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3 janvier 2009 6 03 /01 /janvier /2009 18:18
 La montée n'a pas eu raison de moi,
Pas plus que le froid au repos ou le chaud en action,
Il est temps maintenant de profiter du point de vue,
T'as quand même pas cru qu'on marchait pour le simple plaisir d'en baver...


Au matin du 7ème jour, Dieu a presque fini son travail et moi aussi. On est avec Sudip au camp de base du Machhapuchhare et il ne nous reste que deux heures d'ascension pour pouvoir enfin se positionner les doigts de pieds en éventail aux pieds de ce cirque monumental que forment les Annapurnas.
Il y a en effet plus d'une demi-douzaine d'Annapurna dont le plus haut, Annapurna I, culmine au dessus des 8000m. On aperçoit déjà et pour la première fois du trek ce magnifique sommet depuis là où nous avons dormi.
Depuis la veille, l'incendie s'est tû, la voie est libre. On a dormi plus que de raison c'est à dire jusqu'à 9h, je pourrais crapahuter pendant des heures si besoin était. Mais j'ai même pas besoin!!!
Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, je consens à changer de sous-vêtements et c'est pas du luxe. La couleur blanche de mes chaussettes s'est transformée en un délicieux camaïeu de marron et mon caleçon tient debout tout seul, comme un grand. Une fois le transfert effectué, c'est tout l'argumentaire du vendeur de lessive qui prend tout son sens, c'est doux, ça sent bon, je ne fais plus office de bouillon de culture.

On part à 10h tapante à nouveau les derniers.
Et à mesure qu'on double les plus matinaux, le spectacle se déroule devant mes yeux écarquillés.
Jusqu'à présent, nous avions soit marché avec les montagnes derrière un flot de collines, soit marché engoncés au fond d'une vallée étroite sans vue sur rien. Et bien, à chaque minute, quasiment à chaque pas, c'est le rideau qui s'ouvre sur la scène.
Décompression de l'appareil, armement des toboggans, attention à l'ouverture des portes.
Je me sens perdu devant tant de démesure!! Chaque perspective donne lieu à une évaluation des distances qui se révèle impossible devant l'ampleur des évènements.

A l'arrivée au camp de base de l'Annapurna, on est entouré par 7 sommets entre 6000 et 8000m. Vertige quand tu nous tiens...
Petite ombre au tableau, les nuages commencent à s'ammonceler sur Annapurna I et il va leur falloir bien du courage pour pouvoir se décrocher de cette bite d'amarrage géante.
Pour nous, ça n'est encore pas trop un souci, c'est plutot pour ceux qui arrivent le lendemain que ça risque de poser problème. Encore de la chance pour le Braïce.
Et comme on est finalement arrivé, je donne quartier libre à Sudip qui en a besoin tant il prend son travail et le fait de me materner au sérieux.
Je peux enfin marcher dans cette amas de pierres sans avoir à sentir que quelqu'un marche à quelques centimètres de moi. Avec d'autres randonneurs, on choisit de grimper encore un peu et d'aller voir un petit lac qui doit se situer quelques centaines de mètres au dessus du camp.
Cette dernière ascension est hardue et non récompensé.
Il y avait bien un lac voilà quelques semaines mais le lac est mort, terrassé lui aussi par une avalanche.
Ce glissement de terrain a été si puissant qu'il ne reste plus aucune trace du lac. Tout son lit a été recouvert par une mer de roches allant de la taille d'un gravier à celui d'un immeuble. J'en frissonne.

Ne reste plus alors qu'à redescendre bredouille de notre lac et à explorer les environs immédiats. J'écris immédiat car plus loin ce n'est plus que précipices, glaciers et à-pics. Derrière le camp de base gisent les restes d'une langue de glace jadis longue de plusieurs kilomètres. Maintenant, ce n'est plus qu'une tranchée géante de laquelle nous proviennent en permanence le son de rochers qui s'écroulent sur tout son long.
Tout ce qui est à proximité est à la merci des humeurs de la crevasse qui va, in fine, tout dévorer quand la faim lui en dira.

