Le moral est variable.
Ces trois derniers jours, j'ai alterné l'exceptionnel à Petra et au Wadi Rum avec le nettement moins exceptionnel sur la journée de bateau pour quitter la Jordanie.
Le climat est inchangé.
Que l'on soit d'un côté ou de l'autre de la mer rouge, c'est soleil à tous les étages, avec un bon vent au grenier.
Seulement pour l'instant il fait nuit. Le ferry vient d'accoster et il me faut franchir à nouveau des barrières douanières pour enfin penser à des jours meilleurs qui ne commenceraient pas avant 6h du matin.
Je ne suis pas en possession de mon passeport, tout va donc consister à remettre la main dessus. Pas d'inquiétude cependant, il est tenu en lieu sûr par les douaniers égyptiens comme ceux des autres touristes ayant pris le bateau. Le jeu va donc être de le retrouver dans la zone portuaire de Nuweiba. L'endroit est assez grand et les entrepots succèdent ici et là aux bureaux de police.
En premier, comme ailleurs, il faut que je trouve l'endroit où on délivre les timbres fiscaux qui serviront dans un 2ème lieu et temps (respire) à garnir mon passeport jamais rassasié.
En tournant un peu, j'arrive à une petite cahute sans prétention. A l'intérieur, le préposé m'informe du tarif en dollars (américains, les dollars). Qu'est que c'est que ce binz? Pourquoi veux-tu que je me trimballe une monnaie d'un pays situé à plus de 10.000 km de là? Le guichetier me regarde avec des yeux hébétés de merlans fris...
Déjà échaudé par toute cette journée d'attente maintenant longue de 11 heures, j'insiste et lui montre mes euros en disant que je n'ai que ça. C'est alors que notre brave monsieur au monopole incroyable me fait le pire cours de l'histoire des échanges mondiaux : 1 euro = 1 US dollar. Je ne sais pas si vous êtes au courant mais ça doit faire au moins 6-7 ans que l'euro n'a pas atteint une telle cotte. Au dernière nouvelle, on était plutôt à 1 euro = 1,3 dollars. D'ailleurs depuis plusieurs semaines, l'euro a tendance à se casser la figure, il va falloir m'aider les français et les françaises, et faire remonter tout ça!!
Le petit monsieur derrière son bureau est sûr de son fait et m'entube comme un grand monsieur. C'est pas la bonne personne ni le bon endroit pour faire un scandale et sortir un carton rouge! Cette gentille magouille passée, direction le bureau des douanes qui n'ont plus qu'à coller le timbre douloureusement acquis et tamponner par dessus.
Et bien je sais pas ce qu'ils boivent les douaniers du coin mais le douanier d'ici me colle tout ça en avant-dernière page! Quel sens de la logique imparable!
Déjà en Jordanie, ils m'avaient fait le coup en sautant environ 10 pages mais là, ils ont sauté le passeport entier!!!
Je récupère quand même mon bien, il est GRAND temps de partir. Il est 19h30, et j'ai mis 12 heures pour faire 50 km en bateau rapide!!
Au début, tous les touristes à sacs-à-dos rencontrés dans le ferry (et pas sur le ferry, damned!!!!), avaient prévu d'aller directement à Dahab, une station balnéaire à 45 minutes de Nuweiba. Ca semblait un bon plan pour eux sans exception mais pas pour le Braïce. Dahab a tout l'air d'être un supermarché touristique, de taille réduite certes, mais supermarché quand même, je vois déjà le coup où une échoppe sur deux vend des souvenirs ou de la crème solaire. Qui plus est, le LP indique qu'à Nuweiba-village "se trouve le meilleur camp de tout le Sinaï dont le propriétaire tente et réussi à recréer un coin de paradis perdu". Impossible de passer à côté d'autant que le camp en question a les pieds dans l'eau.
Mais vu l'heure qu'il est, tout le monde décide que cette idée est excellente et qu'il est trop tard pour rejoindre Dahab en voiture, sachant en plus qu'un taxi commandé de nuit est forcément plus cher que de jour. Quand en plus on connait les taxis... je sens que j'ai pas fini d'en parler sur le blog. Si j'avais le temps peut-être serait-il même bon de faire un chapitre entier "tous les trucs négatifs qui me sont arrivés en 2 ans avec les taxis", avec ça je suis sûr de pouvoir faire des pages, et des pages. Et des pages. Et des pages. Et des pages...
