je ne vous dit pas!!!!!

Imaginez-vous faire un Pékin-Paris en bicyclette pour retrouver bloqué sur le périphérique intérieur pour une durée indéterminée. Voilà ce qu'on ressent. Et ça dure... Une heure. UNe heure et demie. DEUX heures, autant que la traversée. DEUX HEURes et demie. TROIS HEURES!!! Je devrais déjà en être à la deuxième ou troisième tournée à l'heure qu'il est!!!!! A en juger par l'attitude des autres passagers qui mangent ou dorment alongés partout, on pourrait aussi bien passer la semaine comme ça!! Jusqu'à ce que finalement, enfin, on achève cette torture psychologique, les moteurs repartent dans un clameur générale. En trois minutes, le ponton est libre, on lui rentre dedans.

C'est qu'il le mérite, ce satané ponton!

La raison pour laquelle on a sympathiquement perdu trois heures, c'est que, au port de Lembar, il n'y a de place que pour un bateau à la fois et, quand celle-ci est occupée, tu prends un ticket et tu attends ton tour comme à la caisse générale des impots avec le même sourire. Notre numéro étant enfin sorti du chapeau, on accoste croyant presque à une erreur dans l'enchainement des flashbacks. (NDLR : si tu ne comprends pas la private joke, télécharge "Le Grand Détournement" et ris pour moi!)

 

Ensuite, comme tout est pré-organisé, je suis comme sur des rails bien huilés, c'est pas trop tôt, je pensais plutôt qu'ils étaient émantés.

A l'issue du débarquement, c'est la foule des tour-operators qui forme le comité d'accueuil. Une fois mon minivan trouvé, je n'ai plus qu'à troquer mes lunettes de soleil contre mes binocles. Il est 17h00 et la lumière fond comme neige au soleil. Déjà...

Etant assis à côté du chauffeur, on converse gentiment. Il m'apprend notamment que le bateau a toujours du retard mais que cette fois-ci, on bat tous les records de lenteur. Charmant... Lui aussi nous attendait sur le pied de guerre depuis plusieurs heures déjà ce qui a au moins le mérite suicidaire que le faire appuyer sur l'accélérateur jusqu'à ce que mort s'en suive, à moins que non, finalement ça passe. On a beau froler l'accident à de multiples reprises, c'est sains et saufs qu'on peut reprendre l'usage de nos jambes pour monter dans un dernier bateau, si on ne coule pas en route.

 

Le soleil se couche, il est 18h passées, douze heures que je suis debout à attendre la délivrance.

 

Depuis Lombok, Les Gilis, qui sont au nombre de trois, sont nettement visibles malgré leur taille liliputienne.

Pour cette ultime traversée, je ne tiens plus en place et c'est finalement presque à ma place, sur la proue, que je compte les derniers mètres. Trois, deux, un, on est les champions, on est les champions... Fatigués, mais champions quand même.

 

Sur ces îles délicieuses, quand il n'y a pas une fête à deux pas, c'est un paradis de tranquilité. Aucun moteur n'a droit de cité, pas une voiture, une moto, une tondeuse. Aucun chien n'est toléré pour quelque raison que j'ignore. Par terre, tout n'est que sable et propreté, s'il t'en dit de rester sans sandales pendant ton séjour, fais toi plaisir et enlève moi donc aussi cette chemise dont tu t'efforces de rentrer le bas dans ton pantalon, c'est pas très couleur locale!

 

Pour l'instant, la première des choses à faire est de me trouver une crèche, une spacieuse, une qui ferait honneur à ma toute dernière étape asiatique avant le grand saut néo-zélandais. Fort de mon expérience, je négocie. Seulement, les Gilis sont apparemment à une autre échelle de prix que le reste de l'Indonésie ce qui fait que seule une de mes exigences trouve chaussure à son pied, j'ai un hamac, endroit parfait pour regarder filer le temps.

Il fait nuit noire, le hamac attendra. Un poisson frais plus tard, je retourne à ma chambre me demandant quoi faire d'autre. Rien de tel alors que de s'installer alongé avec l'ordinateur sur le ventre en guise de chat ronronnant. Une session d'écriture prend forme. Cette première nuit jusqu'à 2h du matin.

 

Le lendemain, dès le réveil, je reprends là où j'avais laissé mon inspiration. De 11h du matin à 20h sans interruption avant que le dîner vienne à me tirer de cette embuscade littéraire. Au retour, deux heures supplémentaires finissent de m'achever. Ce n'est pas fini...

 

Une nouvelle journée plus tard, il faut bien que j'en vienne à bout malgré tous les signaux d'alarme que m'envoie mon corps lassé de cette interminable bataille cérébrale, je paufine les tournures, je vérifie une dernière fois si les accents sont bien à leur place, je conclus. Au final, plus de quinze heures auront été nécessaires pour te faire partager les joies nées des volcans javanais. Il y avait de quoi faire, j'espère que tu as apprécié!

 

Avant la mise en ligne, il me reste une dernière étape avant de venir à bout de ce marathon, réduire la taille des photos qu'il me reste à sélectionner. Pour ce faire, j'ai besoin de mon appareil photo... Or, le malheureux est introuvable. Dans le petit sac, rien. Dans le gros sac, rien non plus. Je vide, je dissèque, je multiplie les vérifications jusqu'au moment où il faut bien se rendre à l'évidence. C'est maintenant la routine, l'appareil photo est quelque part entre Java et Gili Trawangan sans qu'évidemment je puisse poser la main dessus. Pour la troisième fois en cinq mois, l'énervement fait gonfler les veines de mon front brulant. La malédiction digitale me poursuit de re-chef. J'ai beau me déplacer aussi vite que possible en passant par des endroits improbables, elle sait toujours où me trouver!!

Tant pis pour les photos des volcans que tu ne pourras déguster en même temps que tu lis les articles sans fins, et, encore pire, tant pis pour les photos que je me serais fait une joie de prendre dans ce paradis de couleurs, pour les Gilis, je fais chou blanc...

 

Malgré la colère qui laisse très rapidement la place au dépit, je fais quand même mon tour au cybercafé. En même temps, je vérifie les horaires de mon avion pour Auckland dont je crois me rappeler qu'il est le 12 novembre. Erreur, encore une fois. Il se trouve en fait que je décolle de Denpasar à Bali le 11 ce qui n'est pas encore trop emmerdant. Ce qui l'est plus, c'est que l'horloge affichera 0h20 à l'heure de quitter le pays.

Non seulement il va falloir que je partes plus tôt mais en plus c'est déjà prévu au lendemain 10 novembre. Bisque bisque rage!!!! J'ai beau tout faire pour avoir un karma de bonne soeur aimable et attentionnée, ce n'est jamais assez, les mauvaises nouvelles continuent de me tendre des embuscades au lieu de s'en prendre aux radins, aux aigris, aux intolérants de tous poils.

Il est 17h30 quand ma mission est enfin accomplie. Pour aujourd'hui, l'exploration est encore ratée. Pour demain aussi.

 

Le 10 novembre, j'entame le chemin retour dès 8h du matin. Les Gilis, c'est déjà fini. Ce fut une sacrée belle étape constructive. Espérons que la prochaine le soit un peu plus qu'en perdant l'imperdable. Toute la journée, j'enchaine les moyens de transport à l'envers par rapport à quelques jours plus tôt.

Il est 21h quand je suis à l'aéroport.

 

L'Asie, c'est fini, et dire que c'était la ville de mon premier amour!!

L'Asie, c'est fini, je sais que j'y retournerais un jour!!!

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10 novembre 2009 2 10 /11 /novembre /2009 12:51
La sieste, c'est la loi de la jungle, on sait quand on y rentre, on sait rarement quand on en sort. En ce qui me concerne en tout cas... Spécialement quand je sors d'une nuit blanche ascensionnelle.
Il est 17h quand je m'extraits du coma. A la réception, tout le monde remarque mon état lamentable, je ne vais pas faire long feu... Encore que... Dans un geste, un des employé ne tend un papier sur lequel est écrit le résumé d'un message transmis au téléphone par Rita. Il faut que je la rappelle. J'exécute.
La belle a attrapé un virus, le genre de ceux qui vous cloue au lit pendant plusieurs jours dans un état potentiellement contagieux. Elle ne viendra pas chez Bladok demain, est désolée pour tout ça et déjà me souhaite bonne continuation dans mon voyage.
C'est donc bien triste mais c'est la fin de la relation morte-née et la fin de mon temps à Yogyakarta. Après le Kraton, Borobudur, Pranbanan et le Mont Merapi, à défaut d'une après-midi plage, j'ai fait le tour du propriétaire, la route reprends son hymne : "tiens, tout a changé ce matin, je n'y comprend rien. C'est la fêêête, la fêêêête!!!

Aussi sec, je me rends donc chez l'agence de voyage qui connait maintenant bien ma tronche et leur demande pour quand est le prochain transport pour le Mont Bromo, nouveau volcan, et espérons le, nouvelle explosion visuelle. Demain matin 9h. Facile. Au rythme où j'en suis, je suis content de dormir à l'heure du lever de soleil. Deux fois en trois jours dont une fois sans dormir, le compte est bon!! Un pancake, l'addition!!
Non sans avoir réservé des billets d'avion d'abord pour la Nouvelle-Zélande le 12, puis pour Las Vegas rejoindre Môman et Pierrot Gourmand le 15 décembre, puis pour San Francisco le 26 où j'ai la merveilleuse surprise d'avoir rendez-vous avec Coralie, digne descendante du centre scolaire Soeur Rosalie, Paris Vème, que je n'ai pas vu depuis cette époque lointaine après laquelle elle a décidé de migrer vers le Canada francophone à Montréal. (NDLR : Vous voyez, c'est facile, il suffit d'acheter un billet d'avion en direct de son canapé!)

A bord du minibus qui nous emmène à Bromo, on est une bande de sept personnes, la plupart sur le chemin de Bali. L'ambiance est bonne et les conversations fournies. Mais plus le temps passe et plus le soufflé retombe, neuf heures de transport, ça a beau n'être maintenant qu'anecdotique, ça reste une sacrée chianlie. (chianli? chienlie? Faîtes le tri.)
Le compte à rebours entamé le matin prend fin à 19h. Enfin c'est ce qu'on croit tous à Probolinggo quand on nous indique qu'il faut descendre du véhicule et ramasser nos sacs. En fait, on est dans la dernière ville avant les pentes du Mont Bromo et on est déposé dans un centre d'informations pour touristes qui n'a qu'une envie : nous vendre des tours en 4X4 au lever du soleil, encore...
Personnellement, après neuf heures de patience à sentir mes fesses devenir douleur, j'ai autre chose à faire que de négocier à tout va. Je laisse donc les autres se crêper le chignon dans une pièce chauffée au fer blanc pendant que j'attends dehors. Ils ressortent et me livrent les conclusions du débat. Au final, tout le monde réserve le tour matinal et je me laisse convaincre d'en faire autant. Les billets s'échangent et quand toute transaction est terminée, splendide coïncidence, un nouveau minibus est là pour nous déposer à notre hotel à une heure de plus de route, sur les flancs du volcan.
Enfin, à 21h, la machine folle s'arrête au grand soulagement de chacun. On se lève dans six heures. Il faut encore dîner et prendre une douche qui ne sera pas du luxe. Pendant le repas, notre groupe apprend une peu mieux à se connaître, les vannes fusent en commençant sur la nourriture qui est un déli à elle toute seule. Le boeuf n'est pas du boeuf, c'est de la vache. La soupe n'est pas de la soupe, c'est de la vase. Les frites ne sont pas cuites. Le lait est de l'eau trouble.

A l'issue de ces réjouissances, chacun rejoint la chambre qui lui a été attribué, toutes dotées d'épaisses couvertures pour lutter contre les frimas nocturnes. Ma lumière s'éteint à 23h, vite, vite, sommeil, prends moi dans tes bras!!!
Car à 3h30, on frappe à la porte et ce n'est pas une erreur. Il faut s'activer car à priori, le soleil ne sera une fois de plus pas en retard pour aller bosser. Ayant compris mon  malheur au Mont Merapi, je m'équipe de tout ce que j'ai de plus chaud, de la polaire en haut et en bas, deux paires de chaussettes, tout pour ne pas revivre la fièvre du lundi matin.
Un thé plus tard, la voiture démarre.

En dix minutes, nous basculons vers le coeur de la caldera immense dans laquelle nous pénétrons hébétés. Les dimensions sont incroyables. Le cône du Bromo n'est qu'un des trois qui émerge de la caldera, vestige d'une éruption tellement lointaine que même les dinausaures ne s'en souviennent pas. Nous prenons alors le chemin d'un des murs vertigineux qui l'entourent, parfait point de vue pour une aube en couleurs.
En arrivant, c'est la surprise, des dizaines d'autres voitures sont déjà garées, il y a du monde au portillon. Sur la plateforme bétonnée qui sert de perchoir, surement pas de plongeoir, plus d'une centaine de personnes attendent déjà que le grand spectacle cosmique commence. Personne ne sera déçu.
Toujours fidéle à l'heure, c'est vers 5h30 que le soleil apparait enfin. Les appareils photos crépitent dans un concert de "Oohhhh!" d'admiration. Devant nos yeux héberlués, la lumière donne tout son sens à ce pourquoi on est venu défier la nuit. Le décor est lunaire, sompteux, en un mot orgasmaculaire. Les cratères se superposent. Personne ne se plaint de l'horaire.
Ensuite, comme le programme est quasiment minuté, l'apéritif se termine, il faut déjà partir contempler le plat de résistance de cette matinée surréaliste, le cratère du Mont Bromo, véritable usine à nuages.
Quelques minutes motorisées plus tard, ce qui semblait à des dizaines de kilomètres est maintenant là, juste devant nous. Nous sommes au milieu de la caldera à quelques pas du monstre. Pour le rejoindre, centaines de touristes obligent, il faut se frayer un passage au milieu des hordes de cavaliers qui proposent pour de menus dollars de nous convoyer plus loin à dos d'équidés. Non merci messieurs, je préfère prendre le bus n°11, à savoir mes deux jambes.
Puis il est là.
Une série de marches plus tard, enfin, le cratère sur lequel nous évoluons à pas assurés mais nerveux se déploye à notre regard. Sur la gauche, la caldera à perte de vue. Sur la droite, le vaste cratère tombant presque verticalement sur des centaines de mètres jusqu'à un fond débordant de vie. Il n'y a, comme à Merapi, pas de lave, mais ça fume, je ne vous dis que ça!! Pose le pieds de travers, et dévale sans espoir de remonter ou de quoi que ce soit d'autre.
Tout le groupe est alors posé, assis en ligne le long du cratère. Moi, j'ai de la patate à revendre, je pars me faire un petit tour de volcan.
D'abord un quart de tour, puis un peu plus, jusqu'à me retrouver devant une montée abrupte où le chemin s'effiloche pour n'être plus qu'un mince fil d'Ariane. Pas besoin de tenter le diable, ayant entendu l'histoire d'un touriste français qui est tombé dans le chaudron magique au cours de l'année précédente et qu'on a jamais retrouvé, je décide, sécurité avant tout, de faire demi-tour et de retrouver le reste de mes camarades sur un sol pas forcément plus amical mais au moins plus sécurisant puisque plus large.
Je reste alors bouche bée quelques minutes de plus avant de se rendre à l'évidence, quand faut y aller, faut y aller.

On laisse alors nos dernières empreintes sur le Mont Bromo avant de retrouver la voiture puis l'hotel à 8h30, cinq heures déjà après le réveil.
Un encas plus tard, comme la veille, Probolinggo revoit nos faces de vainqueur, cette fois-ci dans le sens de la sortie. C'est alors l'heure des aux-revoirs, tout le groupe prend directement la direction de Bali à l'exception d'Olivier, brillamment renvoyé de chez Peugeot quelques mois plus tôt, qui me convainct de le suivre sur les pentes d'un nouveau volcan pour un nouveau lever de soleil (sic), le Mont Ijen qui a la particularité d'être une usine à souffre, les locaux l'extrayant et le transportant dans des conditions que je vous laisse imaginer à la sueur de leur front.
Mais ça a beau sembler être une nouvelle expérience hors du commun, il a besoin de s'y prendre à plusieurs reprises avant qu'enfin je cède. Qu'il en soit ainsi, se profile un nouveau réveil avant 4h du matin, le quatrième en six jours, ainsi soit-il.

Et qui dit nouvelle destination, dit nouvelle journée palpitante dans les transports.
De 11h du matin à 6h du soir nous bouclons les moins de 200km qui ne nous séparent plus d'Ijen. La surface de la route tient plus de la piste à zébus qu'autre chose, ça ajoute au charme ambiant quand on décolle tous de nos sièges suivant les rebonds de la voiture.
Et une fois encore, tout est chronométré.
On est d'abord déposé à une cascade fine mais rugissante d'un volume d'eau qui tombe à la seconde proche de celui d'un grand fleuve. Ca dure cinq minutes. De toutes façons après il fait nuit.
A 18h30, c'est au tour de petits bassins d'où jaillissent les eaux d'une source chaude de nous accueuillir. Olivier se met à l'eau, je l'y rejoints ne pouvant considérer rester au dehors en entendant ses râles de plaisir non dissimulés, le cochon.
A 18h45, il faut sortir de l'eau, tous les autres attendent.
A 19h, un nouvel hotel ne nous déroule pas le tapis rouge, on est arrivé. Juste à temps pour prendre rendez-vous le lendemain à 3h30. Tout est chronométré, je vous l'avais dit!!
J'ai le plaisir de partager la chambre avec Olivier autant que celle de ne pas partager les dizaines de poils et cheveux qui trainent dans ses draps, vestiges du locataire de la veille sans doute. En passant à table pour se voir proposer un menu à choix multiples au nombre de deux, la fatigue fait déjà plus que me guetter. Tous mes voisins tournent à la bière fraîche quand je suis plutôt à la tisane.
Au retour en chambre, je tente l'expérience d'une douche chaude, la première depuis plus d'un mois, mais me brise les dents sur une eau soit à faire bouillir des pâtes soit à frigorifier un pingouin. Complètement confus, je me couche. Dans le lit voisin, Olivier est mort, pas sur qu'il ait un poul. L'alarme entamera un vacarme nécessaire à 3h32, c'est toujours deux minutes de gagner, et j'en suis là!!!


Deux minutes ne suffisent pas à me voir replonger dans ma nuit quand la voiture redémarre. Il est 4h et j'en ai gros sur le haricot. Depuis que j'ai pris ce rythme de faire n'importe quoi à n'importe quelle heure supramatinale, c'est la première fois que je n'arrive pas à évacuer la fatigue. Demain j'arrête, c'est un vendredi férié, c'est promis je fais le pont.
Le soleil est déjà debout même si caché derrière les montagnes quand on me force à sortir de mes rêves, la voiture garée sur un parking en terre. Il est 6h du mat' et les premiers mètres de la grimpette sont au bout du rouleau et pas le bon. C'est qu'il faut encore grimper aujourd'hui. Pas de voiture jusqu'au sommet comme pour rejoindre le point de vue lointain sur le Mont Bromo. Dans un sens tant mieux, ça se mérite, mais d'un autre côté... Pourquoi aujourd'hui?!?!?!?!?! Ca va pas malheureux?!?!?!?!?!?!
Et puis, comme par magie, dans un second souffle, tout va mieux. Le temps est idéalement frais pour que l'effort soit plaisant, je fais sans pause l'ascension en un petite heure. Et au sommet...
Nouvel ouragan sensoriel, extracteur d'oeil de son orbite, Redbull à même le cerveau à vif frappé en simultanée par la foudre, le cratère du Mont Kawah Ijen, roi des superlatifs. Le cratère en lui même est une nouvelle fois, on se répète mais c'est vrai à chaque fois, démesurément, fantastiquement vaste. Ces parois intérieures sont interminables et descendent se jeter à la verticale dans un lac turquoise sublimement attirant mais à l'acidité pouvant vous faire fondre sans autre forme de procès. Baignade interdite sous peine de mort. De plus, quasiment à hauteur de la surface du lac sont projetées à grande échelle des gazs sulfuriques qui n'attendent qu'un vent favorable et bien présent ce matin pour vous couvrir jusqu'à étouffement.
En Gros, Le cratère du Kawah Ijen, c'est la porte vers l'enfer avec du souffre dessus. Et le plus étonnant, c'est que ça fourmille de gens. Attendez . Des gens non, des forçats. Le fond du cratère est tellement riche en souffre que des travailleurs viennent de toute l'Indonésie pour en extraire des chargements de matière brute atteingnant les 120kg!!! Un portique en bambou sur lequel on appose un panier de chaque côté chargé jusqu'à rabord et deux fois par jour, ils font l'aller-retour vers la vallée de l'autre côté.
Sécurité avant tout qu'ils disaient...

Au Départ, on choisit avec Olivier plus Maud et Edouard, deux jeunes amoureux au gout de sud-ouest rencontré avec plaisir depuis la veille, de rechercher un meilleur point de vue sur le lac. A aucun moment, il n'est alors question de descendre...
On tente donc avec succès de contourner un temps soit peu la bête par le biais d'un chemin longeant le lac mais à des années lumières de hauteur le long d'une saloperie de précipice. Sympa la ballade... Mais comme souvent dans ces cas là, la récompense est haut bout du chemin, la carotte était en fait une carotte géante.
De là haut, plus spectaculaire tu meurs, puisque plus spectaculaire, tu sautes. La vue est un pêché d'orgueuil à elle toute seule seulement troublée par un petit hic, la montagne est tellement en colère et le vent tellement en forme que la fumée se diffuse à presque tout le lac masquant des vues comme j'imagine on doit pouvoir la voir dans "La Terre vue du ciel". (NDLR : Prenez en photo la bonne page du livre si elle existe et envoyez la moi par E-mail. Ou non, mieux... On va faire un jeu-concours sans obligation d'achat.



Celui ou celle qui m'envoie la plus belle photo possible du Gunung Kawah Ijen gagne un cadeau surprise envoyé d'une destination exotique grace à notre fantastique sponsort, les postiers!
Faîtes parvenir vos clichés dénichés d'où vous voulez à : simplybrice@yahoo.fr (où vous laisserez aussi votre adresse sans quoi, comment voulez-vous que le postier s'y retrouve. Non mais des fois, j'vous jure.)
Date limite fixée au 30 novembre 2009
Bonne chance!!

(Il est également possible de parrainer de nouveaux inscrits à la newsletter dans la joie ou dans la menace physique mais ça ne rapportera rien d'autre que mon estime éternelle. Bonne chance.)


On reprend. Douze heures après...



Les quatres que nous sommes sommes biens contents de notre vue panoramique mais après un temps, il faut bien passer à autre chose. On retourne à notre point de départ toujours sur la collerette du volcan maléfique. Là, les avis divergent. Entre ceux que ça démange de descendre et suivre les forçats jusqu'aussi loin que ce soit "raisonnable", et ceux qui préfèrent remonter de l'autre côté, toujours sur le sommet du cratère, pour admirer le panorama opposé au premier.
Avec Olivier et Edouard, on est le contingent Premier Groupe.

La descente, bien que ces galériens des altitudes volcaniques la parcourent chargés comme des mules, ce n'est pas une image, n'est pas évidente. Sans cesse il faut passer d'un caillou, d'un rocher à l'autre. Dans le même sens, les locaux volent de marche bancale en marche bancale, mais ceux qui montent... Ceux qui montent vont à un centième à l'heure. Ils suent à grosses gouttes et toussent leurs poumons en nous demandant, malgré tout, si on a pas une cigarette pour eux.
On en vient à en croiser un qui fait une pause dans sa course contre la misère. Son barda est posé en équilibre sur deux pierres portant chacune un panier. Quand on arrive à sa hauteur, le gaillard qui mesure autour d'1m60 et qui est fin comme un fil de pêche nous offre de tenter de ne serait-ce que décoller sur un centimètre sa double enclume de charge. Piqué à vif, Olivier qui est d'une bonne constitution offre son corps à la science et accepte. La veste saute, les genoux se plient, la charge est callée sur ses épaules. Dans un réel effort, il n'arrive à rien, le bambou a bien plié un peu mais quant à soulever, c'est une autre affaire. Intrigué par le poids, Edouard tente alors sa chance avec le même résultat. Il faut se rendre à l'évidence, les types sont des haltérophiles nés à l'inverse des français. Moi, de toutes façons, je l'avais vu venir avec son truc insoulevable. Je me contente d'applaudire et de me répendre dans le respect, voilà ce que je fais!! Vais pas me casser le dos à tenter en vain de soulever tout seul deux machines à laver, une dans chaque main!!

Cette expérience scientifique concluante plus tard, on arrive à mi-chemin de la pente vers une ablation partielle de l'espérance de vie de celui qui la fréquente depuis trop longtemps. A quelques mètres seulement, les nuages sombres grimpent vers le ciel. Edouard et Olivier n'ont alors qu'une dernière volonté, remonter. A leur gout, les photos ça va bien, il faut reprendre de l'altitude et quitter cet environnement qui à mesure qu'on s'enfonce sent drolement fort l'oeuf pourri. Seulement, à mon gout, on peut encore descendre un peu plus.

- "Depuis que nous avons entamé cette folie de suivre des plus fous que nous, le vent nous a été particulièrement favorable. Il souffle uniquement dans un sens qui épargne ma peau plus habituée à la Soupline qu'aux gazs mortels. C'est faisable je vous dis, c'est faisable!"

Mais non, ils rebroussent chemin. Entêté comme un ane, je continue. Dans ma progression, dès que je croise un ou plusieurs besogneux, je leur laisse le passage, l'espace piéton n'étant pas particulièrement large. Et ils sont des dizaines tout le long. Lors d'une de ces pauses, je me retourne et Olivier et Edouard apparaissent.   
Olivier notamment est transfiguré. On ne l'arrête plus et descends les marches quatre à quatre. Edouard, lui, est plus sur la défensive. Quelques mètres de plus et il remonte définitivement se mettre à l'abri. C'est que ça souffle en bas!