Le soir, alors que les nuages finissent de s'occuper à remplir tout l'espace, la soirée va bon train. Tout le monde, népalais, grimpeurs, est content d'en être arrivé ici. Autour de la table, 2 guides dont tout laisse à penser qu'ils sont les meilleurs amis du monde s'étreignent comme des amoureux. Et alors que chacun est de très bonne humeur, je lance un peu à l'emporte-pièce la réflexion suivante :
- "est-ce que vous voulez ma chambre ou est-ce que ça va bien comme ça?"
En deux secondes, je me remémore le conseil de Sudip avant de partir sur le sens de l'humour des guides locaux. Durant le même lapse de temps, il prend à un des 2 amis aimants de vouloir en venir aux mains et de me casser la gueule!!! Qu'est ce que j'avais pas dit! Et dire que ça partait d'un bon sentiment!!!!
La prochaine fois, je me garderais bien de faire des blagues à connotation homosexuelle en direction des népalais. Le moins qu'on puisse dire c'est que ça leur reste en travers de la gorge.
Je ferais donc tout pour ne pas recroiser mon nouvel ami jusqu'au lendemain matin.


Le lendemain matin, donc, c'est le 8ème jour (20 décembre).
A compter de ce jour, je ne résonne plus en terme de jour de la semaine mais en date, ma montre n'indiquant que la date. Je suis complètement déphasé, qu'on soit lundi, jeudi ou dimanche, c'est la même chanson.
Ce jour, j'ai une patate de tous les diables. On a beau s'être réveillés pour voir le lever de soleil sous la brume, je ne ressens plus la fatigue. C'est sans doute aussi grace au fait que, comme on repart du sommet de notre trek, la journée ne devrait se dérouler qu'en redescendant la pente, c'est une douce perspective!

Seul petit désagrément, il fait un froid de congélateur et chose étrange, ça ne fait pas de vapeur quand je respire. Peut-être est-ce dû à l'altitude, à l'air sec, mais toujours est-il qu'à Kathmandou, dans ma chambre non chauffée dans laquelle il fait environ 12-14°, je vaporise à chaque expiration alors qu'ici c'est le désert. La seule chose que je sais, c'est qu'il fait largement plus froid ici aux pieds des géants. J'ai au moins Bangkok en tête pour me réchauffer, du moins en rêve...

La meilleure chose à faire contre le froid, c'est de redescendre. De toute façon, le ciel est en partie bouché, ça ne sert plus à rien de faire patienter les heures de descente.
On se remet sur le chemin peu après 8h, sans réellement savoir jusqu'où on ira. Ca dépendra en grande partie de mon courage et de mon endurance.
Sur les coups de 13h, on s'arrête déjeuner déjà en pole position. On a fait quasiment que marcher et courir quand ça s'y prétait. J'ai du feu dans les jambes et ça fait marrer les oiseaux qui s'envolent comme dirait Cabrel.
On décide finalement que le mieux serait de terminer la journée à Chomrong, dont je vous rappelle en passant que c'est la capitale de l'escalier. D'ailleurs, autour de la table déjeunent d'autres marcheurs et le moins qu'on puisse dire c'est que ça les fait bien rire de savoir qu'on va jusqu'à Chomrong!!! Aucune chance d'après eux... Il n'en fallait pas plus pour me donner la rage d'aller plus loin que tous ces types qui ne portent pas leur sac et que je laisse tous les jours derrière moi depuis près d'une semaine. Si on y parvient, il va donc s'agir de faire dans l'autre sens tout ce qu'on a gravi les 3 derniers jours, voilà pour le programme.