Point positif, je vais pouvoir profiter de toute cette soudaine affluence pour partager les frais du taxi qui m'amènera à l'hotel.
En fin de compte, on est 5 dans le taxi qui est une fourgonette. Grace à une des 2 australiennes qui négocie les prix comme on entre dans l'arène, on obtient pour sûr un excellent tarif vue la racaille qui négocie en face.
A 20h, on arrive au camp, enfin...
Camp n'est pas un joli mot mais si on ajoute "Soft Beach" devant, c'est tout de suite beaucoup mieux.
Théoriquement, je pense que je vais rester ici environ 3 jours. Plus si il est possible de faire des bonnes plongées, on verra bien quand il fait jour.
Pour l'instant, concentrons-nous sur le camp et ses environs immédiats. Passant l'entrée jusqu'à la réception, sur le côté s'étendent plein de petites huttes de bois à l'allure modeste mais robuste. Elles sont les pieds dans le sable, un sable pas aussi fin que ceui du Wadi Rum mais confortable à souhait quand même, si on veut on doit pouvoir passer la journée pieds nus. Que demande le peuple? Et bien, pile çà!!!
Devant nous l'entrée vers la réception est une des entrées de l'espace principal et commun. Une lumière tamisée, des coussins installés autour de tables basses où les gens mangent ou se prélassent, des objets de déco divers et variés répartis sous un toit en palmes traissés, un chat qui dort, rien ne manque.
On a pas encore vu la plage mais ça sent déjà bon le bord de mer avec une ambiance relax et un climat chaud indiquant que la température de l'eau n'est pas celle de la Bretagne (NDLR : Quoi, Qu'est qu'il y a les bretons?).
On est gracieusement accueilli avec un jus de fruit maison. Dixit le manager : "C'est pour moi, remettez-vous de votre longue journée et ensuite je vous montre vos huttes et je vous donne les tarifs". Et bien puisque c'est comme ça, je vais prendre un jus de fruit s'il vous plait! Les minutes qui suivent se gouleillent lentement, le temps d'apprécier pour la première fois les lieux qui sont calmes et reposés comme nous. Il doit y avoir une douzaine d'autres voyageurs, aucun stress, tous respirent l'herbe fraîchement coupée.
On lève très provisoirement le camp pour reprendre nos sacs obèses, direction : les bungalows.
Très sommaires : un matelas, des draps propres, un oreiller, une moutisquaire, une ampoule pour la lumière et le tour est joué.
Le prix traduit : 5 euros / jour avec le petit déjeuner, de l'eau chaude dans les douche; Où est-ce que je signe?
Seul bémol : pas d'internet, ça va faire 4 semaines sans wifi donc sans photos et le reste pour ton esprit versatil, et sans Skype en permanence pour être sûr de tomber sur les Rousseau dont le foyer s'est sans doute déjà multiplié par 2. Faudra trouver une solution.
Retour au restocamp. Je m'installe et comme d'hab, j'ai les canines qui transpire.
Seulement pour la première fois du voyage, je suis dans un endroit où, de par sa situation, on sais y faire questions fruits de mer et poissons grillés. Plaisir des papilles, je jette mon dévolu sur un plat de crevettes en sauce. A 5 euros le plat, elles vont prendre cher les crevettes et je parle pas que de ce soir!
L'assiette est cuisinée avec amour et est garnie avec une pelle (ou une grosse louche). Je sens que je vais aimer donner de l'argent à ces gentils hoteliers cordons bleus.
Le repas fini, rejoins par une partie de la bande du soir, je file sur la plage pour tremper mes orteils et avoir un aperçu nocturne de l'agencement.