Je pars alors à la recherche d'Olivier qui a pris la poudre d'escampette sur l'unique chemin vers le point d'extraction du souffre qui est le même que celui d'où partent les fumées. Joyeuses perspectives... Sécurité avant tout...
Je suis alors bon petit bonhomme de chemin quand tout à coup, sans prévenir, le vent entame une valse décadente. Comme dans un cauchemard, j'ai alors en face de moi Monsieur Nuage qui grossit à mesure qu'il se rapproche à environ 80km/h ou la vitesse du vent. Dans un éclair, je cherche alors à trouver un abri illusoire derrière un rocher faisant deux fois ma taille. Je pense peut-être que ça va intimider la faucheuse. Perdu, mille fois perdu.
En une seconde, le versant entier se pare de jaune. La fumée m'entoure quand je mets mon écharpe sur mon visage ainsi que ma veste et mon T-shirt, histoire de respirer à travers le tissus en espérant que ça filtre un tant soit peu. Les secondes sont alors très longues, dès que j'ouvre les yeux, ça pique comme si on les recouvrait de sable. Dès que je tente de respirer, je regrette de ne pas avoir rempli des bouteilles d'air de l'Himalaya, on respirerait mieux la tête dans le cul d'une vache morte.
Ca dure une grosse minute avant que la girouette ne se refasse, bien fait, un tour de rein avant de reprendre une activité normale.
Le nuage se dissipe alors, je retire ce que j'ai dit pour la vache morte.
Je parviens alors à distinguer Olivier qui n'est qu'à quelques mètres et qui a aussi eu droit à l'aérosol des profondeurs, mais qui continue!!! Le même type, qui un quart d'heure plus tôt me faisait tout un laïus sur la nécéssité de remonter, se rapproche encore de la bouche à souffrances. Je réfléchis et je suis. J'arrive alors à une quarantaine de mètres du phénomène. Proche.
Cette conne de girouette fait alors encore des siennes. Tempête de souffre, scène deux, moteur, action!! Dans un réflèxe, je ne peux alors pas décoller mes yeux de cette chose qui ne me veut que du mal dans un délai très bref. Comme plus tôt, le nuage approche grondant. Mais, pas comme plus tôt, le vent, dans sa grande intelligence, a compris qu'il n'allais pas commettre la même erreur deux fois et envoye le nuage glisser de bas en haut à cinq bras de distance sans que jamais il ne vienne s'abattre de tout son poids sur moi.
Il n'en fallait pas tant pour que je prennes mes jambes à mon cou. Olivier pas loin derrière et moi, on quitte cet enfer merveilleux le plus vite possible quand je ne m'arrête pas pour prendre "allez, une dernière photo...". Trente minutes haletantes plus tard, on retrouve le sommet, sains ou presque, et saufs. Nos vêtements puent le souffre à des kilomètres. Edouard est là à nous attendre, on est déjà en retard pour retrouver les joies de la voiture...

Sur le parking quand même, la première chose à faire est de se soigner. Boissons fraîches et cigarette, rien de tel pour se remettre. C'est la première de la journée, ça s'arrose.

Puis il est temps de mettre les voiles. En à peine deux heures de routes défoncées passées à roupiller, il faut déjà descendre. La côte est de Java s'arrête là, il en est fini de sa traversée. Place maintenant à l'autre côté de l'étroit détroit, place maintenant à Bali. Fini le froid, finis les réveils intempestifs, bonjour la plage, bonjour les cocotiers, bonjour les hamacs! Mais pas à Bali... Pas comme Olivier qui va y séjourner, pas comme Maud et Edouard qui reste sur Java pour faire le chemin inverse vers Djakarta.
J'en ai presque fini des transports, presque. Pour bien faire, il faut encore que je traverse Bali d'Ouest en Est avec deux bus, que je prennes le bateau jusqu'à Lombok jusqu'à un nouveau bus et un nouveau bateau vers les îles Gili, apparemment un paradis sur terre pour backpackers, ma toute toute dernière étape asiatique à l'issue d'un marathon rocambolesque. Une douzaine d'heures tout au plus. Si je m'en sors bien, ce soir je dors les pieds dans l'eau ou pas loin.

J'ai en tête que le premier bus qui va vers Denpasar, principale plaque tournante à Bali, ne va prendre que deux à trois heures. Erreur, mille fois erreur. Il est 17h30 quand on franchit les portes de la gare routière, bien loin de mes prévisions obtimistes. Mais j'ai encore le temps d'avancer, j'ai la rage.
Je grimpe dans un transport collectif qui me conduit vers une autre gare routière, celle qui mène vers l'Est. ll est alors 17h50h et il n'y a pas grand monde au portillon. Ca sent pas bon non plus cette histoire... Un type vient m'accoster.

- Salut, tu viens d'où?
- Bonsoir, de France mais ce n'est pas la question! A quel heure est le prochain bus vers Padangbai (point de départ des ferries vers Lombok)?
- A 6h pourquoi?
- Ca tombe bien!!! Où est-ce que je peux le trouver?
- A cet endroit précis demain matin.

Nom d'un chien... Ca n'était pas 18h mais 6h... Je ne suis pas matinal, j'ai mal... Ne reste plus qu'à attendre que la terre ait fini de tourner jusqu'au lendemain...
En attendant, je dégotte une chambre d'hotel juste en face de la gare routière et m'y barricade, gonflé à bloc de savoir que ça y est, c'est sur, demain enfin, les pieds dans l'eau, tout ça.
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9 novembre 2009 1 09 /11 /novembre /2009 06:17

A Pangandaran, je compte les gouttes. Une, deux, trois.

Mille, deux mille, trois mille.

Un milliard, deux milliards, trois milliards.

 

Le 28 octobre, la faute aux préliminaires, la faute à Varanasi, la faute à la fée goutelettes, il est 6h et je suis levé depuis déjà belle lurette quand le soleil ne se cache plus derrière la terre mais derrière une couette de nuage bien épaisse. Le village se lève et je fête ça en sa compagnie. J'enfile mon imperméable et m'adonne aux joies de la promenade en solitaire sur une plage battue par les vagues entre autres éléments.

En arrivant sur le sable, c'est à un slalom autour des sacs en plastiques de tous genres et échoués là par hasard qu'il faut se livrer, la faute aux cons d'espèce je-jète-là-où-je-suis-et-pas-dix-mètres-plus-loin-dans-une-poubelle que je ne porte pas dans mon estime. C'est en partie à cause de ça que je me livre sans doute une dernière fois ici à cette marche de bord de mer et que la décision de partir finalement dès que possible a été prise à l'unanimité des votes. Après avoir quand même baigné mes orteils dans l'eau chaude et bouillonante, mes pas me dirigent maintenant vers l'agence à même de me vendre un billet de bus pour Yogyakarta la plus proche.

A l'intérieur, après m'être acquitté des formules de politesse locale, je demande s'il est encore possible de faire une réservation pour le jour même ce à quoi on me répond que, c'est trop tard pour moi, le seul bus du jour est parti à 5h,

 

- "je vous réserve celui du lendemain?"

- "Ben, faîtes donc ça alors!"

 

Sur le chemin qui me ramène dans mon antre multi-chambrée, je rebifurque vers la mer, parfaite donneuse de conseils quand on se demande ce à quoi va ressembler cette journée hormis enfin se souvenir du nom "Pagandaran" qui ne veut pas rentrer. Ca se vérifie. Sur ma droite, en amont de la plage, se suivent des petites barraques. Certaines vendent des T-shirts, certaines le petit déjeuner, certaines louent des planches de surf et de bodyboard, comme aux grandes heures ferrecapiennes (du Cap Ferret).

La décision penche alors vite en faveur de ces dernières, petites biscottes permettant de surfer les vagues en position allongée. Seulement, il n'est encore que 7h00, des surfeurs sont déjà à l'eau mais le loueur, lui, n'être pas encore prêt de se montrer. Je m'accorde donc une petite sieste syndicale le temps d'y voir plus clair. Trente minutes plus tard, je suis déjà de retour sur mes pieds, en chemin vers la plage, prêt à en découdre. Sur mes épaules, rien d'autre qu'une serviette, un maillot de bain, une paire de tongs et quelques roupies.

J'échange ces dernières contre un planchette et une paires de palmettes et me voilà à l'eau à l'heure où d'habitude, j'émerge encore à peine. Ce matin, Pagandaran étant un beachbreak (vague qui casse sur du sable) pas ridicule, je me bats pour passer une barre de vagues de deux mètres qui déferlent à allure régulière, ça change de Varanasi! A Pagandaran au moins, je peux me permettre de me prendre des bouillons! Et je ne me prive pas! En trois heures de temps, je me draine de toutes les forces qui j'avais en réserve pour la journée. En proie à des menaces de crampe au mollet qui n'inspire en moi qu'une crainte teintée de respect à distance, je me remets sur mes deux pattes gonflé à bloc de tant de plaisir, d'efforts physiques, et de contacts sportifs avec la nature. Peut-être aurais-je du prendre un encas avant d'en arrivé là? Rattrapons le temps perdu et allons dévorer un pancake au miel et à l'ananas!!

 

Tentons également de reprendre un rythme normal. Je m'imagine d'avance que si je passe les huit heures de minibus de demain à dormir, je suis reparti pour un tour avec des réveils tardifs et des couchers, je ne vous dis pas.

Les heures qui me séparent du lendemain sont donc un planning de sommeil hautement scientifique visant à me réveiller de bonne heure et de bonne humeur, mission accomplie, à l'heure où le minibus est déjà à m'attendre.

 

Il est 7h, commence une nouvelle épreuve de patience déjà éprouvée maintes et maintes fois, à chaque occasion d'un nouveau transport en somme.

Mais ce matin au moins, je quitte les trombes d'eau qui me saluent une ultime fois à Pangandaran, croyant en ma bonne étoile d'un soleil radieux bientôt proche. Les heures se succèdent. A côté de moi est assise une jeune femme voilée silencieuse et somnolante. Ce n'est qu'en milieu d'après-midi que l'on pénètre enfin dans les faubourgs annonciateurs de Yogyakarta. Je touche l'objectif du doigt quand subitement le chauffeur, sans raison apparente, se gare sur le bas côté. Il descend du véhicule, je l'y rejoints. Quelques dizaines de minutes auparavant, j'avais remarqué un bruit suspect comme si on avait heurté quelque chose mais n'y avait pas prêté plus d'attention que ça. Or, il s'avère maintenant que ce bruit était la cause de notre présente crevaison puisque c'est de cela qu'il s'agit. Il fallait que ça arrive si près du but! Heureusement, pas de panique; d'un bond, le chauffeur maintenant mécanicien a extirpé de sous la voiture une roue de secours. Le temps de courir m'acheter une boisson fraiche pour lutter contre les effets de la chaleur ensoleillée dont je me plains déjà de sueur, la roue est changée, plus de peur que de mal. En quelques tours de roues, je suis déposé où bon me semble, à l'entrée du quartier rassemblant les meilleurs adresses économiques de la ville. Mon sac sur le dos, je pars à la recherche de la meilleure affaire possible. La première tentative puis la deuxième sont des échecs, la faute à un taux d'occupation de 100%, mais la troisième, une réussite.

Je loge à l'hotel Bladok qui, en plus dêtre coquet et avenant, cache dans une arrière cour une piscine d'un beau gabari et d'un effet itou à laquelle il est impossible de résister à l'heure où on hésite à cause du prix.

 

Je m'installe donc dans ma chambre avant de redescendre tester les talents du cuisinier qui se targue d'une viande de boeuf importée de Nouvelle-Zélande, avant gout du futur.Toujours en manque de chair rougeoyante après les périgrinations indiennes, mes canines croque encore le gout du plaisir au moment de se planter dans la bidoche.

L'assiette est vidée, l'estomac remplit, et l'esprit détourné.

Je remarque la serveuse qui s'active autour. C'est une petite javanèse avec une grace de ballerine, qui s'acquitte de son travail en vire-voletant, en envoyant des rayons de sourire à tout ce qui l'entoure. Je suis sous le charme et fond dès qu'elle m'adresse la parole. Bladok quand tu nous tiens...

A l'issue de ce repas synonyme de petit déjeuner-déjeuner-dîner, je libère la place laissant derrière moi quelques bons mots et quelques pourboires. Il est temps de s'occuper du rythme de vie et éventuellement faire une nuit normale. Elle se produit. Tout rentre dans l'ordre, je me lève enfin à 9h dans une forme tonitruante avec le corps en fête et l'estomac en faim.

Quelques tartines plus tard, Rita déjà là faisant danser les plats, j'ai un état d'esprit idéal pour me lancer dans l'exploration de la ville. Je commence par une petite marche le long de l'artère principale avec en point de mire le Kraton, demeure du Sultan et rendez-vous majeur des visites locales. Après avoir refusé les offres des guides locaux n'ayant pas envie de me faire remplir l'oreille, j'arpente les lieux et surprise, en fais le tour en moins d'une demie heure. C'est joli certes, mais c'est un peu court jeune homme! Je pourrais alors continuer les visites à proprement parlé mais si elles sont tous du même accabi, autant aller se perdre dans les rues des environs.

Je préfère alors laisser de côté les artères principales pour m'enfoncer dieu sait où. Je tourne dans un dédale de rues trop petites pour une voiture à l'affut des bonjours, à l'affut des sourires qui viennent naturellement.

A plusieurs reprises, je m'arrêtes pour converser avec qui m'engage dans la conversation, c'est courtois, bon enfant, traditionnel. Je m'en délecte d'autant que c'est une surprise. Java étant l'île la plus peuplée du monde avec pas moins de 150 millions de javanais, j'étais persuadé d'étouffer dans les villes. Or, à Yogyakarta, c'est plaisant, ça respire la province, ça respire tout court.

 

Puis, après avoir perdu trois kilos d'eau à errer ça et là, il est venu le temps de me mettre à l'ombre, de faire refroidir un corps chauffé par un soleil radieux qui, si tu en abuses, n'est plus un modèle de bienfait comme en atteste tous les locaux qui se sont forts de rester à l'ombre.

De retour à l'hotel, je m'immerge dans la fraîche piscine surpris de ne pas voir de vapeur éclore à mon contact. Quelques longueurs plus tard, Rita rentrée chez elle, je reprends les clés du voyage et assouvis ma quête de merveilles en me portant acquéreur d'un billet tout compris pour admirer Borobudur au prochain lever de soleil ce qui a beau être prometteur de difficultés à l'heure de s'activer les neurones, le nom de l'endroit est tellement évocateur presque d'un autre monde que je suis en joie rien qu'à le prononcer.

Et ce n'est pas tout. J'organise aussi la visite d'un autre sîte majeur, les temples de Pranbanan, qui sera cloturé par une spectacle nocturne de danse à ciel ouvert avec les temples illustres illuminés pour arrière-plan. Pas mal pour un samedi ou quelque autre jour.

Passé le dîner où le chef se sublime une nouvelle fois, je retourne dans mes quartiers bien décidé à faire honneur à tout ce qui m'attend demain. A 21h, je dors comme un bébé. Mais qu'est ce qui m'arrive?

 

Conséquence de tout ça, la mise en action de 4h30 est un jeu d'enfant. De grand enfant.

Car avant de lever le camp, je vais d'abord à l'épicerie du coin qui reste ouverte 24h/24h pour acheter boissons et biscuits. Devant, à l'extérieur, il y a là un groupe de jeunes locaux qui finissent leur nuit en buvant tout ce qu'il leur reste d'alcool. N'ayant rien contre les jeunes débonnaires, je leur lance à tous un bonjour enjoué.

 

- Salut à tous! Ca va bien? Vous passez un bon moment? La nuit a été bonne?

- Salut mon frère! Comment tu t'appelles? Tu viens d'où? Tu veux boire un verre?

- Non merci, ç'eu été avec plaisir mais je viens juste de me réveiller et la journée commence à peine.

- Orrhhhh!!!! Allez!!! Un p'tit verre!!!!

- Bon allez, pour vous faire plaisir...

 

Le type le plus proche de moi se saisit alors d'une bouteille déjà à moitié vidée et me remplit un gobelet. Ne sachant alors pas à quoi m'en tenir, dans une pirouette, je lui propose alors de boire le premier et de m'en resservir un autre. Il boit et titube. Je frémis. Viens alors mon tour. Le même type me sert alors le même verre aux deux tiers.

 

- Merci... C'est trop, je n'en demandais pas tant...

- Orrhhhh!! Allez!!!!!

 

Un cul sec de cette niaule plus tard, vient mon tour de tituber.

L'heure de voiture jusqu'à Borobudur qui aurait pu n'être qu'une longue agonie défile à grande vitesse comme les motos qui nous doublent de tous les côtés dans la lumière naissante. Toute L'indonésie est déjà debout, le premier métro parisien n'est même pas encore parti. En quittant Yogyakarta, on longe un marché ouvert uniquement de 3h à 7h, ici ça ne choque personne. Moi non plus, la seule chose qui me choque, c'est qu'il fait encore nuit, que je suis déjà un peu bourré.

 

Il est 6h. Les portes du parc entourant Borobudur s'ouvrent. A cette heure, on ne compte qu'une douzaine de touristes ce qui n'est pas pour me déplaire. En marchant vers le sîte sacré, j'accélère jusqu'à atteindre le monument en lui-même en deuxième position, parfait pour avoir un point de vue dégagé et la sensation, qu'à tort, ils ne sont pas nombreux à avoir foulé ces marches.

Devant, en haut de sa colline majestueuse au milieu juché au milieu d'une large plaine verdoyante ourlée de montagnes, se dresse le phénomène. Construit au IXème siècle (IXème!!!!!), Borobudur est une immense structure rectangulaire à sa base et ronde à son sommet, remplie de centaines de statues et de bas-reliefs qui à cette heure du jour prennent des reflets aux couleurs chaudes.

Son exploration complète prend deux bonnes heures pendant lesquels le paysage se découvre mais pendant lesquels les groupes commencent à envahir le pavé. C'est donc sans regrets que dès 8h je retrouve le chemin du minivan que je partage avec d'autres. Les stands de souvenirs sont maintenant ouverts et bruyants, les chaussettes/sandales sont partout.

 

Sur la route du retour, le chauffeur se propose de nous arrêter à deux autres temples plus modestes. Maintenant qu'on est debout pourquoi pas?

Un premier temple passe. Place au deuxième.

Au moment d'arrêter le minivan le long de la large étendue d'herbe, on remarque qu'ici nous ne sommes pas les premiers. Plus d'une centaine d'écoliers font leur sortie du samedi matin, plus synonyme de récréation que de lesson d'histoire. Ils crient, se courent après, se pendent les uns après les autres à d'immenses lianes qui pendent du sommet d'un arbre colossale. A peine posé le pied au sol, l'arbre n'a plus grande importance, en bons non-caméléons que nous sommes, tous les enfants nous ont repérés et quand nous nous dirigeons vers l'entrée du temple, ils s'y dirigent aussi.

Nageant dans une énergie née de ma nuit ensommeillée, le temple prend alors une importance toute relative en comparaison avec le fait de jouer avec une centaine d'enfants déchaînés qui ne demandent que ça. Au départ, notre chauffeur nous avait dit que ce ne serait qu'une pause rapide, le temple étant "visitable" en moins de cinq minutes. Mais trente minutes plus tard, je suis encore là à me rouler par terre, à me pendre aussi aux lianes ou à fendre la foule des gamins en poussant des cris d'animaux.Ce n'est que quand on vient me chercher dans des ralements plaintifs que je redescends de mon nuage, la notion du temps étant toute différente que l'on soit ou non soi-même un gamin.

Dans la voiture, personne ne bronche, certains dorment même. Je suis branché sur 100.000 volts de courant continu et en arrivant à l'hotel, rien a changé si ce n'est que Rita est là, du service du matin, prête à recevoir ma commande en souriant à tue-tête.

Moi qui n'en demandais pas tant, je m'exécute en pensant en passant que quand elle veut, je lui sers son petit déjeuner.

Celui-ci fini, on entame alors la conversation de manière plus longue que quelques phrases anodines alors qu'elle s'apprêtait juste à ramasser les couverts que j'avais pris soin de rassembler. Elle s'installe à côté profitant d'un moment de calme. On discute, elle me racontant son doux quotidien, moi lui exposant mes souhaits pour les jours à venir. Elle me propose alors de me conduire le surlendemain, qui coïncide avec son jour de repos, lundi dernier, à la plage pour une journée de farniente. Tope là!

En attendant, je retourne prendre le frais alternativement sous le ventilateur et la douche froide de ma chambre jusqu'à 14h, heure du départ vers Prambanan.

 

Prambanan fut construit à la même époque que Borobudur est concentre dans une large enceinte des temples n'ayant pas grand chose à envier à ceux d'Angkhor s'ils n'étaient pas construits sur une zone à forte activité sismique comme en témoigne encore celui qui a ébranlé l'endroit pas plus tard qu'en 2006. Il y a encore quelques structures qui tiennent debout mais tout ce qui avait une taille plus modeste que les batiments principaux est maintenant un rêve vivant pour officionados du puzzle. Sur des mètres et des mètres, ce sont des parterres de pierres qui attendent d'être remontées qui s'étirent.

Néanmoins, le tout étant dans un jardin luxuriant, la ballade est belle et son souvenir vivace.

Au détour d'un arbre justement, je rencontre un jeune indonésien parlant couramment l'anglais qui ne demande qu'à pratiquer un peu. Il m'accompagne donc dans ma découverte du sîte, m'expliquant tout ce qu'il faut savoir sur l'histoire de Prambanan autant qu'il me raconte ses démélés d'avec sa copine. Il semble tellement content qu'on passe quelques heures à discuter que ce n'est qu'à la fermeture des grilles que je retrouve une période plus favorable à ma tranquilité qui ne dure qu'un temps puisqu'à 19h30, le spectacle de danse commence dans une profusion de costumes colorés. Les chorégraphies racontent le Ramayana, histoire racontant une les racines de l'Hindouisme. On y croise des princesses, des singes, des dieux, des dieux-singes. Ils se battent et c'est toujours celui qui a un arc qui gagne à la fin. Le rythme de la musique accompagnant est un tantinet monocorde mais les deux heures que dure le spectacle ne sont pas trop longues eu égard à la centaine de danseurs qui s'ébatent avec grande précision jusqu'à une apothéose qui transforme littéralement la scène en un brasier enflammé. Félicitations messieurs dames!

Au retour à la voiture, le rythme lancinant de la musique me hante encore.

La journée commencée seize heures plus tôt s'achève dans une douce fatigue.

A la GH, ils ne voient pas ma tronche plus de trente secondes, le temps de récupérer ma clé et je suis affalé dans mon lit à me dire que je suis riche de cette nouvelle journée. Seul point noir passager, je fais le compte que j'ai maintenant mon quota de visites et qu'il va falloir que je m'adonne à quelque chose de plus sportif pour varier les plaisirs. Les temples, c'est bien joli mais quite à être fatigué le soir, autant que je le sois vraiment pour des raisons bétons.

La suite ne me fera pas mentir.

 

 

C'est encore en pleine matinée que je sors de ma chambre comme on sort du bois une idée derrière la tête. Depuis que je suis à Yogyakarta, il me trotte l'idée de gravir le Mont Merapi jusqu'à son sommet qui culmine à prêt de 3000m d'altitude. C'est d'autant plus tentant que d'après le LP, c'est le volcan le plus actif d'Indonésie puisqu'il rugit depuis plusieurs centaines d'années sans discontinuer.

Sans coup férir (Ferrir? Fais rire?), je propose alors à Rita de m'y accompagner puisqu'il s'avère qu'elle n'y a jamais mis les pieds alors que le volcan s'élève à moins de trente kilomètres de Yogya, ville dans laquelle elle a toujours vécu. C'est juste trop dommage sachant que la plage, elle peut bien y retourner une autre fois.

Au final, j'insiste, je déploie toute la gamme d'arguments pour qu'au final, enfin, elle accepte sachant qu'au départ, il y avait un lourd travail de persuasion à accomplir.

Il faut dire que c'est une marche nocturne, qu'on part de Yogyakarta à 22h30 pour n'en revenir le lendemain qu'à 11h du matin. Ca promet d'être fatigant comme jamais pour elle qui ne fait pas de sport.

Mais elle a dit oui, alors...

Je pars donc réserver l'expédition, un guide étant obligatoire quand on gravit un volcan actif et de surcroit de nuit. Ma devise : sécurité avant tout. A l'agence, tout le monde me félicite de mon choix et me mets en garde contre le froid au sommet du volcan ce dont je fais part à Rita.

Je reste alors à discuter avec elle ainsi qu'avec tous ses collègues jusqu'à la fin de son service, moment à partir duquel elle rentre se reposer, en prélude à l'aventure. Je devrais aussi en faire autant mais force est de constater que je suis en forme ce qui tombe bien quand on a prévu une téléconférence avec Pasteur Roberto sur les coups de 18h. En fin d'après-midi, je vais donc au cybercafé me connecter au reste du monde et appelle guilleret l'animal pas triste. Seulement, l'animal n'est pas là. Une fois, deux fois, personne. J'appelle alors le Bastorinho et sa famille de huit bras qui sont biens contents et biens beaux derrière leur écran, conversation seulement interrompue quelques minutes par le Pasteur qui est en retard pour bruncher, le fourbe poseur de lapin.

Une mise d'article en ligne plus tard, il est 20h quand je suis de retour chez Bladok, à l'heure pour un transfert dînatoire de vitamines devant me tenir occupé jusqu'au lendemain à l'issue d'une nuit de labeurs haute en couleur.

Une fois l'assiette ingérée, enfin son contenu, je me ralonge espérant que le sommeil vienne vite, anticipant avec craintes l'alarme que je branche à 22h sonnantes et trébuchantes. Mais à 20h30, je suis toujours à tourner. A 21h pareil. A 21h30 pareil. Au total, je dors approximativement dix minutes, juste assez pour être aussi fatigué que le lendemain après la marche. Je pourrais alors dormir dix minutes de plus dans un traditionnel "snooze time" mais il faut encore que je fasses mon sac et une douche froide ne sera pas de trop pour me faire émerger autant que possible.