Pas de suspense à faire valoir, compte tenu de tout ce que je viens de dire, on a couru jusqu'en bas des escaliers, que de la descente. Ca va vite, parfois on se fait peur à voir ses chevilles vriller sur une pierre pas très stable mais on domine.
Le sentiment perdure jusqu'à ce que le mur se dresse devant moi.
Comme maintenant je compte en tour Eiffel, je peux te dire que la montée de Chomrong, c'est presque deux fois la tour Eiffel. Et sans la buvette du 1er ET du 2ème étage.
Il me faut près d'une heure pour arriver au bout de mon calvaire.
C'est un peu plus long que prévu mais on a été retenu dans la montée par 3 buffles qui ne voulaient pas nous céder le passage. Sachant qu'une de ces bestioles fait environ 5 fois mon poids, on ne va pas en venir aux mains et on préfère attendre le bon moment pour les doubler. En tout cas, sur le moment, je les remercie car c'est l'occasion de faire une bonne vieille pause. Je ruissèle, la mode n'est plus à la course, tout juste à la marche, et c'est déjà beaucoup.
On retourne avec Sudip dans le même lodge qu'à l'aller c'est à dire dans celui qui jouit de la meilleure vue pour la simple et bonne et inhumaine raison que c'est le plus haut sur la montagne. Ca ne m'avait pas touché dans l'autre sens mais là ça me brise.
J'arrive à l'hotel sur les chevilles à 16h, je suis aussi plat que l'oeuf que j'ai l'habitude de manger au petit dej'... Heureusement pour me remettre de mes émotions, on achète une bouteille de rhum local qui aura le mérite, à défaut de me réparer les jambes, de me redonner un certain coup de fouet.  

Aucun autre touriste du camp de base de la veille n'est venu jusqu'ici, c'est pas mes chevilles qui enflent, c'est mes cuisses!!


Le 9ème jour, j'ai troqué mes jambes de champions contre des jambes de bois.
Je crois qu'on a poussé un peu trop fort la veille, dès que je pose le pied par terre, ça me lance, et pas dans une danse endiablée. Il va s'agir d'y aller doucement et pour une fois, de respecter les durées indiquées sur les panneaux d'information.
Pas trop dur de se la couler douce mais ici, on est pas encore au bout, la paresse je la laisse au placart. On a 5-6h à faire aujourd'hui, c'est l'ascenseur en folie, tantot en descente et tantot en montée.
Du fait de mes courbatures, je suis perdu dans mon appréciation du terrain, je n'arrive plus à savoir si je préfère les montées ou les descentes. Partout j'ai mal aux jambes d'avoir gambadé au lieu de marcher normalement. Fauché en plein vol.

Une chose vient tout de même me remonter temporairement. Après la première heure de marche et comme c'est programmé ici depuis le départ, on passe par un endroit d'où jaillissent de nouvelles sources chaudes. Elles se trouvent tout en bas d'une vallée, le long d'un torrent. On peut profiter des installations à loisir, douche chaude, bain chaud, savonnage, délassement, étirement. Une nouvel tranche de joie!!!
La seule chose, c'est qu'après être descendu ici, il faut remonter rejoindre le sentier principal et qu'une fois atteint, tous les bienfaits du bain chaud ont déjà foutu le camp, je transpire à nouveau à grosses gouttes et il n'y a rien à faire pour que cela ne cesse.
Heureusement, depuis le départ du camp de base, le temps est couvert et c'est une bonne chose pour une fois.

Nouvelle parenthèse pour te décrire que lorsqu'il fait beau et que tu es au soleil, le thermomètre indique facilement les 20°. Mais dès que ce gros feignant de soleil se couche, on perd en une seconde une dizaine de degrés.
Le seul inconvénient est maintenant pour les gens qui arrivent au camp de base et qui ne vont voir que des nuages. Ca doit être un peu les boules de faire tout ce chemin et de ne pouvoir en profiter que pour se regarder le bout des chaussures puisque tout le reste est dans les nuages.

Le soir, on n'est plus qu'à quelques heures de la route et de l'urbanisme.
Notre lodge abrite même en son sein des toilettes version-trône. Ca sent le retour au bercail!!!