La plage commence dès qu'on pose le pied en dehors du restocamp en direction de la mer qui fait valoir ses fines vaguelettes à 30 mètres de là. Sur le chemin de l'eau, sont disposés, Ô merveille, différents endroits où on peut d'une façon ou d'une autre se détendre à toutes heures du jour ou de la nuit. Hamacs, petits toits de bois montés sur tronc et protègeants coussins et bougies, chaises longues ou courtes de bois itou recouvertes d'encore plus de coussins, il y en a pour tous les gouts pourvu qu'on aime les coussins. A part un fakir, je vois pas qui pourrait avoir quelque chose à redire...
Moi, sur le moment, j'ai pas à me plaindre sauf que je vais pas illico m'affaler comme c'est pas permis, j'enlève mes flipflops et vais plonger mes arpions dans la mer rouge pour la 1ère fois. L'eau est tiède limite froide. Je me rendrais compte que je deviens difficile en apprenant le lendemain qu'elle est à 25°! En tout cas dans la minute, je vais pas me baigner plus profond que les chevilles, elle est froide!
Je ressors, reste pieds nus dans le sable jusqu'au restocamp (NDLR : on va rester sur restocamp pour décrire le "lieu commun où on lézarde, mange, boit, branche ses appareils électriques genre laptop pour t'écrire ma vie". C'est plus simple même si ça sort comme souvent de nulle part). Le temps de ne faire qu'un avec une bière fraîche et minuit sonne. Je baille aux corneilles de m'être levé à l'aube.
Un brossage de dents plus tard, je m'endors sans descendre la moustiquaire. Vous avez dit erreur?
Cette même nuit, vers 3h du matin, un vrombissement comme un réacteur d'avion en plus aïgu dans mon oreille. Le pire son possible pour le Braïce d'autant plus quand il dors depuis plusieurs heures : le moustique qui vole à 2cm de mon tympan. Dans la millisecondes, je suis tiré de ma béatitude, tous mes poils hérissés, me débattant tel un épouvantail articulé pour faire reculer l'assaillant. En plus n'étant pas prévenu à l'avance, j'ai pas ma lampe près de moi, je sais plus où est l'interrupteur. Comme si la guerre du sang ne suffisait pas, c'est aussi une guerre des nerfs.
Ayant retrouvé toute ma lucidité, une autre surprise, ça me gratte déjà de partout, j'ai déjà été le plat de résistance de quelques uns de ses cannibals. Cerise sur le gateau, j'ai sur le front 3 piqures parfaitements symétriques, une à gauche, une au milieu, une à droite. Espérons que ça s'estompe avant le matin car ça gratte et, si j'avais eû la lumière et un miroir, j'aurais pû dire que c'est ridicule.
Seule solution pour que la situation n'empire pas : descendre la moustiquaire et en faire un camp retranché impénétrable pour l'ennemi ailé. Tant bien que mal j'y parviens et me rendors jusqu'à une heure avancée de la matinée si tant est que 9h45 est une heure tardive pour un réveil à la plage. Pendant ce temps, les chacals doivent voler au dessus de ma tête et chercher l'ouverture mais c'est pas cette fois que ça se reproduira.
Pour demain (jeudi 6/11) en tout cas, je suis prévenu...
Le matin du jeudi, réveil du corps, réveil des papilles, même combat. Le petit déjeuner inclus dans ma nuit à 5 euros est un buffet à volonté. Des salades, du pain, de la confiture, du miel, un jus de fruit, du thé, de quoi voir venir. Quoi? La plage!
Nouvellement arrivé à Nuweiba, cette sortie matinale est aussi l'occasion de se rendre compte du paysage immédiat.
Lorsqu'on est dos à la mer, qu'on regarde vers l'Egypte, une barrière montagneuse sombre s'élève juste derrière l'hotel.
Lorsqu'on est dos à l'hotel, qu'on regarde vers la mer, le récif de corail énumère toute la palette des bleus. La mer ne faisant en face de Nuweiba que 20km de large, on voit aussi derrière l'étendue bleue, l'Arabie Saoudite dont on apprécie ici également des montagnes mais aux couleurs claires et tranchantes.
Au nord, on distingue également Eilat en Israël et Aqaba en Jordanie.
Toutes ces perspectives donnent à la vue depuis le camp des airs uniques, l'endroit est un hâvre de tranquilité et l'horizon le lui rend bien.