En ce qui concerne le sac, je prends le minimum. Les nuits sur Java sont douces, à Yogya, la température descend péniblement sous les 25° au minimum. Sentant en plus que l'ascension va me tenir chaud pour ne pas dire plus, je ne prends qu'une petite liquette et une écharpe légère en plus de mes chaussures, mes soquettes, un pantalon de pêcheur s'arrêtant à mi-mollet et un t-shirt à manches courtes. Froid au sommet? A force de vivre par 35°, ils en deviendraient pas un peu frileux les indonésiens? En descendant à la réception deux oreillers sous le bras en cas de sieste inévitable dans la voiture, j'aperçois alors Rita qui est prête, dans son dos un sac rempli à rabord.

Dedans, elle a l'équipement adéquat pour traverser l'Antarctique. Manteau, bonnet, gants, rien ne manque ce qui provoque chez moi des ricanements nerveux en voyant mon propre sac à moitié vide.

Au moins, je vais avoir de la place pour, comme l'avant-veille, de l'eau et des biscuits. Je file alors à la superette voisine méfiant quant à recroiser les excités du goulots, mais ils ne sont pas là, tant mieux, boire ou marcher, il faut choisir. J'achète alors comme convenu trois litres d'eau que j'accompagne de deux bouteilles de Redbull, histoire de ne pas calancher en route, ainsi que des barres chocolatées aux amandes que la belle aura toutes les chances d'aimer autant que moi.

En revenant vers elle, notre voiture est avancée, notre aventure commence...

 

On avance bon train dans la campagne endormie. Rita prend un oreiller et tente de dormir, elle y parviens. Je tente la même chose et échoue lamentablement.

Vers minuit, nous atteignons le village de Kaliurang, point de sortie de la voiture, point de départ de l'expédition. On reste alors une petite heure dans la maison de notre guide à s'étonner d'une température déjà proche des 15° et à apprécier, de ce fait, le thé chaud qu'il a préparé à notre attention en plus des bouteilles de Redbull au gout dégoutant mais aux vertues excitantes maintes fois prouvées.

Et puis quand il faut y aller, il faut y aller; le guide revient lui aussi équipé pour attaquer l'Himalaya en hiver, signe que c'est le grand départ.

 

Au départ justement, on distingue déjà nettement le sommet promis, luisant à la lumière de la lune proche du rond parfait dans un ciel dénué du moindre nuage.

Gauche, droite, à mon commandement, marchez!!

La route, pour l'instant goudronnée, s'enfonce vers la lisière du village à la perpandiculaire du flanc du Merapi. La pente est tellement raide qu'il est pénible de poser le talon par terre et de dérouler la plante des pieds, tout se passe sur les orteils, les premiers mètres dévoilent déjà une partie du challenge. Nous marchons, Rita, le guide et moi, côte à côte et le train est infernal en comparaison avec l'inclinaison du chemin. Mais Rita ne semble pas avoir plus de mal que ça, et comme moi non plus, tout va bien même si au fur et à mesure le bruit de nos respirations se fait plus fort, on est pas des machines!

Après trente minutes pourtant, on fait une première pause en rejoignant, au bout de la portion asphaltée, une demie douzaine d'autres foux furieux qui sont aussi là avec leur guide. Au cours de cette pause, Rita s'assoit dans son coin toute recroquevillée sur elle-même, signe que, quand même, ces quelques premières centaines de mètres ne sont pas passés aussi facilement que je pouvais le percevoir en ce qui la concerne. Je commence par prendre toutes les bouteilles de son sac pour alléger sa peine. On repart pour pénétrer maintenant véritablement sur le territoire volcanique. Le chemin est inégal et glissant sans que la difficulté de la montée ne se calme. Le guide ouvre la voix. Rita est derrière lui. Je suis la voiture balai. Nos lampes frontales sur la tête, la progression est lente et périlleuse.

Tous les quarts d'heure environ, Rita est exténuée et demande à faire une pause. La pauvre est frigorifiée et lors d'un nouvel arrêt, entame une nouvelle phase dans sa lutte contre le Merapi, elle vomit.

Chaque fois qu'on repart, le rythme ralenti encore et chaque fois, elle vomit.

Pour ma part, on finit par avancer tellement doucement que je fumerais bien une clope. Je me propose donc de finalement porter l'ensemble de son sac afin de lui simplifier au maximum les évènements, si c'est encore possible. Mais rien y fait, Rita a surestimé ses forces et lors d'une nouvelle pause où on rejoint le reste des autres marcheurs qui ont eus le temps de faire un feu et de s'y réchauffer, elle décide que s'en est trop, elle est aller au bout de ses forces et ne fera pas un pas de plus malgré les discours de motivation que je lui assène.

Qu'à cela ne tienne, j'ai beau être extrèmement désolé de sa condition, je ne peux rien faire ou dire de plus. Il a fallu bien des kilomètres auparavant pour que j'échoue sur les pentes du Mont Merapi, au moins a-t-elle du feu pour se réchauffer, je poursuis l'ascension, toujours en T-shirt, gardant ma micro-veste pour le sommet sachant que j'en aurais surement plus besoin au sommet.

Je me cale dans les pas du guide. Comme Rita n'est plus de la partie, le rythme s'accélère. Au loin, les lampes torches de tous les autres groupes qui ne nous ont pas attendus brillent dans la nuit, s'ajoutant aux étoiles. Plus les minutes passent, plus les lumières se rapprochent. A une moindre échelle, on est comme un train lancé à pleine vitesse sur les rails de la folie. Le cratère se rapproche. Autour, la végétation a laissé la place à un sol lunaire fait de roche volcanique tellement légère qu'à chaque pas, le sol se dérobe et des pierres dévalent en contrebas sur des centaines de mètres. Le vent est lui aussi levé, des bourrasques soufflent de biens belles rafales d'air glacé, c'est un bonheur, en tout cas tant qu'on s'active...

Aux pieds du dernier tronçon nous séparant du but, la jonction avec les autres groupes est faite. Le groupe de retardataire a rejoins le peloton et remonte maintenant les places unes à unes jusqu'aux avants postes. A ce rythme là, pour le maillot à poids, c'est dans la poche. Plus rien n'entrave notre vue de la ligne d'arrivée, le volcan se dresse pour la dernière difficulté du jour. Au moins dans la foret, on était obligé de suivre un chemin tracé par la nature qui nous forçait à quelques virages, mais ici, ce n'est que de la rocaille en équilibre précaire, sans véritable itinéraire à suivre. Dans ces cas là, le plus rapide chemin entre deux points en montagne est la ligne droite. C'est directement dans l'axe de la pente qu'il faut finir le travail, dernière bouffée de chaleur.

Et, dans un dernier effort, le versant opposé du Merapi se découvre avec la nature qui s'épanouit sur des dizaines de kilomètres en aval, même si on le voulait, on ne pourrait pas monter plus haut, je me verrais bien planter un drapeau français comme un alpiniste, j'ai pris le maillot à poids et le maillot jaune, c'est le sommet.

Au même instant, les toutes premières couleurs se faufilent dans le noir de la nuit, signe que l'aurore est à l'heure.

Il est 5h et j'ai froid, il doit poussivement faire dans les 5° quand le vent ne s'en mèle pas en plus.

Comme le gros touriste que je suis, j'ai les jambes à l'air et encore pire, porte les seuls vêtements de tout mon attirail qui n'ont pas de poches. J'en aurais bien besoin des poches en l'occurence. Ca m'éviterait, pour commencer, de ne plus sentir mes doigts!!

C'est donc en sautillant dans tous les sens que l'attente déploye son blanc manteau.

Les autres voyageurs, eux, sont stoïques. Chacun d'entre eux transporte grosse doudoune, si si j'vous jure, gros pantalons, grosses chaussures, gros gants et gros bonnet.

Puis au cours de mes sauts de cabri tournant en rond, j'aperçois un phénomène étrange. L'idée même de la canicule est bien loin, et pourtant je distingue un courant d'air chaud, troublant l'oxygène environnant comme lorsque on fixe le bitume le long d'une route un jour de franc soleil ravageur. Mirage ou pas mirage?

Il y a là dans la paroi volcanique un trou qui laisse s'échapper des gazs gonflés de chaleur venus véritablement des entrailles de la terre. Pour pouvoir sentir quelque chose, il faut se glisser les mains dans le trou et en un clin d'oeil, votre main retrouve des couleurs, c'est un miracle! Et comme si ça ne suffisait pas, merveille des merveilles, le soleil choisit l'instant suivant, pour éclore de l'horizon. Purement extraordinaire. Le cercle incandescent parfait se dévoile à mesure qu'il émerge de derrière la plaine. Il y a des moments comme ça où plus rien n'a d'importance, celui là y entre par la grande porte.

En plus, le soleil, il ne vient pas seul, il emporte de la chaleur avec lui, sympa.

La lumière emplit la pièce. Du coté pile, au premier plan menace le cratère à pic qui relache des fumées toxiques, à l'arrière plan, quelques nuages que nous dominons du regard couvrent délicatement quelques parcelles des champs environnant. Du côté face, danc notre dos pendant la montée, le Kali Aden, un autre volcan majestueux grimpe quasiment à notre hauteur de l'autre côté du départ de l'étape. A 360° la vue est à tomber à la renverse ce que je me garde bien de faire pour ne pas dégringoler soit dans un puit sulfureux, soit jusqu'en bas de la vallée.

 

Quelques photos plus tard, c'est relativement réchauffé qu'on entame le chemin inverse. En descente, tous est encore plus instable et pourtant le guide galope sans y prété gare. En quelques dizaines de mètres, on lache nos poursuivants et on fait l'étape en échappés solitaires. Il est 6h15 du matin et Rita nous attend déjà depuis trois heures. Le rythme est aletant. Je me ramasse quatre ou cinq fois. Mais en une heure de marche décadente, on la rejoint enfin, je commence à avoir les quadriceps qui sifflent. Là, une petite pause est méritée, le temps que tout le monde s'enquérisse de l'état de forme de chacun, que je me livre à quelques étirements.

Rita, elle, va plutôt mieux. Elle a dormi pendant trois heures ce qui lui fait pousser des ailes jusqu'à s'en vanter. L'a rien compris...

 

On repart maintenant de retour dans la foret torturée par des siècles d'éruption successives. Plus ça va et plus le guide accélère. J'imagine que se doit être la proximité de sa maison qui lui donne des bottes de sept lieux. Rita, ne pesant qu'une quarantaine de kilos et forte de sa sieste, dévale à sa suite. Moi, je suis surtout riche d'une journée sans sommeil commencée 24h plus tôt. Les jambes me pèsent, et comme si ça ne suffisait pas, je me revautre de plus belle à chaque kilomètre parcouru.

Puis, au détour d'un virage, on aperçoit les premières culivations, signe que le village approche, on ne me la fait pas. Ensuite, on croise nos premiers paysants, nos premières maisons, on retrouve le goudron. Dans un dernier effort, il est 8h quand on se pose enfin le cul dans le mobilier plastique de notre guide et qu'on se délecte d'un thé chaud qui aurait été d'une valeur inestimable deux heures plus tôt. Rita profite de l'évènement pour déglutir une fois de plus. Une dose de nicotine plus tard, la voiture rentre à bon port avec Rita et moi qui dormons la tête sur l'oreiller, elle un sac en plastique à la main qu'elle s'évertue à remplir.

 

Chez Bladok, les choses se passent très rapidement. En cinq minutes, elle rentre chez elle sur son scooter, la seconde suivante, je repose inerte sur mon lit, merveilleuse invention dont il va être difficile de se décoller dans les prochaines heures...

 

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1 novembre 2009 7 01 /11 /novembre /2009 13:19

Au nord, il y avait Coron.

Mieux, notre destination.

La mer, c'était l'horizooon.

Le ciel, c'était le plafond.

 

 

Aïe Aïe Aïe!! A peine arrivé qu'il faut déjà tourner le dos à El Nido pourtant si hospitalière. C'est les larmes aux yeux que je me lève en ce dernier matin sur place. La tristesse oui, peut-être, mais la fatigue oui aussi, plus surement, conséquence d'une nuit où, pour une raison inconnue, j'ai eu de la fièvre comme jamais en terre étrangère, proche de 39°. Conjugué avec la chaleur de l'air qui ne retombe pas malgré le ventilateur qui reste allumé jusqu'au matin, après l'unique prise d'une aspirine, j'ai dormi les dernières 30 minutes d'une nuit interrompue comme prévue vers 6h quand il a fallu se secouer pour rejoindre le minuscule port municipal, départ de la bancasse.

Miraculeusement quand même, au moment où j'enfourche mes sacs, le cachet faisant effet, je me sens déjà nettement plus gaillard que quelques heures plus tôt. J'accueuille la nouvelle avec une pointe de soulagement sachant qu'on va passer les huit prochaines heures sur un bateau, coquille de noix à l'échelle de l'immensité marine que nous allons traverser.

 

Au port, tout le monde est dans un état vaseux et, quand on apprend qu'il nous faut encore attendre une paire d'heures pour je ne sais quelle raison avant qu'on puisse lever l'ancre, la nouvelle est digérée avec difficulté. Heureusement que les philippins ont tout prévu pour que notre patience ne soit pas une corde au cou. Aujourd'hui dans le pays, c'est la fête de l'indépendance. Dans le calendrier, c'est une date clé et les festivités débutent dès le lever du soleil.

Alors que les minutes s'égrennent péniblement, un vacarme se laisse entendre au loin, les décibels s'amplifiant à chaque seconde. Ils semblerait que tous les habitants d'El Nido, dans leur grande dévotion, se soient tous levés en même temps que nous afin de défiler en grande pompe. D'abord, on a droit à la fanfare de l'école, ceci expliquant le bruit entendu depuis de longues minutes. A l'aide de cuivres et le percussions, ils réveilleraient un mort et le feraient défiler aussi, emporté par les vibrations émanant de l'ensemble.

Ensuite, c'est au tour des pompiers, des officiels, des vieux, des jeunes. Tout est parfaitement huilé et il se passe bien trente minutes entre le premier et le dernier passant. Etant donnée la taille du village, c'est un tour de force qui nous permet un divertissement bienvenu, doublé du fait que dans cette demi heure, en secouant la main continuellement, on a la possibilité de saluer toutes les âmes des alentours, façon symbolique de les remercier pour l'accueuil qui nous a été fait partout où on a usé nos semelles. Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, à peine le cortège a-t-il fini de passer qu'on est appelé pour prendre place sur la bancasse qui, bien qu'elle ne nous soit pas réservée, n'a pas attiré les foules à l'exception de Sebastian et Mani, deux allemands qui viennent grossir nos rangs pour la journée ainsi que celles à venir. Plus on est de fous, plus on est de fous.

 

A bord, on a plus de place qu'on pourrait en rêver. Les uns après les autres, chacun fait sa petite sieste au soleil, seul élément contrastant avec la couleur azur d'un ciel particulièrement clément. L'unique moment où on est alors tous réveillé intervient en fin de matinée quand l'homme à la barre nous arrête sur une plage littéralement déserte bordant une île perdue au milieu des flots bleus. Ce n'est pas tant que nous prenons part à une croisière mais la bancasse a, semble-t-il, heurté un OFNI (objet flottant non identifié) brisant net une palle de l'hélice. Le temps d'effectuer les réparations d'usage, les marsouins que nous sommes ne demandons pas notre reste pour barbotter gaiement ce qui, étant donné le décor, achève de nous sortir de notre moite torpeur.

Un sifflement plus tard, signal que la récréation a plus que duré, on remonte tous à bord laissant les alisés nous sêcher la couenne, pour un temps car, il semble que, météorologiquement parlant, les choses se gatent comme si on se rapprochait des côtes anglaises chères aux nuages de toutes sortes. Plus les minutes passent et plus l'horizon se bouche laissant croire qu'il se tient dans les parrages une convention dépressionnaire de premier ordre.

Une minute, on aperçoit l'île de Coron. La minute suivante, elle a disparu dans une brume quasi opaque. L'alerte est alors lancée. Les sacs sont déménagés dans les cales du bateau, seuls restent sur le pont l'équipage et tout ce qu'on possède de vêtements imperméables car cette fois c'est sur, la douche va être violente! A babord, c'est un véritable rideau d'eau qui se rapproche, la frontière entre le sec et le déluge étant si distincte qu'aucun doute n'est plus permis.

Un kilomètre. Cent mètres. Dix mètres. Touchdown!

D'une seconde à l'autre se déversent des seaux d'eau qui balayent nos rêves de mirages. Seule protection illusoire, une maigre toile cirée tendue entre les deux mats de la bancasse qui n'empêche malheureusement en aucune façon la pluie portée par le vent qui l'accompagne de nous tremper des pieds à la tête.

 

C'est en véritables éponges qu'on débarque à Coron City qui, qui il faut le préciser n'est bizarrement pas sur Coron Island mais sur Busuanga Island, sa grande soeur. Sur Coron Island, à la manière de Ko Phi Phi en Thailande, rien n'est construit à cause ou plutôt grace à une énorme muraille protectrice.

 

En connaisseur des lieux, j'emmène toute notre bande au Kristal Lodge qui reste imprimer dans ma mémoire grace à son charactère unique. Le lodge est construit sur pilotis, au dessus d'une mangrove dans un enchevêtrement inextricable de bois, un mécano végétal branlant, construit sous acide sur des dizaines d'années. A sa simple description, tout le monde n'a d'autre choix que de suivre mis à part Dondon qui va dormir chez sa mère qui habite non loin.

Nous sommes alors un groupe d'une demi douzaine de personnes, échouant avec délectation, dans une véritable maison sur l'eau pouvant tous nous accueuillir même si deux personnes doivent dormir par terre. Mais qu'importe, c'est un tel havre de paix que même si je devais dormir sur des racines, je signerais les yeux fermés ce que je n'ai pas non plus à faire puisque je partage la même chambre que Mira et Josha qui, en comparaison, peuvent tenir les racines en respect.

La fin de l'après-après midi se résume donc en une appropriation des lieux. Les hamacs tournent, les parties de cartes s'enchainent, les bières se descendent.

 

Ce n'est qu'à l'heure du dîner qu'on met enfin un terme à ce repos des sens. Rejoints par Dondon, nous mettons tous le cap vers le bistro Coron qui porte tellement bien son nom qu'au menu on trouve pelle mèle au mileu des gambasses à couleur local, un pot au feu et une blanquette de veau. Hummmm...

Comme on a pas véritablement mangé depuis la veille, c'est dans un concert de gargouillis que chacun passe sa commande. Je ne sais plus exactement ce que je commande mais ce dont je me rappelle c'est que Manni et Sebastian commandent tous les deux une petite pizza qui est déjà tellement énorme que les deux vantards ne peuvent même pas en voir le bout. Ces informations en mémoire, il sera temps demain de voir ce dont je suis capable...

 

C'est à la fermeture du bistrot qu'on rentre à la maison. La nuit sera courte, demain est une journée chargée que le soleil soit de la partie ou non. Le programme élaboré entre deux bouchées prévoit qu'on se réserve les faveurs d'une bancasse que nous louerons pour la journée dans le but appétissant de profiter des multiples attraits qui abondent autour et sur Coron Island.

 

 

Ce matin du 13 juin, ça ne nous rajeunit pas, c'est le branle-bas de combat de bonne heure mais de bonne humeur. La perspective de passer la journée entre eau chaude et sable fin ne doit pas y être étrangère. Dondon nous rejoint à la maison sur les coups de 7h. On pourrait alors se rendre directement sur le bateau qui n'attend que nous mais maintenant riche de l'aventure d'une précédente journée de navigation sous les tropiques à El Nido, on a compris que même si c'est l'heure des tartines, il faut déjà qu'on de l'eau dans le moulin du déjeuner.

Nous réjouissant donc de la perspective d'un repas fourni et varié, nous prenons d'assault le marché de Coron City. Sur notre liste de course, du poisson au kilo en la personne de Thony, le thon frais en tranches de 2cm d'épaisseur chacune, des tomates, deux concombres, un ananas, du raisin, des bananes naines, des mangues et des citrons verts. En comptant la boisson, nos sacs de provisions doivent peser dans les 15 kilos, pas mal si l'on considère qu'il ne s'agit que d'un seul repas avec huit convives autour de la table. J'en ai déjà les babines qui suintent!

Ne reste plus qu'à grimper tout ça sur le bateau en plus des palmes, masques et tubas dont tout le monde est affublé pour ne rater même aucune miette de ce qui se passe sous l'eau.

 

On quitte alors Coron pour Coron (Vous suivez?) sous un soleil timide mais prometteur en comparaison des gouttes comme des balles de ping-pong qu'il est tombé hier.

 

La première étape consiste en une première mise à l'eau. A une cinquantaine de mètres des côtes, devant une plage solitaire, git par une dizaine de mètres de fond une épave de bateau échouée là depuis bien des lunes déjà. C'est l'occasion pour tout le monde de tester son matériel et aussi pour les garçons, fiers comme pas deux, de tenter de toucher un bout de coque avant de remonter vers la surface, ce dont je m'acquitte pour est quite mais préférant quand même l'exploration marine une bouteille d'air comprimé attachée dans le dos, j'ai beau être un mammifère marin, ça ne vaut pas un poisson!

 

A cette cadence, comme il y a aussi de quoi faire en terme d'observation de vie sous-marine, la matinée avance bon train. Puis, comme en plus on a pas de glacière, le thon nous supplie de le cuire tout de suite plutôt que d'attendre que la température pas vraiment réfrigérante s'occupe d'en faire un terrain idéal pour la reproduction des champignons. On met alors le cap sur une autre plage, toujours aussi déserte, cuisine à ciel ouvert orientée plein sud, agrémentée pour bien faire d'une table abritée sous un large hauvent de bois. Les taches sont alors répartis entre ceux qui cuisent, ceux qui épluchent, ceux qui coupent en dés, ceux qui mettent la table, sachant que rien n'est gravé dans le sable, la marée emportant les systèmes trop rigides en même temps que la "fatigue" consécutive à tant d'activité grace à un bon bain raffraichissant.

Une heure plus tard, le festin est avancé. Les philippins responsables de la bancasse sont nos invités, on pourrait nourrir une armée de grévistes de la faim brisant leur jeûne. L'attaque est alors éclair, tout le monde se servant de ses doigts pour faire honneur à cette pitence délicieuse, bien conscient que l'océan est là pour nous nettoyer le cas échéant.

Le soleil est alors dans tous les estomacs, compensant sa défaite imminente dans la lutte d'influence qui se joue entre lui et les nuages plus nombreux à des centaines de mètres au dessus de nos têtes hébêtées devant la zone contrôlée par l'ombre qui maintenant nous englobe. Pas grand chose que l'on puisse faire de toutes façons et il n'est certainement pas encore né le cumulo-nimbus qui ternira cette journée au point de nous faire rejoindre notre port d'attache.

Comme un défi à la nature menaçante, on retourne une dernière fois se baigner avant de s'enfoncer plus avant dans les entrailles de Coron Island. Celle-ci, aussi escarpée soit-elle recelle deux joyaux, deux lacs enserrés entre les machoires de cette forteresse minérale.

 

Pour atteindre le premier, c'est par un véritable copié-collé de ce aqua on s'est déjà attelé au Small Lagoon qu'il faut passer. Une entaille dans la roche sous la surface de l'eau est la seule porte d'entrée, mammifère terrestre s'abstenir, vers un lac où les eaux salées et clairs se marrient comme l'huile et l'eau, par couches superposés sans espoir de pouvoir fusionner.

Nos masques sur le nez, les uns derrières les autres, nous émergeons alors dans ce superbe écrin protégé de tout sauf de la pluie qui débute son monologue. Mis à part pour les couleurs en général transcendées par temps clair, rien dans ce qui était prévu ne change, le lac n'étant entouré de rien d'autres que de roches tranchantes. Pas de chaises longues, pas de hamacs, pas de plages. On se contente donc de nager ce qui n'est franchement pas si mal. Puis Dondon, en fin connaisseur et grimpeur, ouvre aux plus courageux la voie verticale vers de véritables plongeoirs naturels perchés entre trois et sept mètres de hauteur.

C'est alors de nouveau le temps de la récréation. Comme des mômes, nous nous approprions l'endroit dans des plongeons ou des sauts périlleux plus ou moins maîtrisés sans craintes de nous casser le cou, le fond atteignant des niveaux incalculables à la force des poumons.

Puis, voyant que tout le monde est bien à son aise dans les airs comme dans l'eau, Dondon, encore lui, baptise une nouvelle plateforme atteignant cette fois une dizaine de mètres, ce qui équivaut en gros au plancher d'un troisième étage d'immeuble. Cette fois-ci, plus question de faire le rigolo, si tu te réceptionnes mal à l'entrée dans l'eau, si quand tu es un garçon tu écartes les jambes par exemple, c'est aussi sec au bureau des objets trouvés qu'il faudra chercher ton équipement tombé sous la force du choc. Une fois juché en équilibre précaire sur le promontoir, il n'y plus d'autre alternative que celle de se jeter à l'eau. D'une part, il faut grimper pieds nus sur des arrêtes rocheuses tranchantes à se créer de nouveaux orteils et d'autre part, c'est tellement vertical que redescendre par là où on monte serait comme signer d'office une déclaration stipulant que le suicide est prémédité. Quand tu es là-haut, tu sautes et puis c'est tout!!!

C'est donc la gorge serrée et devant les yeux héberlués d'un groupe de touristes philippins nageant à grand renfort de gilets de sauvetage que successivement, toutes les tentatives aboutissent dans de grands cris au moment de revoir la surface. Et c'est comme ça pendant une heure, personne n'ayant envie de lacher le morceau, repoussant peu à peu un peu plus ses limites.

 

Pendant cette heure, la pluie fine a tout le temps de se muscler et c'est sous des trombes d'eau plus froides que celle du lac qu'on déplace le centre des opérations vers Barracuda Lake, le plat de résistance de la journée autant qu'un tour de force tant les éléments sont contre nous, le ciel grondant de plus belle à mesure que l'on s'avance péniblement sur le sentier rendu ultra-glissant qui nous fait transiter d'une rive à l'autre, de celle de la mer à celle du lac, enjambant tant bien que mal le mur gigantesque qui les sépare.

En arrivant, mes sentiments sont constratés. Je suis, dans un sens, déçu de la tournure des éléments. Le lac et sa découverte la première fois que je m'y suis mouillé le cul plusieurs années auparavant m'avaient laissé sans voix. Jamais je n'avais vu une eau aussi clair, le tout dans des dimensions extravagantes. Les photos de l'époque en témoignent, c'est véritablement à tomber à la renverse quand le soleil veut bien se donner la peine d'être partie prenante.