Le 10ème et dernier jour, je suis encore un peu endolori mais ça passe, c'est le dernier jour.
Dernière montée, dernière descente, pour un peu, j'aurais presque la larme à l'oeil, mais non, je suis trop content de laisser ça derrière moi pour quelques temps.
On rejoint le taxi qui nous attend. On se paye même le luxe d'être en retard après avoir été en avance sur tout le trek!
En moins de 30 minutes, on fait les 20km qui nous séparent de Pokhara. Si on avait été à Chomrong, il nous aurait fallut quinze jours, ça fait bizarre...


De retour dans un vrai hotel.
La chambre de Sudip est au premier, la mienne au second. En plus, il y a pas d'ascenseur!!!!!!
A partir de maintenant, dès que je monterais des marches, elles auront une toute autre saveur,  c'est moi qui vous le dit!!!


A Pokhara, je retrouve Ursula avec qui j'avais sauté à l'elastique. Les anecdotes défilent au rythme du tilleul.
Le jour suivant, mon dernier à Pokhara avant le retour à Kathmandou, on décide, accompagné de Sudip, de faire une tour en barque sur le lac jusqu'à la pagode de la Paix qui se trouve, je vous le donne en mille, en haut d'un "escalier" de plusieurs centaines de marches. Et cette fois c'est la dernière fois.
Normalement de là-haut, on peut voir très distinctement toutes les montagnes des environs mais pas cette fois, le temps est toujours couvert. Pas de quoi en faire un fromage cependant, juste un gros steack pour compenser ces 10 derniers jours sans viande!!

Le chemin du retour vers Kathmandou passe à la vitesse d'une sieste bien méritée.
Aussi mérité que le droit à une douche chaude et au changement complet de mes vêtements.
Ca faisait bien longtemps, vous ne trouvez pas?


Maintenant que je suis propre,
je vous embrasse envous disant "attention à la marche"!!!!

 
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commentaires

P
<br /> Ouf! Quelles photos! Quels paysages!! Quelle majestuosité!!! J'ai suivi avec plaisir les hauts et les bas de ton trip dans les Anapurnas. Ouf! et re-ouf!<br /> <br /> <br />
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S
<br /> Bien joue P-A!!!<br /> Sitot dit, sitot fait!!<br /> Cela dit comme tu peux le voir, je n'ai aucun merite, c'est juste la devant mes yeux!<br /> A bientot<br /> <br /> <br />
S
Vivement les photos!! Comme j'aurais aimé être avec toi faire ce trek... T'as remarqué que quand on joue au chamois une journée, le lendemain on est plutôt buffle dans ses jambes. T'as pas eu de crampes? Petite information météo, ce matin à 8h30, dans le jardin, -8°! On n'est pas au Népal mais on se les gèle quand même. Au fait, t'avais quoi comme ravitaillement pour ces journées de marche(s)? Et le rhum local, il est à base de quoi? <br /> A mon avis, tu dois être mieux au niveau de la mer thaîlandaise que sur les hauteurs himalayennes. Gros bisous et quand tu entreverras un créneau pour Skype compatible avec le décalage horaire, envoie-nous un petit mail. Papette.
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M
Bravo champion. Je pense que tu vas être fin prêt pour les jeux olympiques à ce rythme là.<br /> Dommege que les photos ne soient pas encore visibles. Gros bisous
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E
OUF... Tu commencais à sentir jusqu'ici c'est dire... <br /> Bon je constate que tu vis toujours aussi dangereusement... D'ici c'est plutôt drole puisque tu finistoujours par t'en sortir...<br /> Aimerais bien te voir sur Skype mais sait pas comment ça marche... J'aurais pu te dire comme le commenataire de ton popa (je crois) m'a fait rire quand il te décrit comme un jeune chiot jamais fatigué!!!!!<br /> C'est tout pour le moment!<br /> Des becs
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