La tranquilité est telle qu'ici, le temps n'a plus cours. Les vacanciers se découvrent tous à rester plus longtemps que prévu.
D'ailleurs le premier jour et pour la première fois, je fénéante, je paresse, je me dors la pilule. Des hamacs aux chaises longues, dix pas à faire. Des chaises longues à la mer, dix autres pas. De la mer au restocamp, 30 mètres, un effort suffisant pour vous creuser l'appétit ou la soif.
Le soir tombé, je n'ai pas fait grand chose d'autre que ce doux manège et c'est très bien comme ça. Reste une responsabilité, trouver une connection internet pour avoir des nouvelles de notre douce France. 1/2 heure de recherche plus tard + 10 minutes pour que la charette veuille bien avancer un peu, me voilà sur la toile pour la première fois depuis une semaine, c'est l'heure d'aller à la pêche aux nouvelles.
Et bien, un flash spécial m'attend. Ou plutôt LE flash spécial m'attend. Ca doit faire la une des journeaux chez vous mais le 4 novembre est passé par là et a accouché d'Elodie et Morgane. 9 mois qu'on avait les genoux qui tremblent, le coeur qui palpite, les poils dressés.
Obama n'a qu'à bien se tenir, il n'aura droit qu'à une brève en quatrième de couverture... Félicitations puissance des millions. Attendez donc que je vous fasse des bises les Rousseau, ça risque d'être tellement intense que vous allez être couverts de suçons!!
Comparé à cette info brûlante, tout le reste n'est que broutilles, pas la peine de s'éterniser sur internet sachant qu'en plus le réseau est aussi inconsistant qu'un discours du front national...
Retour à mes foyers. La nuit me tend ses bras grands ouverts. Quelques discussions rapides plus lojn, je retrouve mon chez-moi.
La moustiquaire est prête à être descendue, la guerre du sang reprend son souffle. La lumière est éteinte, je me glisse furtivement dans mon abri anti-aérien. Tout est OK.
Je m'endors lourdement de tous les efforts consentis dans la journée. Soudain, incroyable, il doit y avoir une brêche dans la défense, les attaquants d'en face tournoient autour de mon visage incrédule de m'être laissé envahir. En plus, comme la veille, ça me gratte déjà de partout, c'est déjà le deuxième round!
Eclair de lucidité, accès de colère, prise de conscience aussi informative que vaine : Les salauds d'en face étaient déjà dans la moustiquaire dès la première minute. Ils sont drolement fortiches les enfoirés volants!! Y'a donc rien à faire dans le coin pour dormir du sommeil du juste! Parce que là, c'est juste l'apocalypse dans ma tête. Pas de produit anti-moustiques, je ne pensais voir les moustiques qu'en arrivant en Thailande. Pas de patience, mais alors pas du tout. Rien d'autre pour répondre à l'assault des voltigeurs qu'une rage contre cette foudre qui s'abat sur moi et qui me démange dans tous les sens du terme.
Finalement je décide de me couvrir de la tête aux pieds. J'emmitoufle chaque pore de ma peau sous tout ce que je trouve de tissus. Les pieds dans des chaussettes. Les mains dans des chaussettes. Le tronc dans un T-shirt à manches longues. La tête dans un T-shirt à manches courtes. Les fesses dans mon jeans. Et le tout enveloppé dans mon sac à viande. J'ai perdu une bataille mais la guerre est loin d'être finie... En tout cas, enrobé comme un bonbon, je vois pas comment ils peuvent maintenant parvenir à leur fin de substanter leur faim.
Et pour cause, le petit matin arrive, le mur contre les moustiques a tenu bon. Pendant ce temps, j'ai chaud pire qu'aux bains turques. J'aurais sans doute dû aller dormir sur la plage, mais dans ces cas-là, on ne réfléchit pas rond mais en gribouillis, c'est beaucoup moins bien structuré!
Le réveil sonne l'heure du petit déjeuner. J'ai la désagréable impression d'avoir dormi moins longtemps qu'un éphémère. La première chose, mettre mes lunettes de soleil, elles ne me quitteront pas de la journée pour des raisons autres que la lumière aveuglante du soleil; une allumette allumée suffirait à m'écorcher la rétine.