Mais, d'un autre côté, aujourd'hui c'est une telle apocalypse climatique qui nous acompagne que ça en rend dément l'idée même qu'on puisse être bel et bien là. Déjà détrempés avant même d'avoir gouter à l'eau du lac, c'est une libération quand nous pouvons nous affranchir de la douche en plongeant dans ce bain chaud. Chacun est alors libre de nager où le coeur lui en dit. Pour ma part, je me laisse gagner par le vertige en logeant la falaise qui me domine d'une hauteur incommensurable à l'extérieur pour plonger verticalement dans des abysses insondables en dessous de mon corps flottant, insignifiant à l'échelle du gigantisme ambiant. Je suis alors rejoint dans mon exploration par François et Sebastian avec lesquelles on décide, de manière inédite, de nager jusqu'au bout de la barre verticale du "T" que forme le lac pour mieux en apprécier la taille. Près d'un kilomètre plus loin, le bout est quasiment atteint laissant apparaître de part et d'autre des ramifications qui s'enfoncent dans la terre inhospitalière jusqu'à perte de vue. Force est donc de constater que Barracuda Lake, c'est plus fort que toi. Au bout de l'effort, on retourne alors d'où on est venu pour découvrir que les autres s'amusent sur un tronc d'arbre flottant. Inutile de dire qu'on se prend alors aussi au jeu, parfait fil tendu marquant l'arrivée de notre marathon nautique.

 

Il est 5h quand on reprend le chemin menant au bateau, le corps ramolli mais la tête enfiévrée par cette journée parfaite sous toutes les coutures.

Au retour à El Nido, la pluie a beau s'être calmé, ce n'est pas pour autant qu'on va se lancer dans un jogging. Comme la veille, le début de soirée n'est qu'une longue décompression faite de paresse et de contentement. Comme la veille, c'est au bistrot qu'on se charge de se remettre de l'essence dans le moteur, culinairement parlant.

Gardant en mémoire l'épisode de la petite pizza, synonyme de Waterloo dinatoire pour Manni et Sebastian, j'entreprends de commander une pizza de division supérieure, à savoir de taille moyenne, sous les yeux interloqués de l'assistance.

Une heure plus tard, c'est le ventre gonflé comme une femme enceinte de quatre mois que j'y plante une dernière fois ma fourchette, ne laissant dans l'assiette que quelques maigres morceaux de pate nue, sous le regard empli de respect des deux déserteurs de la veille qui se demandent encore où ma frêle constitution arrive à stocker ce pavé rectangulaire de la taille d'un volume encyclopédique.

- "Et ouais les gars! Made in France!!"

 

A la sortie de chez notre Pantagruel de cuisinier, je n'en mènes quand même pas large. Lourd de toutes ces calories et en proie à une digestion à conséquences somnolentes, je n'ai qu'une envie : retrouver le confort d'un plumard plus à même de me remettre d'aplomb que quoi que ce soit d'autre.

Les autres étant dans le même état d'esprit, c'est en groupe qu'on retourne tous au lodge, ne veillant pas très tard jusqu'au moment d'éteindre les lumières. Quant au lendemain, rien n'est alors encore décidé, gageons qu'on arrive pas à reproduire les efforts.

 

 

On l'avait vu venir, c'est arrivé. Comme aucun réveil n'a, avec bonheur, été programmé, les réveils s'étalent sur toute la durée de la matinée en tirant même un peu sur le début de l'après-midi. A l'extérieur, la grisaille se taille la part du lion ce qui n'incite personne à secouer ses voisins. Dans notre maison sur l'eau, ça écrit, ça joue, ça se repose, Je ne sais pas si c'est dimanche mais ça en a tout l'air... C'est la dernière journée à Coron pour Josha, Sarah, François, Dondon, Mani et Sebastian, inutile qu'ils ne se froissent un muscle hormis pour aller d'un siège à un autre.

 

Le soir venu, il est quand même temps de célébrer en grande pompe ce groupe dans lequel chacun se fond naturellement. Après un nouveau dîner où, cette fois-ci, personne n'a les yeux plus gros que le ventre, on fait, si je puis dire enfin, la tournée du bar de la ville, du fait qu'à Coron City, on est pas à Boracai, les débits de boissons dignes de ce nom se comptent sur le doigt tendu d'une main, de préférence le pouce.

Une première tournée pour lancer les hostilités. Une deuxième pour être sur, avant de finir en grande pompe avec une troisième coincidant avec la fermeture des lieux pour la nuit. C'est alors déjà le temps de dire au revoir à certains qui partent très tôt le lendemain matin. Pour les autres, ce sera un peu plus tard même si ça ne change pas grand chose à l'affaire. On est tous bien tristes de mettre fin à cette aventure commune passée comme une trainée de poudre.

Mais demain est un autre jour, demain est un autre groupe.

Pas de place pour les atermoiements, avec eux, c'est où ils veulent, quand ils veulent.

 

 

 

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28 octobre 2009 3 28 /10 /octobre /2009 06:11

Boum! Quand votre coeur fait boum,

Tout avec lui fait boum!

Et moi, je me retrouve là à rédiger le présent ce à quoi je me suis toujours refuser.

Mais là, ça fait boum alors...

J'écoute mon coeur!!

 

 

Une semaine. Presque une semaine à Varanasi avant que je mettes enfin les bouts et que j'achète un billet pour l'Indonésie. Il était temps!!! C'est que le temps presse. Bien malgré moi, j'ai pris un certain retard dans l'avancé du voyage. D'abord il y eu le retour fumant à Kathmandou où après quelques minutes sur place, il a fallu que je retire de l'argent. Seulement, une fois au distributeur, la carte m'a manqué. Elle a filé je ne sais trop comment entre mes doigts comme des passoires.

Les formalités pour en faire rééditer une plus tard, il a encore fallu que la poste fasse son travail et me la fasse acheminer jusqu'au Népal. Trois semaines que ça a pris et pas une de moins, ce serait dommage...

Voilà donc trois semaines qui sont parties dans les entrailles du temps perdu à tout jamais où sans le sou, j'ai dû survivre avec le minimum syndical.

 

Ensuite est venue l'Inde, que je développerais par la suite, il va sans dire. L'Inde est un bien grand pays, c'est un euphémisme. Décider d'y voyager pendant trois à quatre semaines est une connerie, il va aussi sans dire. Près de six semaines en tout, voilà le temps dont j'ai eu besoin pour m'en sortir indemne. Je n'étais pas tout seul, ça ne m'a pas aidé. La présence du grandissime Momo del Laos à mes côtés a étiré les semaines jusqu'à cinq avant qu'enfin, même si à mon grand regret, on coupe le cordon débilical. Ne restait alors plus que l'ancienne Bénarès à mettre à mon tableau de chasse et les choses étaient pliées, je pouvais à nouveau refaire chauffer le passeport vers un pays où la feuille de route indiquait deux mois sur place, soit le maximum autorisé par la douane locale. N'en reste déjà plus que trois semaines, eu égard à mes égarements. Comme Félicie, merci Varanasi, aussi.

 

J'arrivais à Varanasi avec une pression énorme sur les épaules. Les cinq semaines précédentes avec le cas albigeois n'ont, même si j'ai eu largement le temps de m'y mettre, préférant souvent m'adonner aux joies de la partie de cartes ou de dés, pas beaucoup fait avancer le schmilblik rédactionnellement parlant. Me retrouver tout seul aurait donc dû ouvrir en grand les portes de l'inspiration, qui plus est dans une ville comme Varanasi faite à la fois de cette folie furieuse qui caractérise l'Inde et d'une spiritualité fumante comme en témoignent les corps brulant sur les berges du Gange.

 

Pour parvenir à mes fins, je posais mon sac qui pèse maintenant 18 kilos dans une chambre cossue, un bureau auquel était attribué un large fauteuil parfait pour y poser mes fesses délicates pendant de longues heures tronant dans un coin. Ca c'est pour le côté clair. Pour le côté obscur, toujours pour planter le décor, il y avait aussi un lit de taille pharaonique avec, exactement dans l'axe de mon corps alongé, un téléviseur, le premier depuis tellement belle lurette qu'à sa simple vue, je savais qu'un piège se tendait sur ma motivation fragile à laquelle s'ajoutait une fatigue certaine.

C'est que pour arriver jusque là, j'ai multiplié les heures de vol, le tout sans avion.

 

J'ai quitté Momo le vendredi 15 octobre au soir à Manali. Je suis dans un bus qui roule toute la nuit pour atteindre New Delhi au petit matin suivant. Je n'ai pas encore de billet de train pour Varanasi, première chose à faire en arrivant. A la gare principale où le bordel est non négligeable, je fais donc le parcours du combattant jusqu'à être enfin possesseur du précieux sésame m'autorisant à monter dans un train couchette qui ne part malheureusement pas avant la tombée de la nuit. Je suis donc déjà bien atteint physiquement avec toute la journée devant moi sans possibilité de me mettre la tête sur l'oreiller, sur les genoux ou quelque endroit où je pourrais m'adonner aux joies d'une bonne sieste. Au lieu de ça, j'essaye de combler le temps en partant à la recherche d'un cable sensé remplacer un autre cable défectueux rendant toute manipulation sur l'Archos pas impossible mais nerveusement éreintante quand il faut que je passe dans les trentes minutes pour connecter celui-ci à l'ordinateur jusqu'à ce qu'un faux contact me fasse reprendre la manoeuvre depuis le début.

Je pars donc en quête.

Dans les magasins du coin, je tente ma chance mais c'est peine perdue, ma demande est bien trop spécifique et les techniciens que j'ai en face biens trop interloqués pour que j'en vienne à bout aussi facilement. Quand je leur demande où je pourrais trouver cablure à mon pied, ils me répondent toutefois tous la même chose et m'indiquent une gallerie marchande apparemment spécialisée dans l'électronique à l'autre bout de la ville. C'est donc ça et il y a une possibilité que je sois au bout du compte content ou je passe ma journée à piquer du nez dans un boui-boui. Je choisis la première option.

Une heure de tuktuk passée dans l'air pur des rues sur-encombrées de New Delhi plus tard, je fais face à la gallerie. Seulement, il y a comme un problème dans l'avancée théorique des évènements, il est 11h30 et comble de malchance les portes sont fermées à triple tour. Pas un des gars que j'ai eus précédemment en face de moi n'a été fichu de me faire remarquer qu'il travaille alors qu'aujourd'hui c'est férié et que 99% des boutiques qui ne sont pas dans le voisinage direct de la gare sont fermées pour le week-end.

Il fait chaud et sec et pourtant, je jurerais avoir un nuage noir et pluvieux qui se ballade stratégiquement au dessus de ma tête. Je remonte dans un nouveau tricycle à moteur et fais machine arrière en gromelant qu'il ne me reste plus qu'à comater mollement où on voudra bien que je comate mollement, pas trop loin de la gare, car pour aujourd'hui c'est mort, je ne décide plus rien d'autre de crainte de me taper la tête contre les portes à force de les voir barricadées devant mon visage blème.

Je trouve finalement refuge dans un café, puis dans un cyber, puis dans un café, puis dans un cyber, seule gymnastique efficace contre la fermeture définitive des paupières et le ratage total de cette journée de malheur si j'en viens à rater mon train.

 

Cette phase de haute lutte prend fin quand enfin 17h30 ne sonne pas au clocher de l'église, étant donné qu'ici, il n'y a pas d'église. Le rodéo continue, j'arrive à la gare. Une heure de plus à attendre, étant donnée la journée de misère qui vient de s'écouler, ça ne devrait pas être l'eau du robinet à boire. Erreur, encore...

Le problème maintenant, ce n'est pas tant de savoir au départ de quel quai mon train va partir, c'est, une fois que j'arpente la passerelle qui surplombe les voies, de distinguer quelque chose. La voie 9, puisque c'est de celle-là qu'il s'agit, est un enfer à elle toute seule. En comparaison, une fourmilière est un désert. Chaque mètre carré, chaque centimètre carré est occupé par les corps et les bagages qui n'en finissent plus de s'entasser à mesure que le flot ininterrompu de voyageurs se déverse depuis ma pauvre passerelle, apéritif avant le plat principal bientôt synonyme d'indigestion. Je repense à la gare Saint Lazare, je repense aux bouchons du 14 juillet, je rigole nerveusement pour ne pas basculer dans une folie furieuse. Et comme porté par la marée humaine, j'y suis aussi avec mon gros sac, mon petit sac, et ce qui pourrait ressembler à une gueule de bois bien massif comme du chêne pas du balsa.

Plus que 50 minutes à attendre, la couchette est au bout d'un tunnel où j'ai des milliers de voisins qui se bousculent, se marchent sur les pieds quand ils ne pissent pas devant mon nez à même les voies pour donner à l'atmosphère déjà chargé des accents parfumés.

Les minutes passent. Plus elles passent et plus on est serré, la faute aux centaines de gens qui viennent encore s'agglutiner là où il n'y a pas la place de s'agglutiner. Mais c'est l'Inde et comme se plaisent à dire les indiens : "Ici, rien est impossible!"

Tu m'étonnes John...

Et que le train soit à l'heure? Ben voyons! A 18h30, à l'heure précise où il devrait mettre les voiles, ce con arrive en gare! A croire qu'ici, quand tu as un horaire, c'est l'heure d'arrivée, pas de départ!! Quand la locomotive s'arrête, le chaos statique laisse logiquement car on le voit venir à des kilomètres la place à un chaos mouvant. Quelqu'un a marché sur la fourmilière, c'est le branlebas de combas. Il faut alors jouer des coudes, des épaules, du sac, de tout ce qui peut permettre d'ouvrir des brêches, pour l'apercevoir enfin, le Graal, le bon wagon avec la Sainte Couchette à l'intérieur.

Je vérifie à l'entrée la liste des passagers qui est placardée, on y est!! Allez, on grimpe!!

 

A l'intérieur, je ne suis pas le premier loin sans faut. Entre les enfants qui jouent, les vendeurs à la sauvette qui s'activent déjà, les gens au téléphone, les bagages qui bouchent la vue jusqu'à la bouche, c'est un nouveau travail d'Hercule que de faire les derniers mètres.

Les numéros défilent bon gré mal gré jusqu'à mon numéro. Je devrait être content enfin... Mais non! Le nuage géostationnaire est aussi monté dans le train!!! Et ce, sans billet!!!!!! Police, arrêtez-le!!!!!!

Les lits s'étagent sur trois niveaux. Ceux du niveau supérieur sont installés, rien à redire. Ceux du niveau inférieur aussi, ça tombe sous le sens. Mais ce qui tombe moins sous le sens, c'est que ceux du niveau intermédiaire sont tous relevés permettant à tous de s'assoir confortablement sur ceux du bas. Et à quel niveau croyez-vous que ma couchette m'attende en travers? Bisque bisque rage, of course! Qui c'est le dindon de la farce, le cocu du train, le roi de la coïncidence, le champion de la loose? Et qu'est ce que j'en ai à faire moi, de m'assoir sur la banquette du bas????

 

Avec le peu de patience qu'il me reste, je m'assois donc. D'abord droit, puis plus oblique, je penche. En quelques minutes, je bave presque sur l'épaule de mon voisin qui n'en demandait pas tant et ne trouve rien d'autre à faire que de me sortir de ma torpeur avec vigueur. C'en est trop! Les bancs publics, ça va bien cinq minutes mais maintenant il faut que ça change! Désolé messieurs dames, vous parlerez soit recroquevillés avec moi qui dort au dessus, soit en arrivant à destination!! Allez hop, la banquette ça suffit, place à la couchette!!

Devant la soudaineté des signaux de détresse ainsi que leur intensité, mes charmants bavards de voisins n'ont pas d'autre choix que de céder. Les cales sautent, le lit bascule, je m'écroule.

 

Ce n'est qu'au petit matin que je sors de ma déchéance lorsque dans le compartiment d'à côté, quelqu'un met le haut-parleur sur son téléphone portable et enchaine tous les airs du top50 local sans que personne n'y trouve à redire. Pour ma part, j'aurais bien ronflé une douzaine d'heures de plus, qu'à cela ne tienne, aujourd'hui ne se fera pas au son de la Chevauchée des Walkyries comme ça se produit le plus souvent quand je fais un trajet de nuit...

 

C'est dans un état second que, vers midi, je descends du train dans l'urgence, prévenu que c'est ma station par mes voisins de chambre sans murs ni porte à la dernière seconde. C'est que la gare où je descends n'est, surprise, pas celle de Varanasi. Au lieu de ça, je suis là sur le quai à me demander où je suis et ce que je fais là à regarder le train repartir sans moi. En fait, j'apprends vite que je suis à une trentaine de kilomètres de mon but non visité par le convoi ferré.

J'en viens donc à prendre un nouveau tuktuk pour enfin reprendre au commencement, je suis à Varanasi, les paupières plus lourdes que mes sacs, dans ma chambre au lit plus qu'accueuillant, le premier digne de ce nom depuis les contreforts de l'Himalaya.

Le bureau et la rédaction peuvent bien attendre un peu, dans un râle de plaisir, je ne fais plus qu'un avec mon matelas king size dont je ne sors qu'à la nuit tombée, réveillé plein de stupeur par une ambiance sonore à l'irakienne. A l'extérieur, c'est un concert d'explosions qui se joue. Pas dix secondes ne se passent sans qu'une détonnation assourdissante ne vienne répondre à celle qui la précède. Pendant de longues minutes, j'en viens à penser que dehors c'est la guerre civile.

En un temps record, je saute dans mon pantalon et descends à la réception de l'hotel. Là, tous les employés, les uns après les autres, s'écrient : "Happy Diwali!! Happy Diwali!!!!".

C'est donc une double bonne nouvelle : premièrement, nous ne sommes pas en guerre, et deuxièmement, c'est la fête de l'année ou presque à Varanasi comme dans le reste de l'Inde. Diwali est en effet une fête, le festival des lumières, qui pour le païen que je suis se manifeste sous deux formes. Tout d'abord sur les rives du Gange, des centaines de gens font des offrandes sous la forme de petites bougies flottantes qui dérivent ensuite au gré du fleuve. C'est beau et ça ne fait de mal à personne bien au contraire. Ensuite, Diwali, c'est aussi l'occasion pour tout un chacun de faire exploser des pétards, de lancer des fusées dans le ciel et ce, du coucher au lever du soleil en sachant qu'en bons amateurs, plus gros est le pétard, plus grande est l'excitation qui résulte de son explosion.

Il y en a donc dans tous les sens. Partout ça court, ça crie, ça détonne. Partout on entend des "Happy Diwali!". Ce n'est plus une fête, c'est un exutoire avec au milieu de tout ça, les vaches errantes qui courent partout espérant trouver une cachette illusoire, et elles en auraient besoin car une fois la mèche allumée c'est chacun pour soi!! Et ça prend d'autant plus son sens quand pour faire encore plus de bruit, les enfants mettent les explosifs sans des canettes ou des bouteilles qui parfois explosent aussi sous la pression!

Partout à travers la ville. Dans chaque rue. Dans chaque recoin. Jusqu'au bout de la nuit.

Pour ma part, j'achète aussi quelques pétards histoire de faire le mariole, chose que je ne fais pas trop mal. Jusqu'à 3h du matin, heure à laquelle ça commence enfin à se calmer, je ne sais plus où donner de la tête, essayant sans cesse d'anticiper les "BOUMS" en me bouchant les oreilles pour ne pas finir sourd comme un pot, et il y a du travail! Au retour à la chambre, j'ai la tête encore tellement pleine de vacarme qu'il m'est impossible de même m'imaginer dormir. Un coup de télé cablée plus tard, l'aube est imminente quand j'éteins enfin la lumière et tire le rideau sur cette journée longue de soixante heures.

Comme à mes pires heures, la nuit a échangé son costume avec le jour.

Il est 16h quand j'active la fonction mirettes. A 18h, je sors du petit déjeuner-déjeuner-dîner. A 19h, je suis dans ma chambre, le nez entre deux eaux, ce soir Diwali n'est plus et la ville a retrouvé son calme malgré quelques relicas de la veille qui me rappellent à leurs bons souvenirs.

 

Pendant six jours suivants, le rythme est à peux de choses près le même. Chaque fois que je me colle les doigts sur le clavier, je butte de longues minutes sur les phrases décrivant mes actions de quatre mois auparavant. La motivation plonge. De longues heures s'enchainent entre les chaines sportives et les chaines cinémas où entre autre j'échoue devant Rambo IV ou m'extasie devant Juno.

 

Puis, enfin, après trois ou quatre jours de ce manège infernal où plus rien n'a trop d'importance, je retrouve enfin le cours normal des choses, non pas en me couchant tôt malheureux, mais en faisant un saut au cybercafé le plus proche dont la connection est au moins aussi rapide que moi, et coup sur coup en m'assurant de nouveau tout risque ou presque depuis l'expiration passée de trois semaines de mon précédent contrat, et en achetant enfin un billet Varanasi-Delhi-Singapoure-Djakarta qui me promet encore de longues heures festives entre deux vols passés à chercher le sommeil jusqu'à enfin poser le pied guilleret en terre australe...

Pour la première fois du voyage, l'hémisphère sud me tend les bras. Il me tardait d'avoir enfin les pieds au plafond.

Ne reste plus qu'à quitter Varanasi la tête haute.

Nous sommes le 22 octobre au soir et le départ est agencé au 24 à 14h40.

Pour bien faire, il faudrait juste que je fasses un petit tour en barque le long du Gange ce qui, parait-il, est à faire idéalement au lever du soleil, une gageure compte tenu du fait que c'est l'heure à laquelle je vais m'endors épuisé depuis plusieurs jours. Qu'à cela ne tienne, qui vivra voguera.

 

Le 23 au matin, comme chante l'Antéchrist, c'est la même chanson. Impossible de me défaire de ma routine. Je ferme les yeux à contre coeur à l'heure où je devrait mettre ma très petite laine et courir vers le fleuve marron, sa couleur adoptive.

 

Ne reste plus qu'une chance. Le dernier jour ou rien, ce serait dommage.

 

J'échaffaude alors dans mon esprit biscornu un plan d'urgence. Ma dernière nuit en Inde sera de couleur blanche.

A 5h00, je réveille mes sens sous une douche froide et, dans la foulée, mes affaires déjà prêtes, je mets le cap vers les Ghats. La lumière naissante est de toute beauté, il n'aurait pas fallu qu'il pleuve pour la première fois depuis que je suis dans le pays à mon grand étonnement. Très vite, je suis la proie de tous les capitaines des bateaux environnants, je n'en demandais pas tant. A l'arrivée, beaucoup d'appelés, un seul élu. Dans le silence de ses mouvements de pagaies, nous descendons le cours du Gange avec la ville qui défile et se réveille à côté. Au fur et à mesure, les berges se gonflent de pèlerins venus prendre un bain purificateur dans ces eaux sacrés. A mes yeux de non-initié, c'est carrément contradictoire tant les eaux du Gange sont répugnantes de saleté. D'après le LP qui site une étude récente, dans un échantillon de 10cl d'eau, on retrouve les traces d'1.500.000 de bactéries d'origine fécale!!!!!!! Ce chiffre fait déjà froid dans le dos à prendre au débotté mais c'est encore pire quand on sait qu'une eau propre à la baignade doit rester sous le seuil des 500 bactéries!!!! Il y a des amateurs de zoos microscopiques dans la salle?

Non, c'est bizarre, ici ça court les rues. Entre les simples baigneurs, ceux qui viennent faire leur vaisselle ou leur lessive, ceux qui viennent s'y laver, on atteint un chiffre coquet à chaque minute de la journée, 24h/24h.

Sur ma barque, j'achète à un gamin une bougie flottante pour "améliorer mon Karma", et bien je peux vous dire qu'à l'heure de la mettre à l'eau, je prends bien garde à ne pas tremper ne serait-ce qu'un ongle pour ne pas avoir à risquer de le voir fondre instantanément au contact de la surface.

 

Après une heure de cette douce descente coincé entre la ville majestueuse d'un côté et le soleil, rond parfait, qui se lève de l'autre, je suis accosté par un type en bateau qui me propose de le suivre sur Manikarnika Ghat, là où ont principalement lieu les crémations. Le bonhomme a l'air tout ce qu'il y a de plus courtois et je me dis qu'en ce dernier matin dans le pays, quoi de mieux que d'avoir un guide pour arpenter cet endroit éminemment sacré. Je paye alors le chauffeur, descend de bateau et le tour commence en sachant que le chemin du retour à l'hotel se fera joyeusement à pieds.

Sur la rive, cinq brasiers brulent les corps répendant alentours un parfum de mort. De bon matin, ça ouvre les shakras et c'est pas peu dire!! Avec mon nouveau pote, on contourne une large tour, passe devant un endroit à ciel ouvert, grand comme un hangar, où sont entreposés des tonnes et des tonnes de bois. Puis, il m'ammène en haut d'un batiment surplombant les crémations. Là vit un pote à lui, c'est lui qu'on vient voir. Je découvre alors que la compagnie du premier n'est là que pour que je fasses un don au second qui d'après leurs dires, se charge, noble mission, de répartir les fonds entre diverses missions d'intéret général. Au départ, j'hésite. Puis, comme de toute façon, c'est la fin de mon chemin en terre indienne, je décide de verser quasiment tout ce qu'il me reste, prenant bien soin de garder quelques roupies d'une part pour mon petit déjeuner et d'autre part pour le tuktuk qui me prendra  de l'hotel à l'aéroport le moment venu.

Les messieurs sont alors très contents de moi même s'ils ne comprennent pas tout de suite que je ne peux en aucune manière faire une donation en centaines de dollars! Je pars alors malgré tout avec leur bénédiction toujours accompagné du gusse qui m'a interpelé sur le bateau et qui me conduit maintenant sur le toit du batiment, point de vue parfait sur le Ghat. Je le remercie, il me laisse et part en quête d'un gogo à dollars.

Je suis donc tout seul avec ma vue privilégiée. Là, dans un coin de ma tête, résonnent les paroles de Momo quelques jours plus tôt qui me disait alors : "Fais attention, quand tu arrives aux crémations, surtout ne prend pas de photos!".

Mais présentement, je suis tout seul. Pouvant laisser libre cours à mon inconscience. Pas de garde-fou, personne pour me mettre de carton jaune ou rouge. Discrètement, ou du moins j'essaye, je prends deux clichés plus furtifs tu meurs.

Quelques secondes plus tard, alors que je ne fais plus rien de répréhensible, je suis rejoint sur ma tour d'ivoire par un nouveau type au regard mauvais.

- "Tu as pris des photos des crémations? Pourquoi tu as pris ces photos? Suis moi!!"

Pris la main dans le sac. Il a tout vu depuis la rive, je me suis fait gaulé. Plus penaud que moi à ce moment là, ce n'est pas possible ou à peine. Le bonhomme me ramène alors voir le type à qui j'avais, quelques minutes plus tôt, fait mon don. Je suis invité prestement à m'assoir par terre et, dans la foulée, prends une leçon de savoir vivre. Ils me disent qu'ils pourraient me dénoncer à la police pour ça et que ça m'en couterait encore des centaines de dollars. Des touristes ont même déjà été jetés en prison pour ne pas pouvoir payer l'amende! Je tremble de tous les muscles de mon corps et, la fatigue aidant, suis à trois doigts de m'écrouler en sanglots. Je sais que j'ai fait une erreur mais je n'en imaginais pas l'ampleur. Tout en moi n'est qu'excuses.

Le type au regard mauvais me questionne alors :

- Dans quel hotel tu résides? Est-ce que dans ta chambre tu as des dollars?

Je leur explique alors ma situation que je leur ai déjà donné tout ce que je possède hormis l'argent du tuktuk et du petit dèj', que je voyage depuis longtemps sans cash de secours, que je suis désolé mais alors à un point...

Le même type demande alors à regarder mes photos. Je les lui montre, il y en a deux. Il réfléchit en les regardant d'un oeil et pour finir me dit que tout ira bien si je leur lache l'argent du petit déjeuner étant donné que je suis sans ressources et que je quitte le pays. Je m'execute alors et repars finalement les mains libres sans qu'ils aient pris la peine d'effacer les photos comme ils auraient pu le faire.

De retour sur le Ghat, je suis content d'avoir évité les balles mais encore plus désolé de tout ce qui vient de se passer et de l'offense que j'ai pu faire à qui que ce soit. Je retourne à l'hotel mi-figue mi-raisin mais sans manger.

Il est 10h et j'ai 1h30 devant moi avant de devoir lever le camp. J'en profite pour m'assoupir, seule façon de trouver une espèce de paix intérieure.

 

A 11H30, tout s'enchaine. A peine mes yeux sont-ils ouverts que je traverse une dernière fois la ville la tête encaissant les coups de klaxon qui s'enchainent en permanence. En échangeant trois mots avec le conducteur, il me raconte qu'il y a quelques années, il est venu passer des vacances à Paris, a visité le Louvre où il a courru admirer la Joconde. Il me dit ensuite et je le cite : "Je sais qu'on a pas le droit de la prendre en photo mais après avoir fait tout ce chemin, je n'ai pas pu résister...". Il est là mon témoin clé!! si j'avais pu l'amener sur le Ghat et lui faire raconter son histoire à mes tortionnaires, peut-être aurait-ils compris.

 

Une heure plus tard, c'est l'aéroport. Je quitte Varanasi dans la même forme que celle dans laquelle je suis arrivé.

Le nuage, lui, est toujours là, l'avion a une heure de retard, heure que j'occupe principalement à ne pas sombrer dans les abysses et à me dire en mentant qu'en fin de compte je n'ai pas faim.

 

Dans l'avion, il faut choisir entre l'aile ou la cuisse, le déjeuner ou la sieste. A contre coeur, je choisis la première solution en me disant, même si je n'en suis pas sur, qu'on meurt plus vite de faim que de privation de sommeil. Qui plus est, je ne sais pour quelle raison et je ne m'en plains pas, on m'a collé en première classe pour la toute première fois en 33 ans et quelques, il convient donc de rentabiliser l'évènement.

 

Arrivé à Delhi, j'en suis pour huit nouvelles heures d'attente (sic). Les sièges sont inconfortables à se froisser le coccyx. Je me plonge dans le LP d'Asie du sud-Est que je me coltine depuis les Philippines pour savoir enfin ce que je vais bien pouvoir faire en arrivant à Djakarta et dans les trois semaines qui vont suivre. Je tombe finalement d'accord avec moi-même sur le fait que djakarta ne me verra pas autrement qu'en coup de vent, ce qui sous-entend que, pour une vraie nuit, il faudra encore attendre et qu'un nouveau bus transjournalier se profile (re-re-re-re-re-sic). 

 

 A minuit, je redécolle vers Singapour, cette fois-ci en classe économique comme il se doit. Les minutes, les heures ont alors moins la saveur du cuir. Je m'endors le cul sur du tissus. A 8h30, c'est une nouvelle pause syndicale obligatoire à laquelle je suis soumis.

Tout mon corps est en souffrance, j'ai une faim de lion et une fatigue de paresseux.

Seulement, mon petit doigt me dit que je peux faire d'une pierre deux coups en satisfaisant mon estomac de manière spectaculaire. J'ai passé six semaines en Inde. Six semaines à manger soit végétarien, soit du poulet, soit plus rarement du mouton. En gros, mon corps est las de tout ça. Il réclame de la bidoche, tendre et charnue.

En bon connaisseur, ceux qui savent ne pourront m'en tenir rigueur et ceux qui ne savent pas ne savent pas, mon petit doigt me dit qu'à Singapour, ça n'est pas possible autrement, il doit, c'est écrit, y avoir un Burger King caché dans un coin de l'aéroport.

Je me mets donc en quête telle la lionne traquant la gazelle après plusieurs lunes de privation culinaire du meilleur des hamburgers.

Et après quinze minutes de recherche où je crois devenir fou, un panneau flèché met enfin fin à mon impatience. Un escalator plus loin, je commande l'extraordinaire double whopper with cheese & bacon qui, dans ces circonstances, est un avant gout de paradis. C'est un carnage. Si j'aperçois une main qui tente de me l'arracher, j'y mets un coup de canines, d'incisives, de pré-molaires et de molaires. Tel Golum, je tiens enfin mon précieux. La fatigue s'est, pour un temps, évaporée. Je dévore le tout flottant deux mètres au dessus du sol à l'heure où on sert plutôt des pancakes au sirop d'érable. Espérons seulement que la prochaine fois, je n'ai pas besoin de me serrer la ceinture aussi longtemps.

 

A l'issue de ce 10 sur l'échelle d'Hambrichter, je n'ai d'autre choix que de redescendre de mon nuage. Les quatre heures d'attente qui s'en suivent sont une lente retombée vers des sphères plus vaseuses malgré la pléthore de distractions dont sont gratifiés les voyageurs à l'aéroport de Singapour : sièges massants, écrans géants diffusants des programmes comiques, consoles de jeu, internet gratuit, barres de Toblerone d'un demi kilo, etc...

 

Peu avant 13h, mon dernier avion décolle enfin. 45 minutes de vol qui passent à la vitesse d'une fléchette anésthésiante sauf quand l'hotesse me sort de ma petite mort pour me proposer à manger. Je suis alors tenté soit de lui rire au nez avec ce qui me reste de bacon dans l'haleine soit de vraiment faire le mort jusqu'à ce qu'elle se lasse de me tapoter l'épaule de ses doigts indiscrets. Au lieu de ça, en bon gentleman, je répond poliment en espérant qu'elle saisisse tout du premier coup que là je ne suis pas vraiment étanche et que cette fois, entre la faim et le sommeil, le sommeil l'emporte par KO au premier round.

 

Vient enfin l'arrivée à Djakarta. Si j'étais plus gaillard, je m'agenouerais et embrasserais le sol de manière papale. Mais il faut surtout que j'économise mes maigres forces pour complèter cet interminable périple. Dès la sortie du terminal, je me jète sur le premier taxi.

- "Vite chauffeur, vers la gare routière Kampung Rambutan!! Pas une seconde à perdre, comme le soleil, j'ai rendez-vous avec la lune!!"

La voiture roule alors à tombeaux ouverts pendant au moins trois minutes jusqu'à ce qu'on se retrouve invariablement pris dans des bouchons semblant ne jamais finir. Au départ, pour briser la monotonie du paysage qui ne défile pas, je tente de converser de façon courtoise avec mon chauffeur mais, étant donné son niveau d'anglais et mon niveau d'indonésien, on se retrouve vite, façon de parler, comme Ayrton Senna, face à un mur. Ma seule préoccupation est alors de ne pas sombrer pour éviter de me réveiller détroussé au milieu d'un quartier indéterminé de la banlieue de Djakarta. C'est comme ça pendant 90 nouvelles minutes interminables à l'issue desquelles je m'extrais de la voiture, la gare routière est là. Plus qu'un trajet et mon rêve de plume et de duvet d'oie se matérialise.

 

Au terminal, le seul mot que j'arrive à prononcer correctement dans la langue de Soeharto est Pangandaran, ma ville hôte au niveau de la mer. Par ces quelques syllabes, je fais alors face à l'emplacement duquel le bus partira une fois qu'il sera là. Mais étant donnée la précipitation avec laquelle j'en suis arrivé là ainsi que ma non-préparation en terme d'organisation, il se pourrait que le bus soit là dans cinq minutes, dans cinq heures ou dans cinq jours. La seule chose à faire, une fois de plus, c'est de batir les contours de l'école de patience que je suis maintenant en droit de gérer eu égard à ma connaissance du terrain.

A 15h rien. A 16h rebelote. A 17h peau d'balle. Je prends racine, des toiles d'araignées commençant à se former entre mon tronc et mes bras qui ne servent plus qu'à porter ma lourde tête ou à cacher mes chicots quand je me démets la machoire dans des baillements incontrolés qui me poussent des larmes.

Enfin, à 17h55 précises, alors que j'ai eu le temps de voir le soleil passé du zénith à l'horizon, le bus est là, sitôt arrivé qu'il est déjà prêt à repartir. Mes rêves sont exaucés, ainsi soit-il.

 

La route se passe aveuglement vite. Je ne suis qu'un bout de bidoche affalé sur deux sièges, le bus étant miraculeusement à moitié vide. La seule raison pour laquelle j'ouvre à un moment les yeux, c'est que la nuit d'encre a laissé la place à une nuit d'eau. Les éclairs zèbrent le ciel et les gouttes s'écrasent sur la vitre par millions tels des escadrons kamikazes. Il ne manquait plus que ça... La mousson que je n'ai pas vue en Inde a fini par me rattraper, la garce.

C'est de tout son poids qu'elle s'abat lorsque j'arrive à Pangandaran au beau milieu de la nuit. Il est 2h du matin sonnantes et trébuchantes, le village tout entier dort sauf quelques chauffeurs de tuktuk sans moteur à même, miraculeusement, de m'amener à une GH à l'abri du déluge. Ca tombe drolement bien même si je n'en demandais pas tant, les casseroles que je traine depuis une semaine m'en étant témoins.

 

Fraichement laissé dans une allée menant à la plage dans laquelle les GH s'enfilent comme des perles, je réveille les occupants de la première d'entre elles. Les tenanciers, tous surpris de me trouver là à l'heure où on compte les moutons plutôt que la chèvre que je suis, m'ouvre la porte et me propose leur dernière chambre qui est en fait tout le rez-de-chaussée d'une grande maison d'hotes. On y dénombre deux chambres doubles, une grande salle de bain, un salon grand comme trois fois mon ex-appartement parisien, deux terrasses abritées de la pluie. Personnellement, je suis tellement en joie d'avoir mis un terme à mon odyssée voguante puis volante pui roulante que je ne laisse pas passer cette pépite un peu trop grande quant à mon ambition de départ. Le prix inférieur à 10 euros n'y est pas étranger, tout comme la pluie qui continue son récital. Une poignée de main scelle la transaction, une cigarette conclut la croisade.

Puis, alors qu'il me reste quelques forces sans doute récupérées à ronfler dans le bus, contre toute attente, je sors de mon sac mon coupe-vent imperméable et pars me promener quelques temps en direction de la mer que je n'ai pas vue depuis quatre mois. Ca peut sembler court quand on a un travail à plein temps mais quand on est en vadrouille constante, c'est le bout du monde.

Plus je me rapproche et plus le bruit de la pluie qui tombe s'estompe, remplacé par un nouveau fracas. L'Océan Indien, ici, se déchaine. La houle gronde et l'écume blanchit le rivage tourmenté par les vagues. Entre ça et la pluie, c'est la nature toute entière qui fait une démonstration de force propre à me mettre en joie malgré mes jambes trempées sans avoir à les immerger. J'ai alors bien mérité de mettre la viande dans le torchon et c'est dans des bruits d'éponges qu'on essore qu'à chaque pas, je m'en rapproche maintenant.

 

Il est presque 4h quand je tire le rideau sur la longue transumance depuis Varanasi.

Quand bien même je n'ai rien qui soit en duvet d'oie à mettre sur mon corps rincé, je plonge dans les abysses sans demander mon reste.

 

C'est seulement en milieu d'après-midi que j'émerge. Mes hotes, inquiets de ne voir aucun signe de vie sortir de mes appartements, frappent à la fenêtre histoire de prendre des nouvelles. Dans un grand sourire, je leur confirme que tout est normal, sous une apparence humaine, je suis le roi des marmottes en proie à une hibernation à durée indéterminée. Je referme la fenêtre et reprend le fil de mes rêves là où je les avais laissés.

 

Ce n'est qu'à 18h que le printemps arrive, se manifestant sous la forme d'une formidable fringale que j'assouvis en plantant la fourchette dans un nouveau beef steack produisant un effet similaire à celui engendré par le whopper de la veille au matin.

La nuit est alors tombé, le village plonge dans un silence propre à toute station balnéaire en période de basse saison. Pas grand chose à faire, je retourne à mes chambres, l'éveil toujours entre deux eaux.

Là non plus, pas grand chose à faire, je succombe une nouvelle fois à l'appel de l'édredon, espérant que ça dure jusqu'au matin afin qu'enfin, je puisses reprendre un rythme aussi normal que possible. Mais à minuit, l'orage gronde de nouveau et pas dans la demi mesure. La foudre s'abat avec force à un rythme soutenu entrainant avec elle le tonnerre dont l'écho fait trembler les murs. La pluie suit peut après.

Le vacarme est alors assourdisant et le spectacle grandiose. Je laisse pour un temps ma couche confortable et m'installe aux premières loges sur ma terrasse dotée de sièges profonds. Je prends aussi avec moi un peu de musique jusqu'à ce que naturellement, la pluie couvrant le moindre son, je commence à entonner les paroles des chansons qui se succèdent. D'abord doucement puis, comme il faut rendre grace aux éléments déchainés, fort, bien plus fort. Un vrai moment de régalade comme seule la musique peut en générer. Je braille à tue-tête répondant au grondement ambiant.

 

A 2h, le tableau est toujours le même quand je suis distrait par une indonésienne venue de derrière me demander où se trouve la réception. Je la lui indique et reprends mon cérémonial. Cinq minutes se passent quand la demoiselle revient à la charge. Elle m'explique rapidement qu'elle partage sa chambre avec deux amis qui sont tellement occupés à faire des bébés qu'il est impossible pour elle, en plus de la pluie, de trouver le sommeil. Je l'invite alors à s'assoir à côté de moi et voyant qu'elle est vraiment au bout du rouleau comme je pouvais l'être quelques heures plus tôt, lui propose de dormir dans la chambre vacante de mon hébergement disproportionné pour ma petite personne. Voyant, d'après ses dires, que je suis very very nice, elle accepte. Je l'y accompagne, la borde en lui apportant un verre d'eau et ferme la porte avant de m'en retourner à mon tour de chant.

Trente minutes se passent avant qu'elle ne revienne à la charge. La pauvre ne peut pas dormir. Une nouvelle invitation à s'assoir est donc lancée et acceptée. Débute alors une gentille conversation devant le spectacle de la pluie qui tombe drue.

Pelle mèle, elle me raconte qu'elle a passé une soirée arrosée avec ses amis qu'elle a présentés ce soir et qui s'entendent déjà étonnemment bien. Elle a 35 ans et est mariée depuis huit ans à un australien dont elle n'a pas de nouvelles depuis trois ans. Apparemment sa vie est assez compliquée, ce qui n'est pas forcément contradictoire avec le fait d'être une grande brune à la peau mate, aux cheveux longs et bouclés, au sourire coquin et ravageur.

La discussion dure de longues minutes avant qu'elle ne décide qu'il est l'heure de retourner s'allonger dans la chambre vide. Ainsi elle est fatiguée, mais n'a pas envie de dormir seule dans cet environnement inconnu. Elle prend alors l'initiative de me proposer de dormir avec elle. Moi, surpris, je lui demande si j'ai bien entendu. Oui, j'ai bien entendu. Elle s'allonge alors en T-shirt et culotte. J'éteins la lumière.

Pas une minute ne se passe, qu'elle a froid et me demande de me rapprocher. De deux corps sur deux lits jumeaux, nous passons alors à deux corps sur un seul petit lit.

Dans un grondement de tonnerre, le T-shirt et la culotte sont jetés négligemment à terre.

Besoin de vous raconter la suite? Peut-être pas non.

Au final, dans ce lit, plus personne n'est maintenant fatigué et chaque fois que la formule "bonne nuit" est utilisée, c'est seulement pour qu'on se recolle et que les affaires reprennent jusqu'au petit matin. La pluie s'est alors calmée, la demoiselle qui n'en est pas une choisit de rentrer chez elle retrouver un lit dans lequel elle a déjà dormi, pas comme ici.

 

 Il est alors 6h du matin. Je suis sur mon petit nuage bien décidé à continuer sur ma lancée sans repasser par la case "bonne nuit". Le jour se lève. La pluie reprend. Pas envie de la braver. Je met donc les pieds sous la table et les mots sur la feuille.

 

Le temps de tout condenser, il est maintenant 6h le lendemain matin.

Nous sommes le 28 octobre et la météo n'est toujours pas clémente. Vu comme ça se profile, je ne vais pas rester à la plage très longtemps. Le temps de trouver un bus pour Yogyarkarta à la périphérie de laquelle se dresse Borobodur, merveille architecturale et je suis reparti pour huit heures. Le temps de lui rendre une petite visite et peut-être s'en sera-t-il déjà finit de mon séjour en Indonésie. De toute façon, trois semaines, c'est trop court, et s'il pleut tout le temps, c'est le pompon!!!

Nouvelle Zélande me voilà déjà peut-être.

Insha'allah.

 

 

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23 octobre 2009 5 23 /10 /octobre /2009 17:21

Oh mon bateauuuu!! Tu es le plus beau des bateaux!!!

Et quand tu navigues sur les floooooots, vers ce qu'il y a de plus beauu,

Tu peux être sur que je ne fais pas dodooo!!

 

 

C'est le premier matin à El Nido. Les yeux s'ouvrent tous curieux de ce à quoi ressemble la vue dans la lumière éclatante de cette journée naissante. Sur notre terrasse à la limite du privatif, tous les visages que je peux croiser me sont désormais familiers, c'est donc sans crainte d'être dans la lunette d'un paparazzo que je peux déambuler en caleçon, les jambes offertes aux alizés. Les nuages sont toujours là mais l'espoir de voir le temps se dégager demeure si on en juge aux quelques trouées de ciel bleu qui parviennent péniblement à se tailler une place au soleil.

On s'en tient donc aux prévisions de la veille. Par l'intermédiaire de l'Alternative, on réserve une bancasse pour notre groupe avec la ferme intention de laisser une emprunte sur ce qu'ici on nomme le Big et le Small Lagoon, des lagons qui à entendre Dondon sont des joyaux où il fait bon ce dorer la couenne en barbotant dans une eau qui ferait passer la Vittel pour de l'huile de vidange.

 

Sur les coups de 9h, tout le monde se tient fin prêt, un maillot de bain sur les fesses. Pour grimper sur la bancasse, il nous suffit de descendre de notre terrasse, de se mouiller les pieds dans la marée haute qui charrie des centaines de minuscules poissons, de marcher quelques mètres de l'eau jusqu'aux genoux et le tour est joué. La fine embarcation fend alors la surface et entame une navigation de plaisir plaisancier entre les îles qui se succèdent. La mer est d'un calme rare, tout comme nous, impatients d'atteindre des eaux moins profondes et plus colorées.

Après une heure à faire les lézards sur le pont, il semblerait qu'on touche au but. Devant la proue, se rapprochant, une longue île au relief accidenté nous barre le passage. D'ordinaire, on en aurait fait le tour mais là, on fonce droit dessus dans la limite autorisée par notre moteur de tondeuse à gazon. Et à mesure qu'on réduit la distance, une faille dans la roche s'ouvre et grandit jusqu'à nous engloutir. Sous la coque, la mer dévoile une palette à faire pleurer Michel-Ange, ça n'est pas Tahiti mais ça y ressemble, les prix prohibitifs et les marchands de journaux vendant le Figaro Madame en moins.

Dans cette espèce de canal sorti d'un livre de coloriage pour fétichistes des couleurs bleus et vertes, nous sommes seuls au monde avec la machoire qui se désolidarise du crane en admirant le Big Lagoon qui se présente, caché du monde réel, entouré d'une muraille infranchissable, comme un rêve éveillé. Au milieu du lagon est installée une petite plateforme permettant à la bancasse de s'amarrer sans avoir à s'ancrer de manière destructrice pour les fonds marins. Qui plus est, c'est le plongeoir idéal pour qu'enfin on puisse ne faire qu'un avec cette démonstration exubérante de Mère Nature, sans doute sous acide au moment de pondre un décor pareil.

En moins de temps qu'il en faut pour... Plouf!!!!

Ce n'était pas un mirage, l'eau est aussi chaude que l'air ambiant, nager là peut causer de sévères dommages si on a pas anticipé un si grand privilège. Gare à l'hydrocution psychologique!! Gare aussi au prolongement du traitement sur toute une journée car ce n'est que le début!

 

Après avoir bien nagé, bien bronzé, bien ri, il convient pour nous de remettre le couvert, direction le déjeuner. Pas facile en apparence quand on a pris l'habitude des gargottes et des restaurants bien agencés, qu'est ce qu'on vient faire sur cette plage déserte? Il est où le serveur?

C'est alors que le capitaine du bateau aidé de son second commence à préparer un feu à l'aide de bois éparpillé sur le sable. Puis le second retourne au bateau et en sort toute une caisse de victuailles. En un rien de temps, un poisson cuit, des légumes et des fruits sont coupés. Le capitaine arrache au foutoir végétal des feuilles larges comme des bassines et en distribue une à chacun.

- Vous avez faim? Voici vos assiettes!

Nous, de notre côté, la parenthèse culinaire du déjeuner nous avait pas mal échappé à l'heure de préparer cette journée et c'est avec un peu de retenue faite de gêne d'avoir mis la tête dans l'eau plutôt que de mettre la main à la pate qu'on accepte la nourriture offerte en se promettant de remettre ça en mettant les formes dans les jours suivants si une opportunité se présente. Après une promesse d'échange de bon procédé comme ça, on peut enfin déculpabilisé et se jeter les mains les premières dans l'auge traditionnelle de la république bananière. Donc, ça mange, ça avale, ça se reconstruit de l'intérieur pour appréhender le feu au ventre ce qui va suivre...

 

La cantine est rangée. On n'écoute pas les conseils de grand-mère en rejouant aux dauphins juste après. On repart. Entre les îles, comme le matin, le capitaine met le cap sur un nouveau bijou, le Small Lagoon. En s'en rapprochant, la magie opère de la même manière, les poils se hérissent à la vue du changement de profondeur et de l'explosion chromatique qui en découle. Là aussi, on manoeuvre le long d'un étroit goulet d'eau entre les falaises sauf qu'à un moment, c'est comme si ce brave capitaine avait bu la gorgée de trop, le goulet est une impasse, le mur se referme sur nous, pas moyen d'avancer un mètre de plus.

- Alors capitaine? On s'est trompé de route au précédent rond point ou quoi? Arrête le goulot, y'a un goulet!!!

Dondon révèle alors le pot aux roses. Accrochez vos ceintures, respirez à fond. Aucun bateau quel qu'il soit ne peut mouillé dans les eaux du Small Lagoon. Le Small Lagoon est caché du monde, enserré entre les machoires d'une muraille asserrée. Pour faire partie du club de gros privilégiers de première détenteurs du secret du lagon perdu, il faut se lancer la tête la première à quelques mètres de profondeur. La seule ouverture possible pour avoir la tête qui bronze de l'autre côté, c'est une fente à trois mètres sous l'eau qui s'enfonce sur toute la largeur du mur, c'est à dire une demi-douzaine de mètres. Il convient donc de prendre une bonne inspiration et de nager jusqu'à respirer l'air du lagon. Ici, la mer est encore plus trancendante qu'au Big Lagoon, où que l'on se trouve à l'intérieur, l'impression que le fond n'est qu'à quelques centimètres domine, mais après vérification, il faut parfois descendre de longues secondes avant qu'enfin, on puisse pousser sur les jambes pour retrouver l'oxygène salvateur.

Quand on nage dans ces eaux, on a l'impression qu'on pourrait rester une vie entière à barboter sans que rien ne viennent jamais à manquer.

Au total, on passe un peu plus d'une heure à la recherche de grottes cachées en n'en croyant pas nos yeux une seule seconde. J'ai trouvé mon paradis et quand il faut finalement retourner au bateau après trois sommations, c'est le coeur lourd que je me sèche de cette eau de jouvence.

Il est des endroits comme ça, où je suis sur de revenir un jour vérifier que ce n'était pas une illusion d'optique, celui-là en est un!! D'accord, ça n'est pas très pratique pour étendre sa serviette le temps d'un week-end, mais à l'arrivée, le jeu en vaut largement la chandelle tant c'est une nécessité de santé publique de vivre des claques comme celle-ci! D'ailleurs, il faut tous qu'on s'en remette pour l'instant. Le capitaine aussi l'a compris.