La bataille a laissé des traces que la pratique d'aucune activité physique servira à effacer. Petit effort quand même des neurones, j'écris du début de l'après-midi jusqu'aux environs de 22h au restocamp affalé sur une dizaine de coussins que je réquisitionne pour l'occasion.
J'y suis donc lorsque le soleil se couche. Vous allez dire que je fais une fixation, mais la lumière de l'écran d'ordinateur agit comme un aimant sur qui vous savez. En quatre heures de temps passées à écrire de nuit, je deviens expert dans l'art de démoustiquer. Je claque des mains à tout va passant d'une moyenne de un moustique tous les 3 clapements à un record de 3 moustiques en 1 seul clapement.
Seulement ces imbéciles d'insectes ne comprennent pas au fur et à mesure que je suis une bête sauvage et que partout autour de moi ça sent la mort; ils continuent à se présenter comme on participe à un concours de mangeage de flancs. ils n'en ont jamais assez, moi oui.
Je demande avant d'aller me mettre sous mes draps à tous les personnes présentes au restocamp de me sortir leur répulsif. 5 bouteilles et sprays tombent du ciel, j'en fais un joyeux cocktail ne laissant rien au hasard, je sens les produits chimiques à des kilomètres mais au moins, je vais bien dormir.
En effet, aucune trace des combattants ce soir-là, je dois vraiment sentir un truc qui leur convient pas.
Enfin je fais une nuit de plus de 8 heures qui ne précède pas une journée commençant à 6h du matin.
Je suis frais comme un gardon et ça se voit. Comme je suis au camp depuis 3 jours, je suis non seulement familier des lieux mais également de ses occupants sans restrictions. Tout le monde commence à connaître le Braïce, son caractère et son prénom. Je commence à comprendre les gens qui s'éternisent ici... Personnellement, j'ai trop à voir en Egypte pour prendre le temps de m'éterniser ici, sachant qu'en plus j'ai coûte que coûte envie de passer plus de temps au bord de la mer Rouge pour plonger voir nos amis poissons et coraux multicolores. Pas possible de le faire à Nuweiba, vous allez comprendre...
Au cours de la journée, je décide d'accompagner une petite new-yorkaise pour un tour de village, quoi y'a pas de mal?
Je quitte pour la première fois le camp autrement que pour chercher internet.
L'itinéraire suit la mer à l'aller pour revenir par l'unique route du village qui le traverse de part en part ( par en par? par emparre? pahrahnpar?).
La plage nettoyée quotidiennement du Soft Beach n'a rien à voir avec ce qui suit. La marée chariant tous les déchets possibles et inimaginables, toutes les plages hormi la nôtre sont assaillies de bouteilles, sacs plastiques, j'en passe et des pires... Pas de clients dans les hotels, personne pour s'occuper de la plage. Ce spectacle se prolonge tristement jusqu'à la fin de la baie. On poursuit un peu pour se poser sur le sable voire même piquer une tête et là on tombe sur 2 campings-cars stationnés sur la plage déserte. Une famille déjeune devant l'un d'eux. Ils sont français, ont fait tout le chemin depuis Nantes depuis 4 mois. Ils voyagent à 6!!!! 2 parents, 3 enfants d'ages supérieurs à 6 ans, et 1 chien grand comme un poney! Leur destination finale, Le Cap en Afrique du Sud, prévu pour dans 6 mois. Et là je dis chapeau!!!!
Ca me rappelle que dans la journée ferry pour rejoindre L'Egypte, j'avais croisé également une famille de 3 enfants en camping car dont les enfants étaient agés de 13 mois, 3 et 5 ans!!!! Ils sont partis d'Allemagne il y a 5 mois, ce qui fait que le plus jeune avait 8 mois à ce moment là. Re-chapeau!!!!
La plage sur laquelle sont stationnés les français, n'est pas beaucoup plus propre que les autres, le meilleur endroit pour nager est encore au camp, retour par la "rue principale". Dans le village, deux mini-marchés, trois boutiques de souvenirs et d'artisanat local se battent pour capter l'attention des passants. Et pour cause, on ne croise pour ainsi dire personne. Tout le long de la baie longue de 2km se succèdent les hotels bons marchés et les restaurants de plage, mais on y voit pas l'ombre d'un client ou vraiment à peine. Certains des hotels ont les toits qui s'effondrent, ça fout la frousse et donne un aspect de ville fantome.