 

Sur le chemin du retour à El Nido, l'équipage fait une nouvelle halte. Une nouvelle plage déserte comme une photo de brochure touristique nous autorise une dernière feignantise, agrémetée cette fois d'une bière glacée, luxe ultime que de se retrouver nez à nez avec la guérite la plus isolée du coin. La bière n'est en plus pas venue toute seule, elle est accompagnée de son pote hamac, une solide équipe ces deux-là.

 

Puis, comme la vie continue par delà la paresse fortement justifiée par ce paradis qui ne demande que ça, il faut rejoindre El Nido, notre camp de base, guidés que nous sommes par un arc-en-ciel qui se déploye juste derrière le village. Il a dû pleuvoir quelque part, ah bon? Pas au dessus de nous en tout cas et c'est tant mieux car rien n'est donc venu compromettre le coucher de soleil que nous admirons tous depuis la cabane des gardes-côtes fauchés de tout sauf du plus beau balcon sur l'horizon.

 

L'heure est alors venue de se remettre de nos émotions. Un dîner sur la plage saura y remédier les petits pieds dans les grains. Le restaurant est aussi garni que nos assiettes et, à la table juste à côté de la notre, mange aussi le type qui voulait à tout prix partir de Puerto Princessa sans apparemment prendre gard au typhon qui soufflait Palawan comme le grand méchant loup souffle les maisons des trois petits cochons. On se reconnait, le type vient s'assoir à notre table, on discute. Arrive le plat de résistance, celui-ci étant non pas le met me remplissant délicieusement l'estomac mais le récit de voyage de mon nouveau voisin de table avec photos à l'appui.

Il y avant bel et bien des bus partant pour El Nido, il est monté dans le premier lui barrant le chemin. En route, je lui demande ironiquement s'il a pu, lui comme nous, profiter de la vue en grimpant sur le toit. Il me répond dans un sourire que non, et bien lui en a pris. A peu près à mi-chemin, la pluie avait transformé toute la chaussée en une boue épaisse et, alors que le bus s'engageait dans un virage, tous ses passagers ont eu le temps de le voir venir comme au ralenti, il s'est mis à glisser sur toute la largeur de la route jusqu'à en sortir, finissant sans une roue au sol mais couché sur le bas-côté!!

L'a bien fait de le prendre son bus, mon Champion!! Et puis ses photos sont très réussies, très contrastés avec une belle lumière!!

Dans son malheur, il a quand même pu s'en tirer à moindre mal. Personne n'a été blessé. Le chauffeur est parti, dès le coucher du bus, trouver un tracteur serviable pour les tracter hors de ce vilain pas et les remettre sur leurs quatres roues. Mais quand même, pas moins de vingt heures pour boucler Puerto Princessa - El Nido, à mettre au tableau des meilleures performances de l'année!!!

 

L'histoire aura donc eu le mérite de faire rire tout le monde mais pas que. Dondon, avec son esprit un peu vrillé toujours en quête de quelque chose de récréatif, nous donne son sentiment pour le lendemain. C'est maintenant à notre tour de ne faire qu'un avec les routes défoncées. Au matin, on ira louer des deux roues et on tentera autant que possible d'essorer au maximum le nord de Palawan au bruit de nos moteurs rugissant.

Demain, c'est journée moto. Encore une. J'en salive d'avance... D'autant qu'avec un guide comme ça... Tout est possible...

 

 

Sur le marché local, on répartit déjà les denrées. Nous, on répartit les pilotes. Six personnes pour trois motos sur la grille de départ. Josha et Mira ne sont pas vraiment dans leur élément, qu'à cela ne tienne, Dondon et moi sommes volontaires pour les acheminer au bout du monde. Sur la troisième bécane, François et Sarah s'échangeront le guidon.

 

A 10h, on est vaillamment lancé sur la route qui, après quelques kilomètres, ne mérite déjà plus ce nom. Ce n'est pas un rally asphalté, c'est un rally terreux dans le meilleur des cas. Dondon ouvre la route et se marre de nous faire circuler dans les pires conditions possibles. Un raccourci par ci, un raccourci par là, si aucun signe de chemin n'est devant nous, c'est quand même par là qu'on va, à travers les arbres, au milieu des rizières sur des couloirs à la largeur centimétrée. Quand on se retrouve nez-à-nez avec une flaque quelle que soit sa taille, on la traverse en se demandant ce faisant si, au final, elle n'est pas profonde d'un demi-mètre avec des souches d'arbres invisibles au milieu ou si, pour corcer le tout, elle n'est pas la cachette idéal pour un crocodile du Nil à l'affut de la moindre gazelle qui viendrait boire dans ses eaux troubles. Et chaque fois, presque miraculeusement, ça passe, on progresse. On a chaud mais on avance.

 

A l'heure du déjeuner, l'ami Dondon fait bien les choses, le paysage s'ouvre devant nous en une sorte de sublime cocoteraie. Et comme un bonheur n'arrive pas tout seul, il y a la mer juste derrière qui s'étale le long d'une plage aux pieds d'un village branlant mais accueuillant comme jamais avec ses porcs qui déambulent entre les arbres.

Le village semble vivre en complète autonomie, la mer pourvoyant à tous les besoins. Apparemment, ca laisse le temps aux habitants d'abord de faire des bébés et puis aussi de ne rien faire que de jouer dans les vagues. Quand on descend de selle, le comité d'accueuil est composé d'une vingtaine d'enfants curieux quand on ne leur court pas après. Si on leur court après, au contraire, ce sont des cris aigus qui se répandent dans tous le voisinage. Pour ma part, comme il faut bien commencer par quelque chose, je passe de longues minutes à jouer avec ces terreurs. Comme à 1-2-3-soleil, dès que j'ai le dos tourné, ils se rapprochent par grappe. Pas comme à 1-2-3-soleil, dès que je fais volte-face, ils s'enfuient en riant. Je pourrais faire ça toute la journée... Mais comme la mer n'est qu'à quelques pas et qu'il doit faire dans les 35°, vient ensuite le moment de mettre la viande au frais dans une eau à 28-30°.

Là, ce ne sont plus les 3-8 ans qui jouent, ce sont les 12-20 ans pleins de foutre et d'hormones qui s'ébattent dans des vagues propices à la pratique du bodysurf ou qui se jètent dans l'eau les uns grimpant sur les épaules des autres comme à la grande époque où Pepette faisait des saltos arrières grimpée sur les épaules de Papa.

Impossible de rester en place. Tous les locaux nous invitent à partager leur jeu, c'est un grand moment de délire collectif. L'inhibition ne faisant pas partie du vocabulaire local, tout le monde passe des minutes fabuleuses

 

Puis, il est temps, d'une part de sortir de cette zone de cuisson qu'est la côte à ce moment de la journée où le soleil n'est pas ton ami mais un traitre en puissance, et d'autre part de lever le coude et la fourchette s'il y en a une. La petite communauté motorisée s'installe donc à l'ombre d'une des cases du village pendant qu'on lui apporte de quoi se remplir le diffuseur de vitamines en la personne de l'estomac.

On est donc callé sur cette terrasse ombragée. Pendant ce temps, toute la population semble avoir mis entre parenthèses ses activités pour venir rire avec nous et aussi de nous, joyeux drilles, nous scruter sous toutes les coutures, voir comment on s'installe, comment on rit, comment on tente le mieux possible de faire honneur à la pureté

de ces moments qu'ils nous octroient.

Six personnes qui mangent et une cinquantaine qui les regardent manger sans montrer un seul signe de lassitude jusqu'au moment où les assiettes sont vides, les panses sont pleines, les coeurs remplis de sourires. Après avoir débarrassé la table, payé notre dû autrement qu'en bons sentiments, Dondon nous signale qu'il est temps d'en mettre un coup, d'accélérateur bien sur. Le bougre sait de quoi il parle...

 

L'après-midi défile au rythme de la poignée d'accélérateur tantôt callée dans l'angle quand il y a de la place devant nous et tantôt prudente quand on s'enfonce malgré nous à travers une foret dont la densité ferait passer le bois de Vincennes pour une prairie.

Quand c'est comme ça, Dondon mène le bal. Quand c'est plus praticable, on se tire la bourre jusqu'à ce que, à l'image du Coyote et de Beep-Beep, je ne parviennes plus à voir de la moto de Dondon et Mira qu'un nuage de fumée qui disparait au loin. Dondon en bon local qu'il est, est un enragé de l'accélérateur sur toute surface, le suivre reviendrait à justifier à lui tout seul la présence dans mon assurance voyage d'un clause en cas de décès de l'assuré. Comme je le dis chaque fois que ça m'arrange, la sécurité avant tout!!! D'autant qu'en plus, on est pas en retard, la seule chose qui nous attend, c'est une vie saine et bien remplie!!

 

Il est 17h quand on revient dans les parrages d'El Nido. Une fois de plus le ciel se pare de ses plus belles couleurs, on est pas les plus malheureux, loin s'en faut. Dans ma tête résonne les notes d'"Emmenez moi" d'Aznavour.

 

Au retour des motos, rien est à signaler sauf pour François et Sarah qui se sont échoués sur un chemin au moins aussi pire que les autres et qui ont arrachés une pièce de carrosserie made in China de leur monture, seule égratignure, héritage logique de cette journée 4x4 sur deux roues.

 

Au retour à l'hotel, rien est à signaler sauf qu'on part le lendemain. Le temps imparti à El Nido touche à sa fin la mort dans l'âme. A l'heure qu'il est, demain nous serons sur l'île de Coron que je connais déjà comme ma poche ou presque pour y être déjà passé.

Joie de retrouver des terres connues, joie de rester tous ensemble quelques jours de plus, joie de pouvoir vous y emmener ou presque.

 

 

 

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16 octobre 2009 5 16 /10 /octobre /2009 15:39

Dans le fond du désert,

Dans les gouffres des montagnes,

Dans les eaux des rivières,

Dans le froid des campagnes,

Dans le bleu de la mer,

Dans une coupe de champagne,

Je (te) survivrééééé!!

 

Au pays des requins,

Au dessus des baleines,

Quand je mange du boudin,

C'est un p'tit porc qui saigne,

Au delà de la peur,

Avec mon jambon beurre,

Je (te) survivrééééééééé!!!!

 

 

Je m'arrête là même si je suis chaud... C'est que cette dernière petite semaine à Malapascua, ça m'a bien remonté, comme un coucou remonté au Guronzan. Fin prêt que je pars maintenant à Palawan, île qui fleure bon la verdure teinté d'aventure; et comme pas une seconde n'est à perdre, l'avion se révèle sans surprise bien plus pratique et rapide que le bateau. Si il y en a encore que ça surprend, prenez une feuille, un stylo, ensuite vous avez le choix entre passer une ou quarante-huit heures pour tracer une ligne de la longueur de votre choix. Si vous choisissez quarante-huit, je veux voir le résultat!!

 

Donc, revenons à nos moutons, je prends l'avion, une seule et misérable journée après avoir pris la décision et acheter le billet. Le vol, est-ce la peine de préciser, s'effectue sans heurts, avec de surcroît une place près du hublot autorisant des vues pas possibles sur les Visayas, archipel dans l'archipel, où les montagnes et les plages se succèdent à un rythme de réacteur.

En posant le pied à Puerto Princessa, le soleil brille, quoi de plus normal. Et là vous dîtes : combien de temps cela va-t-il durer? Ce à quoi je répond : patience...

 

Je rejoins une GH toute mignonette en lisière de la ville. Les propriétaires sont aussi des exposants d'artistes locaux, donnant ainsi à chaque recoin du batiment, de la terrasse abritée aux chambres, un exotisme bien loin des blockhaus chers à Jean-Marie. Ma chambre, c'est au sous-sol, à côté de la cuisine que ça se situe. Plus simple, tu dors dehors, sachant que dormir dehors, ça veut dire sur la terrasse dans un hamac.

Ce premier soir, je passe la soirée là à discuter de temps à autre avec les gens qui travaillent ici, et comme je suis pour ainsi dire le seul locataire des lieux, ça se passe plutôt avachi que assis, tout le monde un grand sourire sur le visage. Pour un peu, j'aurais l'impression d'être aux Philippines. Ah mais non, j'y suis aux Philippines, c'est pour ça!!!

 

 

Le lendemain, je n'ai pas vraiment pris la peine de mettre un réveil, encore terriblement marqué par les ouvertures d'yeux pré-levers de soleil pour aller rendre visite à des sortes de grosses sardines. Maintenant vient l'heure de profiter de la journée en mode piano piano, commençons par monter sur la terrasse et voir ce qu'il s'y manigance.

Là, alors que j'entame mon petit dèj', arrivent coup sur coup, Josha et Mira, deux hollandaises à donner des torticolis à des tournesols, et Dondon (NDLR : prononcez donne-donne), un philippin qui vit sa vie entre peu de travail et beaucoup de plaisir. De là, la France parle à la Hollande qui lui répond. La Hollande parle aux Philippines qui lui sourissent. Les Philippines en claquent cinq à la France qui n'en demandait pas tant.

On est donc un petit groupe naissant bien comme il faut, le genre de groupe qui vous fera le regretter, pour sur. Et comme un parfait commencement, toute l'après-midi n'est qu'une longue conversation ininterrompue seulement surprise par la tombée de la nuit sans que cela vienne à la freiner. Un dîner en ville s'enchaîne en se promettant que demain serait une douce promenade à travers la ville, guidée par Dondon qui connait les environs et plus encore comme sa poche.

A l'heure de se coucher, les chauves-souris et les geckos se disputent notre attention.

 

 

Le matin suivant, c'est le même rituel que la veille, lever vers la terrasse, cette fois-ci le coeur en fête d'aller fureter avec la bande de la veille. La bande est déjà là, mais pas vraiment sur le pied de guerre. A l'extérieur, les nuages remplissent le ciel d'une sinistre couleur grise tirant méchamment sur le noir. Le temps d'avaler la dernière bouchée de mon petit déjeuner, les mêmes déversent des seaux d'eau sur la ville, les arbres qui entourent la terrasse se balancent de part et d'autres comme des déments désarticulés, un gentil typhon passe le bonjour à tout ce qui se dresse à des kilomètres à la ronde.

Pour la promenade en buvant du lait de coco, ça tombe à l'eau... Ne nous reste plus qu'à reprendre le programme là où on l'avait laissé bouillir la veille, agrémenté aujourd'hui d'une nouveauté sortie de derrière le comptoir par Dondon : un grand saladier rempli de perles, de pierres, de bois, ce qui, si on le conjugue à une bobine de fil de pêche, entrouvre en grand les portes du monde merveilleux du confectionnage de bracelets et autres colliers. Traditionnellement, j'aurais sans doute été tenté par quelque autre activité, mais ça tombe tellement juste en ce jour de déluge qu'une nouvelle fois, toute l'après-midi, on est chez nous sur cette espace voué à la contemplation ou à la discussion, en un mot, au contentement.

Et même quand les soucis s'invitent aussi, le discours est identique.

 

Ainsi, alors que les perles s'enfilent bon train, une jeune fille de l'hotel m'interpelle toute excitée.

- Monsieur, il y a un problème avec ta chambre. Viens voir, vite, vite!!

Je descends alors à sa suite jusqu'à mon niveau sous rez-de-chaussée. Là, toutes les petites mains disponibles sont en train de s'affairer à quatre pattes, toutes les éponges ou des tissus à la main. Par le dessous de ma porte coule dans tout l'étage des monceaux d'eau qui se répandent quasiment sur toute la longueur du batiment, et chacun est très curieux de savoir ce qui se cache derrière. C'est dans un demi centimètre d'eau et pieds nus que fébrilement j'approche la clé de la serrure. Je pousse la poignée et simultanément un nouveau demi centimètre déferle dans la pièce. Ma chambre est l'innocente victime d'une ignoble infiltration d'eau à l'échelle de l'Atlantide. A l'intérieur, tout ce qui mesure moins d'un centimètre et qui ne sait ni nager ni voler est mort par noyade. Mes affaires, quant à elles, sont en partie sauves. En partie car par miracle, mon petit sac à dos, réceptacle de tout ce que je possède de valeur, joue au radeau de la méduse sur le lit. En partie aussi car mon gros sac n'a pas eu la chance de se voir attribuer une place sur le radeau. Il est posé par terre verticalement, le cul trempé jusqu'aux genoux. Pas de dommages collatéraux, juste un grand sèchage pour faire s'évaporer cette histoire d'eau. Une fois mes quelques affaires mouillées sur le fil, la péripétie est oubliée pour peu que rien ne reste sur le sol et que je ne pénètre pas dans ma chambre en portant des chaussures en daim pour au moins les vingt-quatres prochaines heures. A voir en sachant que je ne peux pas changer de chambre car celles-ci se remplissent en cette fin de journée... Tant pis pour les chaussures en daim... Je retourne à mes bracelets!

 

Sur la terrasse, alors que la lumière commence à décroître et que la pluie semble se calmer bon gré mal gré, d'autres voyageurs arrivent et partagent notre terrain de jeu. On en est très content sauf qu'entre les arrivées et les réservations, je dois rester sur l'arche de Noé ce qui n'a, en fait, rien d'insurmontable pour peu que tout y soit suspendu ou posé ailleurs que par terre.

Avec les trois autres, nos bras sont grands ouverts et la conversation s'étend à tous.

Parmi les gens qui sont là, il en est un qui veut prendre le bus pour se rendre à El Nido dans le nord de Palawan s'il y en a un en partance le lendemain. El Nido, c'est aussi notre destination avec Josha, Mira et Dondon qui, là encore, connait du monde. Mais nous, on est bien refroidi à la lecture des images satellites permettant de se donner une idée de la couleur du ciel des jours à venir. Au dessus de nous, la fin d'une dépression tropicale de couleur jaune sur la carte s'en va voir si le ciel est plus bleu à l'ouest. De l'autre côté, menace un typhon, un vrai de la taille de la région Poitou-Charentes avec une couleur rouge vif, qui devrait balayer le nord de Palawan dans les heures à venir. Ca ne peut que nous inciter à la prudence; comme je dis toujours, la sécurité avant tout. A partir de là, demain on sortira la grenouille baromètre, on l'attachera à une longue aiguille en métal et si elle se retrouve foudroyée vive, le souci de sécurité fera qu'on prolongera d'un ou plusieurs jours supplémentaires notre retraite à la GH jusqu'à épuisement du stock de batraciens.

 

 

Ainsi, le lendemain, on mijote notre capture. Les roles sont distribués entre celle qui attire la créature, ceux ou celles qui lui attrape les pattes avants et arrières, celui qui l'attache en haut du mat. Mais, dans notre aventure, on est stoppé tout net, comme victime d'un croche-pattes sur la ligne d'arrivée, par ce que les jeunes appellent dans leur vocabulaire bigaré l'internet. Sur cette "toile" qui m'a tout l'air d'être un beau bordel, on découvre les yeux écarquillés que le typhon a brutalement bifurqué vers le nord induisant que notre destination et la route pour l'atteindre ont été survolées par la tache jaune qui entoure la grosse tache rouge du milieu, évitant le pire.

C'est donc l'autorisation formelle du bureau de la sécurité en général et en particulier de partir vers El Nido qui tombe sur notre bureau exotique ainsi qu'une lettre de félicitations de la brigade de sauvetage de l'espèce batratienne, ça fait plaisir.

Au dessus de nos têtes, la pluie tombe toujours comme au premier jour mais tout est normal si l'on s'en réfère à l'"internet". Je met donc à profit le temps qui m'est donné de compter les gouttes super vite pour faire autre chose. Rencontrer Sarah, François et Jeroen par exemple. Découvrir l'internet. T'écrire des articles longs comme le mat sur lequel on a failli sacrifier une pauvre petite bête sous l'autel de la science.

La journée est donc bien remplie ou pleine de rien si on est très très aigri.

 

 

Ca permet en tout cas d'avoir les accus rechargés au maximum pour affronter plein pot une journée de bus local sur les routes de campagne potentiellements recouvertes d'une couche non négligeable d'eau tombée du ciel quelques heures plus tôt. Une fois à la gare routière, la néo-compagnie fait connaisance avec son siège pour les huit à douze heures suivantes, siège dont l'élément constituant principal est la planche de bois. On fait aussi connaissance, cette fois dans le bus, avec un autre jeune couple débonnaire ce qui ajoute encore au patchwork que nous sommes.

Au départ, tout le monde est extrèmement fatigué. Le soleil montre à peine le bout de ses rayons que les roues du bus font déjà les Dervish Tourneurs; les paupières, elles, font de l'haltérophilie. A l'intérieur, tout remue. Ici, la chaussée, qui n'en est le plus souvent pas une, est la principale cause d'insomnie. Pas de danger que le conducteur s'endorme au volant, s'il dessert sa prise, il saute à s'en manger le plafond! Et moi dans tout ce concert de vibrations? D'abord à la recherche de la moins pire des positions pour tenter victorieusement de s'assoupir pendant une heure, je parviens à mes fins en me contortionant autant que ma brindille de corps puisse me le permettre alors que l'état de la route s'améliore un peu. Mais toute cette paresse revendiquée à cette heure contre-nature a une fin; à chaque nouveau tronçon chaotique, j'ai la tête qui est brangueballée en tous sens. Seule deux solutions s'offrent alors : le brisage de nuque à la mode de Chuck Norris, ou la lutte contre l'endormissement façon "On Achève Bien Les Chevaux". Le choix est alors vite vu.

 

Puis, au fur et à mesure, la fatigue commence à baisser la garde. Il faut dire qu'à l'extérieur le soleil fait des apparitions de plus en plus durables et que rien que ça contribue à obtimiser le moral des troupes. Enfin, alors que les portions particulièrements roulantes se multiplient, on se concerte avec Dondon pour accoucher de l'idée du jour : monter voir défiler le trajet depuis le toit du bus. Tout d'abord, il convient de préciser que c'est une pratique courante aux Philippines, tant qu'on peut caser des passagers, sur les sièges, dans l'allée, à l'arrière accrochés à une échelle, sur le toit, on les case. Ensuite, il fait toujours plus de 30°. Enfin, vivre les paysages verdoyants qui défilent, le vent glissant sur le visage, perché à deux mètres au dessus du sol, même si pour les fesses on a encore trouvé pire que les sièges, c'est comme se découvrir un nouveau sens. D'accord, ce n'est pas très sécurité avant tout, mais au fond, peu importe.

On grimpe donc d'abord avec Dondon. Lui passe le premier et n'attend même pas que le bus s'arrête pour se hisser le long de l'échelle latérale! Le chauffeur, voyant que j'étais aussi en route vers l'étage, arrête alors la marche triomphante de sa monture pour me permettre de le rejoindre, ça c'est sécurité! Une fois en haut, je laisse la fatigue derrière comme les tableaux qui se succèdent, chaque paysant ou enfant de paysant que nous croisons sourit de toutes ses dents, agite les bras en guise de salutations, nous renvoie un festival de sentiments affectueux. A chaque véhicule croisé sur lequel il y a aussi des personnes juchés, c'est la même histoire. Dès qu'on croise un regard, c'est le bonheur, bonheur qu'on ne peut cacher en interpelant tous nos p'tits amis et en leur hurlant plus fort que le moteur que leur place, c'est là haut qu'elle est, et que s'ils ont un petit coussin, qu'ils le prennent aussi.

Ainsi, plus on progresse, plus le contingent décapotable s'étoffe. Au total, on finit à huit zozos sur le toit accompagné de deux philippins qui trouve le fait d'être assis là complêtement normal. On est donc tous en première ligne pour prendre conscience de l'ampleur des pluies qui se sont abattues autour, sachant que plus on remonte vers le nord, plus jusqu'à l'horizon c'est à quelques exceptions près semblable à de petites mers intérieures. Sur notre toit, la désolation fait parfois taire la joie, en sachant qu'on ne peut pas toujours regarder ce qui se passe autour au risque de s'encraner une branche basse ou un fil électrique survolant la route. Au final, pour Dondon et moi, on endure près de quatre heures de ce rodéo routier avant d'être rappelés à l'ordre par la pluie; au départ, de minuscules gouttes inoffensives qui, au fur et à mesure des kilomètres, gonflent pour transformer un brumisateur rafraichissant en une douche dispensable. Il faut donc remonter dans le bus, pourvu pour nous et surtout pour les habitants parsemés que ça ne dure pas trop, on voit ce que ça peut donner quand la pluie tombe par ici...

 

Nous sommes en toute fin d'après-midi quand on arrive à El Nido. Il fait encore jour et les nuages se sont un peu dissipés. C'est parfait pour qu'on puisse dénicher la bonne GH en prenant le temps de se rendre compte à quoi ressemble les lieux. A première vue, El Nido est un petit village de pêcheur devenu, sans mal au regard du décor, une minuscule station balnéaire. Les pensions et les restaurants à petits prix se succèdent les pieds dans le sable d'une plage faisant face à d'imposantes montagnes calcaires. Pour notre part, on se sépare en deux groupes. Sarah et François vont dans une GH, Mira, Josha, Jeroen, Dondon, le couple dont je ne me souviens plus des nom et moi dans une autre, l'Alternative. C'est construit sur le sable avec un modeste batiment principal accueuillant le restaurant, quelques chambres, des coussins par dizaines, auquel est collé une dépendance d'un seul niveau, composé de deux chambres partageant une terrasse les pieds dans l'eau à marée haute et les pieds dans le sable à marée basse. Pas d'autre alternative, il nous faut ces deux chambres.

Sitôt dit, sitôt fait. Dans la première, les filles; dans la deuxième, les garçons; le couple dort dans le batiment principal. On est donc comme des coqs en pate dans notre petit nid où on fête l'arrivée aux fruits de mer et au bain de minuit pendant lequel je perds un bracelet fabriqué de main de Braïce vieux de trois jours. Pas grave, pas grave.

Ainsi se termine donc ce débarquement en masse à El Nido. A partir de là, Dondon prend les commandes. Si le temps le permet, demain on loue une bancasse et on part

jouer les flibustiers épicuriens à la découverte du Big et du Small Lagoon, tout un programme, j'en ai le steack de thon qui salive!!

 

PS : Article poste de New Delhi ou je galere toujours avec mon Archos pour le chargement de photos. Plutot que de m'arracher les rares cheveux qui colonisent encore mon crane, j'abdique... Mais j'ecris!

Prepare toi quand meme car quand ca va arriver, ca va arriver fort et mechant!!!!

A bientot a tous

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11 octobre 2009 7 11 /10 /octobre /2009 08:50

Je suis l'dauphin des Philippines et malgré tout j'ai mauvaise mine.

Il est 5h, Cebu s'éveille. Et moi, j'ai bien bien sommeil.

 

Dehors, la lumière naissante dévoile un ciel azur. Ca pourrait être magnifique mais premièrement, j'agonise de ne pouvoir encore fermer les yeux et deuxièmement, Cebu City se dévoile aussi et la ville n'a rien d'une gravure de beauté. Vivement dans cinq heures que ça change ce qui n'aura pas grande importance puisque j'aurais de toutes façons les yeux fermés, enfin.

 

La gare routière est au diapason de la ville. C'est gris, bruiant et les locaux qui s'ébattent déjà de bon matin ont sur leur visage les traits tirés de ceux qui voudraient travailler dans un magasin de litterie juste pour le plaisir de s'en faire renvoyer pour usage abusif des marchandises. A son emplacement, le bus de 6h attend déjà. A l'intérieur, le chauffeur se prélasse. Quand je monte à l'intérieur, je suis maillot jaune, le premier au classement général des passagers et toutes les places sont disponibles. La place à côté du chauffeur à l'air la plus confortable, pas de voisins potentiellements enclin à la conversation, de la place pour des jambes de girafe, mon gros sac à côté en guise d'accoudoir voire d'oreiller, je m'installe et m'endors quasiment sans le voir venir, instantanément.

Et à 6h, le bus part.

Comment je le sais? Le chauffeur est à l'image de ceux de tout le voyage. J'ai l'impression que chaque fois que je prends la route, mon véhicule quel qu'il soit est le plus rapide sur la route, personne ne nous double, le chauffeur n'en est pas un, c'est un pilote. Dès le premier virage, c'est bien simple, j'ai l'impression qu'on est sur deux roues, rien de tel comme mise en garde.

C'est comme ça pendant cinq heures sur une route où les lignes droites me manquent et où les dos d'anes ont colonisé la chaussée. D'habitude ça ne m'empêcherait pas de dormir mais aujourd'hui, collé contre la fenêtre de droite, chaque fois qu'on tourne violemment à gauche, mon crane heurte la vitre de la même façon comme le ferait la brigade anti-petit-somme. A l'arrivée à Maya, le soulagement est à la hauteur. Maya, c'est le village qui fait face à l'île de Malapascua et la première fois depuis une semaine de perdue que je revois la mer avec l'intention tenace de me jeter la tête la première dedans. Ca fait du bien, comme si l'histoire reprenait son cours normal avec des couleurs dans l'objectif et dans la tête tant qu'elle fonctionne encore, à la merci d'un terrassement soudain.

 

D'ailleurs, à la sortie du bus après avoir salué mon voisin de pilote alors que le port minuscule est là, je dois localiser la prochaine bancasse qui voguera vers Malapascua. De prime abord, je devrais réussir ma mission, 99% des bateaux qui lève l'ancre à Maya vont ou passent par Malapascua. Quand je vois une trentaine de philippins grimper dans une embarcation, c'est donc à n'en pas douter la bonne. C'est donc au radar que je suis cette joyeuse farandole jusqu'à m'installer avec bonheur sur un siège qui, lui, ne me causera pas de traumatisme cranien. Je ferme les yeux bercé par le balancement paresseux du bateau. Mais il ne se passe pas trente secondes avant que quelqu'un vienne me sortir de ma torpeur.

- Bonjour, où allez-vous?

- Mmmmhhh, je vais à Malapascua, enfin je crois...

- Mais, vous vous trompez de bateau, celui-ci part à Leyte, à six heures de navigation.

Comme il dit, je me suis trompé. Depuis Maya, Malapascua est largement à porté de jumelles, trente minutes, pas plus, pas six heures. Je ressors alors de mon presque coma, reprends mes vingt kilos de charge utile et quitte le navire. Le bateau pour Malapascua attend plus loin, je ne me trompe plus et pose enfin le pieds à destination, mes chaussures à la main car à l'arrivée, c'est "saute dans l'eau jusqu'aux genoux ou retourne à Maya". Ensuite, de façon complètement machinal, je trouve une GH, non mieux, un hotel dont la vue depuis les fenêtres donnent généreusement sur la plage magnifique qui s'étale à ses pieds. Mais pour la vue, je reviendrais plus tard. Pour le moment, l'important c'est de fermer les yeux et de s'évanouir dans une chute vertigineuse qu'on pourra appeler sieste ou nuit complète selon que je dormes quatre ou seize heures dans ma chambre sans électricité l'après-midi ce qui interdit l'usage pourtant salvateur d'un ventilateur.

 

Il fait encore jour quand j'ouvre un oeil. C'est juste assez d'énergie dépensée pour me prendre en main. Je réserve ma première plongée pour le lendemain matin, une plongée dont le rendez-vous sur la plage est fixé à 4h45 (sic). 4h45!!!!!!!! Bonjour le décallage horaire!!!!!!!!!!! Ils sont fous ou quoi?? En fait pas du tout. Malapascua, en ce qui concerne la plongée, est mondialement réputé pour une chose : les tresher sharks, avec sharks comme requins. Et ces petites bestioles ont la gentillesse de se laisser admirer au lever du soleil à trente minutes en bateau de Malapascua, voilà pourquoi 4h45. 

 

Je baigne alors dans un joyeux cocktail fait d'excitation et de fatigue. Un dîner vite expédié plus tard, je rentre me mettre au chaud, si on veut, et chercher un sommeil qui viendra en fin de compte à 2h du matin.

 

 

Et quatre heures plus tard, le réveil sonne. Théoriquement, si on était un jour "normal", ce serait presque mission impossible mais aujourd'hui, pas la peine de me le dire deux fois, je sais ce qui m'attend dehors. Sur la plage, les six autres plongeurs sont aussi réveillés comme en pleine après-midi, l'ambiance est électrique. On monte sur le bateau, le temps de profiter des couleurs du lever de soleil, une seule couleur compte désormais, un bleu profond.

Sous l'eau, les plongeurs se répartissent en deux groupes, ceux qui plongent avec les bouteilles d'air comprimé classique dont moi, et ceux qui plongent en utilisant un mélange d'air et de nytrogène permettant de rester sous l'eau plus longtemps.

Avec mon groupe, on passe une demi-heure alongé sur le fond à attendre que les squales viennent à nous. Sans succès. Malheureusement. On remonte à la surface, on a fait notre temps au fond de l'eau. Les "nitrox", eux, se promènent toujours autour entre 30 et 35 mètres de profondeur. Quand ils remontent à la surface et prennent place sur le pont, ils sont arrogants de sourires. Quelques minutes plus tôt, trois requins nageaient tout autour d'eux, on peut les comprendre. A leur place, j'aurais surement la machoire grande ouverte et pas spécialement envie de la refermer de sitôt.

A ma place, je retourne à mon hotel en me promettant que la prochaine fois, c'est sur, les treshers, on les aura.

 

7h du matin au compteur, le soleil illumine la contrée, je retourne me coucher jusqu'à 13h, heure à laquelle il fait trop chaud pour quoi que ce soit même dormir dans cette fournaise qu'on appelle ma chambre. La seule solution est alors encore de la quitter et de s'alanguir sous l'ombre bienfaitrice d'un cocotier en prenant bien garde de ne pas étendre sa serviette sous l'arbre, créant l'opportunité fortuite pour une noix de coco de venir s'encastrer entre l'orteil et le cheveux.

 

Le soir venu, le coucher de soleil passé, je retourne dans mon antre pour profiter des plaisirs futiles de la vie enrichie de la fée Electricité. Le ventilateur bat la mesure, je sèche en ronronnant. Ne reste alors plus qu'à me remplir la panse avant de me mettre la tête dans le clavier pour accoucher d'un nouvel opus narratif endiablé. Seulement, comme souvent, même si la route est pavée de bonnes intentions, des troncs d'arbres peuvent s'abattre au travers et empêcher toute progression. Ce soir, le tronc d'arbre est sympathique, il s'appelle Farouk, c'est un turc de Shanghai que je croise sur la chemin menant à l'assouvissement de ma faim, au dîner. Le gars, qui repart le lendemain vers la Chine via Manille, est très enclin à la conversation et on se quitte après avoir croisé le verbe pendant de longues heures. Pour la rédaction, il est trop tard, encore une occasion de manqué pas si manquée que cela... La plume pourra toujours tenter de refaire surface demain, les occasions ne manquent pas quand, mise à part plonger, la meilleure chose à faire est de ne rien faire.

 

 

Nouvelle journée, nouvelle chance. Pas pour les tresher sharks, j'ai beau me découvrir une nouvelle passion pour les réveils à 4h30, il ne faut quand même pas pousser Mamie dans les orties. Le rendez-vous pour la première plongée du jour est à 9h, quand même pas mal pour un samedi! Aujoud'hui, deux plongées sont inscrites au tableau de bord, une le matin et une autre l'après-midi avec, tel le ruban de bolduc entourant les cadeaux de Noël, une journée sur le bateau à la clé.

 

La première descente est plus que correcte, la visibilité est bonne, l'eau chaude et les petits poissons nombreux. Mais la claque du jour intervient contre toute attente lors de la pause déjeuner. La bancasse s'amarre alors sur une étroite bande de sable qui, d'un côté s'enfonce dans les flots bleus, et de l'autre s'élargit et fleurit en une île frangée de sable et déserte si on excepte les palmiers et les quelques philippins hilard de bonheur qui viennent y camper pour le week-end. La perspective est si renversante de beauté que je préfère faire l'école buissonière en oubliant de manger et préférant me perdre dans les moindres recoins de ce monde perdu jusqu'au moment où un autre plongeur me fait de grands signes avec les bras synonymes d'inquiétude pour l'ensemble de l'équipage quant à savoir où j'avais bien pu me fourrer.

Je remonte sur le bateau presque avec regret malgré la nouvelle plongée qui se prépare déjà.

Celle-ci est également à la hauteur même si je garde toujours en travers de la gorge le rendez-vous manqué de la veille avec les treshers ce qui me gache un peu le plaisir. Gageons tout de suite que je retente ma chance au grattage et au tirage dès les prochaines premières lueurs du jour.

 

Au retour ultime sur le bateau, je ne trouve alors rien de mieux pour me ragaillardir et me préparer à d'autres claques poissonneuses que de m'alonger sur la proue du bateau et comme à l'habitude, me gorger de virtuosité musicale sous le soleil qui prépare son coucher et pare le ciel d'une symphonie de couleurs.

 

Une fois le pied à terre, les couleurs n'importent plus. L'inscription au réveil le plus tôt et potentiellement le plus mouvementé du voyage est la seule chose qui compte. Je pénètre en trombe dans le centre de plongée et inscris en grosses lettres mon nom dans la case "tresher sharks", l'invitation est lancée.

 

Je retourne ensuite à l'hotel où je suis d'ailleurs le seul client, où tout le personnel est au petit soin pour moi au point de vouloir me caser, soit avec une gamine à peine majeure qui rêve de Paris, son climat tropical et ses prix dérisoires qui autorisent toutes les folies, soit avec un ladyboy portant exclusivement des jupes si courtes qu'elles pourraient dévoiler l'évidente supercherie et son costume trois pièces. Non merci, vraiment, vraiment.

 

La nuit est alors tombée, la tentative d'écriture de la veille est reconduite pour peu que j'arrive à franchir l'étape dinatoire sans remous. Encore raté!

Alors que je suis attablé dans le restaurant tronant au dessus du centre de plongée, deux femmes anglaises avec lesquelles j'ai partagé des bulles depuis deux jours se proposent de se joindre à moi. Comment décemment refuser? Impossible de dire non, ce n'est pas dans mon vocabulaire (NDLR : je ne suis alors pas encore en Inde).

 

Mon lit m'attendra encore jusqu'aux environs de minuit, ce qui ne serait qu'une broutille si je n'avais encore rencard sur la plage à 4h45. Les requins sont plus forts que tout, je me couche illico piaffant d'impatience.

 

 

A la pêche aux moules-moules-moules, je n'veux plus y aller maman, à la place, si le choix se présente, j'veux bien aller à la plongée aux requins-quins-quins-quins, c'est plus excitant maman!

Aucune sonnerie ne s'est alors déjà déclenchée, ça furête déjà dans ma chambre. Le temps d'enfiler mon maillot et la porte se referme déjà derrière moi.

Sur le bateau, tout le monde s'active devant un nouveau levée de soleil des familles. Dans mon coin, une certitude m'habite : aujourd'hui c'est la bonne, c'est mon tour, mon numéro qui est tiré du chapeau. Aucune trace de fatigue, je suis plus concentré que le lait sucré Nestlé (NDLR : sponsor?). Tellement concentré qu'au moment d'enfiler ma combinaison, j'en oublie d'enlever ma Ralex, étanche jusqu'à trois gouttes, qui ne devrait apprécier que moyennement la descente la descente en apnée à laquelle elle se retrouve confrontée. Mais qu'importe, la Ralex est grand seigneur et, j'en suis sur, se sacrifierait bien pour que la plongée soit une réussite squalesque.

 

Comme la première fois, on descend se caller au fond de l'eau, la lumière naissante se fraye un chemin elle aussi. Devant nous, le mur qui s'enfonce vers les abysses fait bonne figure. Puis, comme sortis d'un livre d'image, ils apparaissent. Il"s" car ils sont trois. Parfois ils se rapprochent à portée de camionnette, parfois ils se contentent, sans qu'on leur en veuillent, de passer devant à une quinzaine de mètres. Et là j'ai envie de dire WHAOUUUUUUU!! L'animal est une véritable merveille avec une allure presque féline, la perfection faite poisson.

 

Résultat, au retour sur le bateau, qui est-ce qui danse? C'est Bibi!! Quel panard!!! La petite aiguille n'a pas encore frappé le 7 que j'ai déjà emmagasiné de l'émotion pour une semaine!!!! Et puis comme ça n'est jamais assez et que je suis encore plus bouillonnant qu'un Gilbert Montagné s'agitant sur son clavier, je décide que mon lit attendra, la journée ne fait que commencer, aujourd'hui c'est le Showtime Express qui entre en gare!!!

D'office, deux nouvelles plongée se calent dans les tuyaux. Les deux autour de Gato Island. Gaaato! Gaaaaaaato!!! Ca met en appétit et ça n'a rien d'un hasard. De nouveau la tête dans l'eau à 10h, rien ne me prépare à la nouvelle expérience paranormale qui va suivre...

 

Dans ma palanquée, nous sommes cinq plongeurs, le guide accompagnant quatre joyeux dauphins amateurs. Parmi ces quatres, je suis le seul à posséder un caisson permettant de saisir des scènes sous marines. Le guide, chaque fois qu'il repère quelque Objet Nageant identifié dans les parages, il me fait signe de venir à lui pour me montrer la bestiole en avant-première afin de satisfaire l'objectif; et moi, je me régale!

 

Peu après le début de la balade palmée, on quitte un luxuriant jardin coralien en franchissant une petite colline nous masquant ce qui se cache derrière. Une fois la colline passée, on découvre une longue plaine s'étalant une vingtaine de mètres sous la surface. Ici pas grand chose ne pousse, impossible de ne pas distinguer les longues 

silouhettes posées là, même pour moi et ma vue basse même sous l'eau.

A quelques emcablures de mon coeur qui bat la chamade dorment une dizaine de requins à pointe blanche, le genre qui fait dans les quatres mètres et qui n'est pas là pour se faire nettoyer par ses autres potes poissons. Lui, c'est une terreur, la bestiole qui trône tout en haut de la chaine alimentaire sous marine locale.

Nous, avec les trois autres, on est posté comme pour les tresher sharks, à quatre pates au fond de l'eau plein de respect craintif pour les machines pleines de dents. Le guide est là aussi et tout à coup, il se tourne vers moi et commence à esquisser quelques gestes.

Pour le premier (NDLR : essayez chez vous, c'est la séance travaux pratiques), il positionne sa main à l'horizontal et fait battre son index et son majeur verticalement.

Pour le deuxième, il me pointe du doigt.

Pour le troisième, il pointe les menaces dormantes.

Pour le quatrième, il mîme le fait de prendre une photo.

 

Au départ, je ne parviens pas à décoder les informations qui m'arrivent, du genre "qu'est ce qu'il me veut celui-là?". Puis, petit à petit, comme le visage d'un nouveau président qu'on dévoile à 20h pile, l'évidence me frappe droit dans les neurones.

Nager. Moi. Requins. Photos.

Je nage. Requins. Photos.

Je nage vers les requins pour les prendre en photos.

Mais c'est pas possible ou quoi, le type a viré sa cuti, fondu une durite, dégoupillé sa boite cranienne? Que je nage, tout seul, candidat au suicide, vers des torpilles qui apprécieront sans doute que je viennent les taquiner à l'heure de la sieste qu'ils passent en plus les yeux grands ouverts? Il m'en veut, qu'ai-je donc fait pour qu'il m'inflige pareil traitement?

Et, les dixièmes de secondes passant, je me dis que si, c'est possible. Il suffit simplement de débrancher le frein à main qui me retient et zou! En voiture Cousteau!!!

 

Je m'élance, furtivement, prenant garde à lever le moins de grains de sable possible. En face de moi, un premier squal d'un fort beau gabarit ronfle en silence. Vingt mètres, dix mètres, moins encore, je clichette à tout vent jusqu'à ce que, d'un coup, le monstre bouge. Pas de doute, il m'a dans l'oeil. D'ailleurs, il tourne la tête vers moi avant finalement de me montrer la méthode du départ dans les starting blocks quand on est un requin. Seulement, comble de bonheur, c'est pour partir par delà ma visiblité dormir plus loin. Ouf!!! Et RE-WHAOUUUUUUU!! Chaque fois que j'approche d'un peu trop près les phénomènes, ils s'enfuient, apeurés par mon charisme une ceinture de plomb attachée à la taille. Au total, la scène a dû se répéter une demie-douzaine de fois qui sont autant de montée d'adrénaline quand la machine se met en ordre de course plutôt qu'en ordre de marche. Pendant ce temps, mes trois accolytes sont restés aggrippant des cailloux, tant pis...

 

Cette plongée, d'hors et déjà la plus spectaculaire qu'il m'ait été donné de faire, n'est en prime pas encore à son terme. Les requins partis, les serpents arrivent. Ceux-ci font dans les 1m20 de long et sont cerclés de bleu et de noir. Je n'ai aucune idée ni de ce qu'ils sont, ni de ce qu'ils mangent, ni de ce qui pourrait potentiellement m'arriver si un d'entre eux se prenait un peu trop d'affection pour moi et les bulles qui sortent de ma tête masquée. D'ailleurs, il y en a justement un à la curiosité plus aiguisée que la moyenne qui me fait de l'oeil et se rapproche dangereusement. En fait, il ne se rapproche pas, il me fonce dessus, droit dans la face. Trois, deux, un, contact. Ou presque. Le petit effronté est passé à quelques centimètres de mon oreille avant de repartir vers d'autres aventures. Incroyable rencontre; si incroyable que les quelques autres specimens que nous rencontrons sur notre chemin dans les minutes suivantes se retrouve maintenant coursés par votre serviteur surexcité comme rarement. La roue tourne les serpents, j'arriiiiiive!! Un sourire pour la photo? Merci!!!!

 

Au total, on est resté une heure dans l'eau, une heure de barbotage qui apportent des souvenirs marqués au fer rouge pour une vie entière, quite à passer une excellente journée, autant y aller à fond!

 

S'en suivent le déjeuner et une nouvelle confrontation au grand bleu qui, bien qu'elle ne vienne sans requins ni serpents, demeure de belle facture. Au retour vers le rivage, je suis rattrapé par le souvenir d'un lever avant 5h du matin. Je m'endors sur le pont avant du bateau soumis aux embruns et à la houle mais qu'importe, j'ai des rêves en pagaille à faire et ce n'est pas dormir sur un trampoline mouvant qui va m'en écarter!!

 

A terre, requinqué et toujours gonflé à bloc, je me réinscris pour la plongée de très bonne heure et de très bonne humeur. Le rêve continue les yeux ouverts.

 

 

 

Le lendemain, après avoir finalement pu gouter aux joies d'une soirée tranquille et studieuse, je reprends la douce routine, le soleil n'est pas encore sorti de la couette que j'ai déjà le couteau entre les dents et du sable entre les orteils.

Au tableau d'affichage, le match entre les treshers et moi en est à 1 partout. Ce matin, c'est la belle, on se départage. Seulement, je n'avais pas vu qu'écrit en petits caractères dans le contrat, il était stipulé que si les requins déclaraient forfait, de façon complètement contradictoire ce sont eux qui gagnent le match sur tapis vert. Et ce qui devait arriver arriva, les requins ne sont pas venus, je l'ai dans l'cul une deuxième fois, but pour les requins, pas de prime de match pour moi. Pour moi ni personne d'ailleurs, car même en restant au fond plus longtemps, cette fois-ci les plongeurs au Nitrox sont aussi bredouilles que les autres.

J'ai donc bien fait de me lever!! Encore une fois!!! Mais comme on trouve toujours plus malheureux que soi, je peux quand même sadiquement me réconforter en écoutant parler deux asiatiques qui eux sont bredouilles pour la quatrième fois successive! Les pauvres... Enfin si on veut, on est quand même au paradis...

 

Un paradis que je pars explorer de l'intérieur toute l'après-midi après n'avoir pas vu passer la matinée, la faute à un retour au lit pas piqué des hannetons. Au cours de ma promenade, ce sont toutes les images des philippines qui reviennent, les paysages, les habitants aux sourires interminables et à la curiosité infatigable, un mélange de simplicité et de joie de vivre comme on en fait plus.

 

Au retour à l'hotel, je fais part à l'assistance que le temps de ma dernière soirée est malheureusement venu. Malapascua est une île vraiment splendide mais dont la taille induit qu'on en a vite fait le tour. Il va être l'heure de rejoindre l'île de Palawan que j'avais omis de visiter à regrets lors de mon précédent séjour dans le pays. L'affront est sur le point d'être levé. Une nuit que j'espère tranquille m'en sépare.

 

A l'hotel où je suis encore et encore le seul client, c'est la consternation. Le ladyboy a son rimel qui coule presque.

Mais il leur reste encore une carte dans la manche pour contrecarrer mes plans, de nuit tranquille il n'y aura pas. Depuis mon arrivée dans les murs, chaque jour je repousse l'invitation insistante des ladies et du boy à déhancher nos corps sur la piste de danse située à même le sable à quelques minutes de là. Ce soir, plus d'échappatoire, je suis bon pour le service commandé. A 23h, je suis mandaté par tout ce petit monde pour aller m'entretenir avec la patronne pas facile afin de les faire libérer une heure avant la fin théorique de leur service. Je m'exécute et d'une pirouette dialectique obtiens gain de cause.

En un éclair, on est déjà dehors. Sur la piste, toujours le seul gringo, dès que je m'agite les locaux rient à gorge déployée sous l'effet de la bière gouleillante. A 2h30, la boutique ferme, chacun va dormir de son côté pour le meilleur.

 

 

Un réveil plus tard, je suis déjà dans la bancasse puis dans le bus qui repart vers Cebu City où je reste 24 heures à paufiner la suite. Sur la toile je m'équipe d'un aller simple pour Puerto Princessa, ville principale de l'île de Palawan, encore une, bon dieu d'archipel!!

Palawan, à mon grand regret, je n'avais pu y faire un crochet lors de mon premier passage, il va être temps de réparer l'erreur. Gageons que je puisses y finir le rodage de l'appareil photo!!

 

 

 

 

 

PS : Article mis en ligne a Leh, capitale du Ladakh, province indienne montagneuse a la frontiere du Pakistan ou le chargement de photos est interdit...

Tant pis, a suivre...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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29 septembre 2009 2 29 /09 /septembre /2009 14:33

Approchez, approchez!!

Mesdames et Messieurs, pour votre joie, venez découvrir notre attraction unique : la machine à remonter dans le temps.

Elle fait rire, elle fait frémir.

N'avez vous donc jamais rêvé revenir au temps du moyen-age?

N'avez vous jamais souhaité rencontrer Napoléon ou vous assurer que Mireille Matthieu ressemblait déjà à ça à la fin du XIXème siècle?

Ca fait envie non?

Et bien c'est dommage car si notre machine fonctionne, elle n'autorise aujourd'hui que de courts voyages remontant à presque quatre mois en arrière et c'est déjà pas mal!!!

 

 

Je quitte Panay avec envie. Ce n'est pas que l'île en elle-même ait été une déception, c'est plutôt que l'île suivante, Negros, est à priori un condensé de bonheur. Elle est en dehors des circuits touristiques, elle est couverte de montagnes et ourlée d'une côte qui n'aurait rien à envier à celles de la Polynésie Française ou des Maldives.

En plus, il ne suffit que de quelques dizaines de minutes de ferry pour y poser ses orteils ce qui change des 45 heures de train que j'ai fait il y a quelques semaines pour rejoindre le Tibet (sic).

 

Une fois atteinte, je ne suis pas arrivé pour autant. La ville s'appelle Bacolod et elle n'a rien de particulièrement glamour. On dirait Iloilo, la ville d'où j'ai pris le bateau sur Panay et si j'avais voulu y prolonger mon séjour, je ne me serais pas gêné et n'aurais pas eu besoin de monter sur le pont d'un nouveau bateau.

A Bacolod, je n'ai donc qu'une envie : ne pas rester. La journée est encore jeune, j'ai tout le temps de me rebouffer huit heures de car pour enfin poser mes valises. En vue au bout du chemin s'étend Sipalai dont tout le monde s'accorde à dire que tout y est réuni pour que les séjours s'y éternisent : gastronomie, palmiers, plages, sourires et fonds coraliens, tout un programme qui met de l'eau à la bouche à moi, simple mortel, dont je me demande ce que j'ai fait pour mériter tant de bonheur eu égard à la liste mentionnée plus avant.

 

En quelques minutes de cramponnement dans un tuk-tuk, je contemple la gare routière qui n'a comme seule intéret le fait que je n'y reste pas.

Puis, c'est le bus.

A côté de moi sont assis les membres d'une même famille. Ils doivent être une demi-douzaine et tout l'arbre généalogique contemporain est présent du grand-père au petit dernier. La personne la plus proche de moi, ma voisine, est la mère du petit bout de chou. Tout ce petit monde est en vacances et part pour une semaine dans la maison familiale se refaire une santé parès avoir rendu visite à un cousin qui n'a pû faire le déplacement pour cause d'hospitalisation. Avec cette femme, on discute. Trente minutes, une heure puis deux. Le courant entre nous passe tellement bien que pendant le trajet, après lui avoir exposé mon programme, elle me propose aussi sec de venir au moins partager le dîner du soir et de passer la nuit chez eux. Délicate attention, extraordinaire hospitalité. Je suis même tellement surpris qu'au départ, j'essaye de me défiler comme je peux mais, au bout du compte, il n'y a rien à faire d'autre que de m'incliner bien bas devant tant de bons sentiments. La GH au bord de l'eau dans laquelle je pensais échouer avec bonheur n'a qu'à bien se tenir, elle n'est plus en tête de liste.

 

A l'arrivée à Sipalai, la nuit est déjà noir cirage. L'éclairage public n'est qu'une douce utopie et force est de constater que j'aurais eu toutes les peines du monde à rejoindre un autre nid douillet que celui dans lequel je suis mes hotes avec envie et curiosité.

Le bus s'arrête juste devant la maison, ils sont loins les bus de la RATP dont les chauffeurs t'expliquent que si ce n'est pas l'arrêt, ce n'est pas l'arrêt. A peine sommes nous dehors que d'autres membres de la familles sortent nous accueuillir et nous aider à décharger les dizaines de kilos de denrées qui vont soit être vendues dans la boutique d'un cousin ou mangées dans la semaine. Tous se sautent dans les bras, s'étreignent et s'embrassent. Et une fois qu'ils font une pause dans les démonstrations de joie, je suis officiellement présenté. La curiosité est alors une rue à double sens dans laquelle tous les villageois des environs semblent déboucher. Les gamins me dévisagent et s'enfuient quand je viens leur tendre la main dans un large sourire. Cette situation pourrait durer des heures, je suis jaugé des pieds à la tête et rien ne pourrait entraver le questionnement à mon égard. Je les comprends.

Qui est-ce que c'est ce type pas de chez nous avec son gros sac?

Qu'est ce que c'est que ces cheveux (barbe) qui lui pousse sur le visage?

Qu'est ce qu'il a à sourire tout le temps?

Est-ce qu'il fait de la muscu' ou est-ce qu'il est naturellement spectaculaire?

Tant de questions qui resteront pour les voisins sans réponses car il me faut rentrer dans la maison; c'est pas tout ça mais je suis l'invité et il faut que je fasses bonne figure. Tout se passe alors à merveille sauf quand l'oncle sans dents qui ne crache jamais sur la bouteille quelle que soit l'heure ne cesse de vouloir me faire la conversation sur un mode très sérieux alors que je n'ai aucune chance de comprendre ne serait-ce qu'une bribe de ce qu'il essaye d'articuler à quelques centimètres de mon visage dans des vapeurs d'alcool à me rendre saoul sans boire et avec haut-le-coeur.

Sur la douzaine de personnes qui vont dormir ici, je peux vraiment échanger avec la moitié d'entre eux. Pour celles-ci, leur anglais est impeccable, merci les Philippines.

Parmi ces anglophones, il y a le grand-père, ancien instituteur qui connait tout le monde au bled puisqu'ayant toujours vécu ici, la mère avec qui j'ai conversé tout le voyage, et une nièce d'une quinzaine d'années au sourire comme un soleil qui sera à la fois mon interprète lorsque ça devient nécessaire et ma super potesse eu égard à nos ages relativements similaires.

 

Dans la maison, on me fait bien sentir que je suis l'invité. Je n'ai le droit de ne rien faire, ni aider en cuisine, ni mettre la table. La seule chose à laquelle je m'active, c'est à assouvir la curiosité du grand-père qui veut tout savoir de moi, absolument tout.

Au cours de la conversation alors que la table est maintenant mise, vient la question qui revient sempiternellement : "est-ce que tu es chrétien?"

- Mais bien sûr! Plus chrétien que moi, tu meurs!!

- Ah!! Mais c'est bien ça. Peut-être voudrais-tu nous faire l'honneur de dire les grâces?

 

Je ne l'avais pas vu venir celle-là!! La seule fois que j'ai vu faire auparavant, ça doit être dans des films et pas les meilleurs!!! (sister act?) Il faut donc que j'ouvre mes chakras et que je laisse pénétrer par la spiritualité à laquelle j'oppose souvent l'objectivité. Tout un programme... Mais la tache n'est pas insurmontable heureusement pour moi.

Je remercie donc le bon Dieu pour les bons petits plats que nous devons bien entendu à sa mansuétude. Je lui demande également de protéger de ses petits bras musclés la famille qui me reçoit et de les accueuillir le cas échéant au paradis, tant qu'à faire, c'est mieux.

Et le tour est joué. Bon appétit, à table.

Le dîner se compose d'une multitude de plats que chacun partage avec son voisin, la convivialité n'a rien à envier à celle du Djurdjura; et puis, c'est délicieux.

 

A l'issue du repas, je n'ai toujours pas le droit de mettre la main à la pate. C'est dommage, j'ai beau leur déclamer que ma spécialité dans la cusine, c'est la vaisselle, rien à faire, un des cousins agé d'une douzaine d'années se charge d'accomplir sa mission en trainant des pieds.

Moi, je passe au salon avec le grand-père et la petite Kimberly qui s'empressent de sortir ses albums photos. Parmi la douzaine de volumes qu'ils sortent d'un guéridon poussiéreux, on peut admirer toute l'histoire récente de la famille : le voyage à Hong-Kong avec le patriarche qui pose à côté de Mickey à Disneyland, une des petites-filles qui est devenue infirmière aux Etats-Unis, et pour finir, la grand-mère dans son lit de mort sur environ quinze pages ce qui tranche franchement avec Disneyland... Le résultat de tout ça, c'est qu'il est 22h30 passées, que l'ambiance est un petit peu retombée, que c'est le moment d'aller se brosser les dents dans la salle de bain rudimentaire équipée d'un seau et d'un robinet. Ensuite, je n'ai plus qu'à découvrir ma couche, en fait une chambre rien que pour moi qui me pousse des frissons tant chacun est au bon soin du docteur Retailleau malgré la modestie évidente de mes hotes.

C'est après des milliers de "mercis" plus tard qui sont tous suivis de "c'est normal" que je m'éclipse. La famille a l'habitude des levers de bonne heure, moi moins, mais il y a du plaisir quand je m'y prépare pour le lendemain.

 

 

Tant mieux car il est 7h quand j'ouvre le premier oeil en entendant du bruit au rez de chaussée. La famille est déjà sur le qui-vive, la grasse matinée saura bien attendre d'autres jours moins festifs et en moindre compagnie. Je descend l'escalier et fait face à Kimberly qui n'en peut plus de rire tant j'ai les yeux en forme de fente de tirelire. Ca la fait même tellement marrer qu'elle ne peut s'empêcher d'aller chercher tout le village pour qu'ils se rendent compte eux aussi à quel point le réveil matinal du gringo est délicat. Le salon se remplit alors de pas loin de vingt personnes qui sont toutes à deux doigts de me pointer de l'index et de se foutre de moi

Pour ma part, je ne me démonte pas, je les toise moi aussi en bombant le torse et en mimant le fait que je développe autrement que couché à la limite de m'entrainer au développer-coucher. C'est alambiqué, c'est normal, il est 7h et j'ai plusieurs dizaines de visages quasi inconnus qui me dévisagent!

 

Les règles du bien vivre en société m'obligent alors à rectifier le tir et à me montrer sous mon meilleur profil, le propre. Avant toute autre chose, je m'applique à faire une session salle de bain dans la salle d'eau qui mérite péniblement l'appelation.

 

A ma sortie, c'est une nouvelle embuscade qui m'attend. Ou plutôt deux.

D'abord toute la famille m'attend pour le petit déjeuner. Leur petit déjeuner? Non, mon petit déjeuner. On dirait Louis XIV avec la cour qui attend de dire : "Le roi déjeune".

Puis, dès que je mets le pied sous la table, c'est l'avalanche de questions quant au programme du jour.

Moi, j'ai en tête de rejoindre ma GH, pas le plus vite possible car je me dois quand même de faire honneur à mes hôtes, mais d'un autre côté, je suis tellement dans une position où je n'ai rien de droit de faire d'autre que de me gratter les fesses moi-même et encore, que, à la limite, ça me gène presque.

Seulement, c'était écrit, la famille a aussi un planning pour moi. On va tous aller chercher les autres membres de la famille qui habitent les environs et partir faire un picnic sur une plage. Une nouvelle fois, comment dire non? Hein, comment? Parce que je n'ai pas la réponse et monte de ce pas dans le tuktuk qui se gave de passagers à la limite du raisonnable.

 

Pendant qu'on roule, j'enchaine les clichés des membres de la famille. Tout le monde se prête au jeu, c'est un régal doublé d'un festival de sourires qui grandit encore quand la famille est finalement au complet. Le tricycle repart...

Puis en quelques secondes, c'est la sortie de route!! (NDLR : information à prendrer au sens figuré)

 

Jusqu'à présent, même si au niveau quantitatif le bilan des affaires que j'ai perdues est plus que douteux, sur le plan qualitatif, je n'ai pas perdu grand chose qui soit significatif. (NDLR : Si on excepte, bien sur, l'épisode malheureux des lunettes)

Jusqu'à présent...

Je mets la main dans la seule poche du pantalon de pêcheur que je porte sur les fesses, je cherche mon appareil photo, elle est vide.

Je jète le regard dans le petit sac à dos rouge qui m'accompagne partout, il n'est pas vide, c'est mieux sauf qu'il n'y a pas mon appareil photo non plus.

Je me décompose en faisant une vue à 360° autour de moi, rien que des gens qui sourient sans se douter de rien. Les veinards... A ce moment, qu'est ce que je ne donnerais pas pour ne pas me rendre à l'évidence que mon trousseau s'est, à la minute, amputé d'un bras. Car plus les secondes passent, plus mes tentatives de retrouver le déserteur voient leurs chances s'amenuire (amen huir? à me nuire? orthographe!). Je fais part de la nouvelle à l'assemblée ambulante à trois roues motrices. C'est la consternation. Au départ, ils ne peuvent pas y croire, c'est trop gros comme histoire, l'appareil est forcément quelque part. Puis, comme il faut quand même se rendre à la raison, la consternation j'vous dis.

Peu après, on est arrivé à la plage, j'en profite pour me livrer à une complète revue de paquetage sur mon propre équipement. Presque comme prévu, peau d'balle, rien, nib'. C'est maintenant un fait établi : je peux m'assoir sur ma boite à images plus toutes celles de ces deux dernières semaines.

 

Pendant deux minutes, être plus fumasse que moi tu meurs.

Mais après ces deux minutes, j'ai fait le vide, je suis une boule d'acceptation, ce sont les risques du métier, pas la mer à boire. Et ça tombe bien, car la mer est juste devant moi et que la boire me rendrait malade, bien plus que si je me contentais de nager dedans, ce que je vais faire tant elle me tend les bras. Mais c'était parler trop vite car en reposant mes yeux sur la famille, ça saute aux yeux : mes deux minutes n'auto-énervement les ont démoralisés. Ces gens sont tellement emplis de compassion quant à mes ennuis passagers, qu'ils en sont plus désolés que moi. Je me sens même obligé de les rassurer :

- "Mais enfin, vous savez, ça n'est pas grave. Il y a des jours comme ça... Là... Ca va mieux? On va quand même se baigner?"

C'est alors qu'on meut en direction de la plage.

 

Là, en s'extirpant des dernières rangés de palmiers, les pieds retouchent le sable, douce sensation de moquette naturelle. Devant, la mer est sur son pied d'estal (desthalle?). Les couleurs s'étirent à l'infini, c'est beau à se tirer une larme de la tête.

Je relativise sans mal mes soucis. Sauf que, sans appareil photo, ça n'a l'air de rien mais la fête est quand même moins folle. C'est qu'on s'habitue à ces petites bêtes! Mon cerveau travaille alors à vive allure. Au menu :

  • On m'ammène dans un endroit qui est à ce point commun ici qu'il n'est mentionné nulle part. C'est juste une autre plage, un autre paradis. Des centaines comme celles-ci partout autour.
  • Bien que je devais poser mes sacs à quelques minutes d'ici, je ne vais jamais réussir à tolérer admirer un coucher de soleil sans en garder une trace colorée. Je vous épargne les levers de soleil car il ne faut quand même pas rêver.
  • La première ville de ce nom est à 5h supplémentaires de route. Avec un peu de chance, j'ai un cocktail dans la main et une photo de celui-ci dans une trentaine d'heures.
  • Le seul problème, c'est qu'il faut que je retrouve exactement le même modèle d'appareil photo puisqu'il doit être compatible avec la boite étanche que je me trimbale jusqu'au contrefort du Sahara.

 

Nous sommes alors en fin de matinée et je ne vois qu'une seule alternative possible : Dumaguete.

Je fais alors part de mes envies à mes hotes picnic-eurs qui décident alors tous de m'accompagner à la gare routière. L'étape gastronomique sur la plage n'aura donc duré qu'un gros quart d'heure à l'issue duquel chacun se serre de nouveau sur les tricycles. Une fois au terminal de campagne, il faut encore attendre une heure ce qui est juste assez de temps pour que je puisse m'acquitter d'une partie de ma dette, éternelle à moins qu'ils ne viennent tous loger quelques jours dans mon 20m² parisien.

On envahit la cafétaria qui jouxte la gare et je paye mon déjeuner non sans mal tant c'est compliqué d'offrir quoi que ce soit à ces gens là.

 

Puis c'est l'heure. Quand on s'en retourne, le bus est là, je fais mes adieux, ils continuent de se répandre en excuses.

Je prends le temps d'embrasser chaque membre de la famille ce qui a le don de mettre le chauffeur en rogne. Soit disant, on est en retard!!

Juste avant de monter dans le bus, Kimberly m'offre un porte-clés qui porte son prénom. C'est mignon tout plein. Huit heures plus tard, je suis à Dumaguete.

 

 

A Dumaguete, il n'y a pas grand chose à dire.

Quand j'arrive, je découvre qu'on est samedi soir et, comme les lois de la logique peuvent difficilement être mises en doute, demain c'est dimanche, les magasins sont fermés. Bien jouée la Société Géniale.

Dans le dortoir dans lequel je compte bien dormir, quatre des six lits sont déjà occupés par quatre jeunes philippins et philippines en ville pour le weekend. Et comme c'est toujours le cas avec les philippins, impossible de ne pas sympathiser. Rapidement, on décide de dîner ensemble. On quitte alors la GH pour se retrouver dans un restaurant qui a un évènement particulier à nous présenter ce soir. A grand renfort de disc-jockey, ce soir c'est défilé de mode!!

Qu'est ce que c'est que cette embrouille? Il y a encore quelques heures, j'étais à deux doigts de rhum de me prélasser sur une plage magnifique loin des tumultes de la ville et me voilà maintenant aux portes de l'enfer des décibels et du bon gout!

A propos de Sipalai, le LP indiquait qu'on ne savais jamais combien de temps on pouvait y rester. Pour Dumaguete, pas la peine de gacher de l'encre, c'est dès lundi, dès le retour du Précieux. Je rentre à l'hotel dès la fin du spectacle non sans avoir quand même poser en photos pour mes nouveaux supers copains qui eux vont en boite de night.

Mon retour est à 23h, le leur à 1h. Bonne nuitée les petiots.

 

 

A mon réveil, c'est à n'y rien comprendre. Je suis le premier réveillé et ça dure comme ça pendant deux heures, quelle mouche les a piqués?

Moi, je suis un peu déprimé de perdre une journée de plus dans la chaleur de la petite ville aux rues poussiéreuses et ensoleillées et passe ces deux heures à me décider sur la nécessité de prendre une douche.

A leur réveil, eux aussi sont un peu grognons et surtout, ils ont chaud, trop chaud. Alors certes, la climatisation est absente de la chambre d'accord, mais il ne faut quand même pas pousser, encore plus quand tu es philippin et que tu te dois de t'habituer à ce climat puisque tu y habites!! Mes colocataires décident donc de partir ailleurs, dans un endroit magique où la légende dit qu'il existe un machine à faire du froid. Tant pis pour eux, qu'ils aillent se faire congeler un oeuf!

 

A l'heure de leur adieu à la GH, je monte dans le tricycle du jour afin de m'aérer un tant soit peu. Les réjouissances qui auraient dues en découler était favorisées par un cadre dans les tons jolis au milieu duquel se déverse une cascade où les locaux avenants se baignent en ce jour du seigneur nappé de chaleur et puis non, un petit tour et puis s'en va. Il faut appeler un chat un chat, je n'ai pas l'énergie d'un foudre de guerre, pas comme avec mon Panasonic! (NDLR : A quand mon sponsor?)

 

En rentrant à l'hotel, je m'installe devant la télé avec les employés de l'hotel qui regardent la rediffusion d'un match de NBA. C'est comme à la maison ou presque. Les pubs en plus et Georges Eddy en moins, pas comme avec Canal+ (NDLR : A quand mon sponsor?)

 

De temps en temps, se retrouver dans une position proche de l'horizontale avec une télévision en face, ça fait plaisir à son homme! Devant le poste maintenant, là aussi je deviens touriste et je prends mon petit plaisir devant les images qui bougent.

 

 

Le soleil est là, il cogne les douzes coups de midi, c'est lundi.

Lundi, c'est inné, les paupières s'ouvrent toutes seules, les jambes encore dans le lit, mimant déjà le mouvement d'une course qui ne s'interrompera que lorsque je le tiendrais!! Les boutiques ont levé leur rideau de fer, rien ne me retient!!!

La veille, alors que je filais bon train à travers Dumaguete, j'avais reperé quelques enseignes prometteuses. Retournons y donc prestement afin d'assouvir notre pêché d'envie. Une douche à l'eau aussi glacée que possible, c'est à dire tiède, plus tard, Shopping, me voici; défends toi!!!!!!!!

(NDLR : Il fait tellement chaud que l'eau qui se situe dans de grands réservoirs posés sur les toits ressort invariablement chaude à la douche ou au robinet, ce qui n'est pas très revigorant...)

Une première boutique : il apparait qu'ils ne vendent que de l'électroménager. J'aurais pu mieux tomber; une machine à laver, ça ne m'interesse pas!!! 

Une deuxième boutique : le téléphone portable est leur spécialité, des appareils photos ils en vendent mais quand on voit que leurs tiroirs sont remplis de ces téléphones monochromes où les pixels sont gros comme des balles de tennis, c'est malheureux mais non merci m'sieur.

Une troisième boutique : l'espoir renait. Le responsable, ainsi soit-il, décroche son téléphone et appelle dans un élan d'initiative son fournisseur.

- Tu l'as toi le TZ3?

- Ah ben non, moi j'l'ai pas.

Il ne s'en est pas fallu de plus pour que mon espoir de rester plus longtemps sur Négros se fendent comme la banquise avant qu'un iceberg de plusieurs dizaines d'hectares ne s'en détache. Tous mes plans pour au moins les quinzes prochains jours menacent de tombent à l'eau. A quand Siquijor? A quand Apo Island?

- Est-ce que vous pensez qu'il y ait quelque chose que je puisse faire pour me dépétrer de cette mouize?

- Ben non, pareil.

Plouf...

 

Je ressors. Re-rentre. A la GH.

- Vite, vite, vite! Réfléchis!!! Quoi faire? Il est où mon Précieux?!!!!!!!! Ah tiens, je suis toujours tout seul dans le dortoir! Pour une fois, je vais allumer la télé moi même et pour le Précieux, on verra demain, c'est un nouveau jour, mardi, jour d'évasion.

 

 

Dumaguete est mon impasse, mais aujourd'hui il y flotte dans l'air un vent de liberté autant que de contraintes de me retrouver soumis à une destination forcée : Cebu City, les plus proches galeries marchandes sur le planisphère. Je salue mon geolier sympa et disparait de l'hotel pour rejoindre le port. A 11h du matin, je suis le nez dehors sous le soleil de Satan, les épaules ruisselantes d'être plaquées de mon paquetage complet. Heureusement, ce traitement ne dure qu'une dizaine de minutes. Malheureusement, c'est pour apprendre que le bateau est à 14h et que l'attente se déroule dans une salle d'attente privée de climatisation ce jour là.

A l'intérieur, les gens bouent tant qu'ils veulent.

Tant qu'ils veulent jusqu'à 14h? C'était ça? Ce sera 15h30 à la place!! Mêmes joueurs jouent encore!!! Mêmes sueurs suent encore!!!!

 

Puis, pas de nouvelle annonce de retard plus tard, tous les passagers embarquent et s'installe à leur place ou autour. Au dessus, le pont supérieur est accessible pour offrir une terrasse dévoilant, en route, le coucher de soleil. Je finis par dormir, allongé en travers sur une banquette. A l'arrivée à Cebu City, j'ai la tête dans un brouillard pas possible, c'est une image, même s'il fait nuit, c'est dégagé. Et puis, je ne suis pas si mort que ça, j'ai encore les réflexes pour demander mon chemin à un conducteur de taxi. Le premier choix du LP devrait convenir, c'est en général un excellent échap(p)atoire, en plus équipé WIFI, une première depuis un sacré bail!

 

A Cebu, je prends possession de la chambre. Au moins pour la nuit.

 

 

Jusqu'à 8h du matin, je m'énerve sur internet à la recherche du sîte de magasin photo ou électronique qui, sur Cebu City, saura me garantir en direct de lendemain par téléphone, ou par mail qu'il a un TZ3 (NDLR : C'est important.)(NDLR : Sponsor?) dans ses soutes.

Oui, 8h.

Il y a des soirs comme ça où internet rame avec deux doigts pour essayer de faire pivoter le Titanic échoué au beau milieu des abysses, des soirs où les heures inexplicablements passent comme des secondes et comme par hasard au milieu de la nuit.

8h. Toujours plus ou moins dans une espèce de forme passagère. Dans quelques dizaines de minutes, les magasins rutilants ouvriront un monde fait de merveilles dans lequel tronera un gros coussin rouge, parfait réceptacle pour un TZ3 docile et magnifique. La tentation d'attendre est grande. Mais celle de dormir est immense. Elle l'emporte. Mais je gère. A 14h, je suis le couteau entre les dents, près à en découdre avec les supermarchés, les promotions flashs et les dégustations de rillettes. Non, pas les rillettes? Tant pis... Je pars pour le plus grand centre commercial de la ville et fais le compte de tous les magasins potentiellements vendeurs d'électronique. Sans succès. La déprime monte, je suis dans un temple de la consommation, dernier endroit où je peux prendre du plaisir et ça n'est même pas possible. Je ne vais quand même pas être obligé de prendre un avion jusqu'à Manille pour arriver à mes fins, ce serait le pompon!!

 

Finalement, je m'oblige à une dernière tentative dans une espèce de supermarché dans lequel les chances de me voir victorieux dans ma quête mercantile sont plus fines que du papier à cigarettes. Si j'avais en tête d'acheter un cartable, une paire de bottes ou du roti de porc, je ne dis pas, mais un appareil photo... TZ3 de surcroit...

Mais, attendez. Il y a une enseigne Panasonic là-bas du côté des téléviseurs. Allons voir.

 

Qu'est ce que c'est qui trone derrière cette vitre? J'ai la berlue ou quoi? Quelqu'un peut-il me décoller une petite claque des familles pour savoir si ce n'est pas un mirage dans toute sa splendeur trompeuse?

Je me pince, rien n'y fait, ça trone toujours, c'est que ça doit être vrai!! Un TZ3 étincelant sous le feu des projecteurs!!! Tel un aigle en chasse, je fond alors sur ma proie sans demander mon reste et même si un 33 tonnes vient se mettre en travers de ma route, je l'explose fort de la semaine de patience que je viens de traverser pour atteindre ce moment d'émotion intense.

 

En cinq minutes montre en main, la transaction est finalisée, je suis un voyageur au complet et tout neuf près à rebattre le pavé, les cailloux, le sable, ou quoi que ce soit d'autre qui se mettra sous mes semelles de vent. Ne reste plus qu'à retourner à la GH, à recharger les batteries et à établir un nouvel itinéraire avec un minimum de déplacement à la clé et un maximum de plaisir à l'arrivée.

Le choix est vite arrêté, ce sera Malapascua, une île minuscule au nord de Cebu Island où les fonds marins n'ont apparemment d'égal que les plages qui les frangent. Ca promet! Mais en attendant, je dîne à la GH où tout le personnel est tellement content pour moi qu'ils m'invitent ensuite à un karaoké endiablé jusqu'à 1h du matin, heure à laquelle je commence à ne plus être très étanche.

Il serait donc temps d'aller dormir pour attaquer la journée du lendemain sous les meilleurs hospices mais une autre embuscade m'attend. Cette nuit, à 2h45 heure locale, est donné le coup d'envoi de la finale de la League des Champions ce qui constitue un programme royal à ne manquer sous aucun prétexte quand la fréquence moyenne de session télévisée ne dépasse pas une fois par mois. Au lieu d'aller compter fleurette au pays des rêves, je m'installe donc devant le poste et attend frébrilement le premier coup de sifflet de l'arbitre. Quand celui-ci intervient, j'ai à nouveau toutes mes facultés physiques et mentales, parfait quand on est la seule âme qui vive à ces heures de n'importe quoi. Jusqu'à 5h, remise du trophé aux grandes oreilles.

 

5h, c'est encore l'heure batarde par excellence. Si je veux poser le pied sur Malapascua, à 4-5h de bus, aujourd'hui, vaut-il mieux que je dorme au risque que ça dure pour des siècles et des siècles ou vaut-il mieux que je veille à m'en fracturer les pupilles?

Je regarde sur internet, le premier bus est à 5h du matin. La réponse est donc toute trouvée, le sommeil c'est les autres, la fatigue est toute mienne, le cerveau boitant, je file à la gare routière, le voyage reprend enfin!!!!

 

 

 

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