On apprend en discutant avec un vieux bougre que le village était à l'origine conçu pour accueillir les touristes israëliens, d'autant plus nombreux que leur pays se trouve à quelques kilomètres. Seulement avec le climat de tension perpétuel, le gouvernement israëlien a conseillé à ses ressortissants de ne plus passer la frontière avec l'Egypte. Et bien on peut dire qu'ils appliquent plus qu'à la lettre les consignes et ce, au grand damne des habitants de Nuweiba qui seraient ravis de revoir fleurir les kippas (qui pas? qu'ipah?).
Voilà donc l'histoire triste du jour...
Pour noyer mon chagrin, rien de tel que de piquer une tête et de boire quelques larmes de mousse.
Ca passe d'autant mieux que je me retrouve aussi invité sur le sable à voir si il y a du monde sur la corde à linge en compagnie notamment d'un guitariste chanteur qui blues de plaisir.
L'après-midi avance bon train. Je suis en mode "veille" mais toujours pas rassasié. Loin de là. Il faut profiter de chaque minute.
Avec un norvégien végétarien, fan d'escalade, affuté comme un rasoir, iI avait été question dans la matinée de grimper sur une des montagnes derrière l'hotel pour savourer le coucher de soleil. C'est d'autant plus indispensable que chaque crépuscule a jusqu'à présent été plus beau que le précédent. Le soleil se cache derrière cette barre vers 15h45 et l'obscurité n'est totale que 2 heures plus tard, ça laisse du temps aux couleurs de se diversifier et à la lumière de se photogéniser(?!?).
A 15h15, je vois mon sportif dormir comme un phoque sur la plage. Moi qui suis déjà bien calmé, on peut dire que lui, il ne fait qu'un avec le marchand de sable. D'ailleurs il dort sur tout son stock. J'ai des doutes sur nos capacités d'arriver à quoi que ce soit dans ces conditions...
Malgré tout, je vais le réveiller, le tenter, le retenir, l'encourager, le freiner, semer le doute.
A 15h25, croyez-le ou pas (de toute façon vous verrez un jour ou l'autre les photos, ne perdez pas patience), on est sur le chemin du départ.
En quittant la plage pour prendre mes affaires, je tente d'ouvrir le bungalow se situant juste avant le mien, ça ne s'ouvre pas, c'est sans doute pour ça.
On attaque la montagne à proprement parler à 15h35. 10 minutes après, comme le veut la logique, le soleil se cache derrière. On a pris nos lampes au cas où... Mais il ne ferait définitivement pas bon rentrer à la nuit noire car la pente n'est qu'un amas grossier de pierrailles coupantes.
On monte; au début c'est pénible et le norvégien a vite retrouvé ses habitudes sportives. Une sauterelle n'irait pas plus vite. Si c'était un cartoon, on ne verrait même plus ses jambes. Faut pas faire attendre, tentons de suivre la cadence. Le robinet de sueur déverse à grandes eaux, et pourtant je suis le randonneur le plus chic du monde. Adidas blanches ou presque, et chemise en soie blanche immaculée presque réfléchissante à n'utiliser qu'en cas de lessive du reste des T-shirts et c'est le cas.
La pente continue du début se termine quelques centaines de mètres devant nous, après c'est un mur tirant sur la verticalité, j'exagère à peine. Cette même différence d'inclinaison et de nature de promenade re-descent jusque sur notre gauche et sur notre droite. On est cerné de flancs asserrés. Trois options, s'arrêter là et en profiter malgré tout, faire demi tour vu qu'on arrive à rien, biffurquer sur un des côtés et tenter coûte que coûte.
Et bien?
Of course, réponse 3!!!!!
Le norvégien ne compte forcément pas s'arrêter là! Comme dans pareille situation, on ne se sépare pas. J'ai encore choisi le bon cheval...
La ballade tient maintenant plus de l'escalade, il faut assurer ses prises et si tu tombes, au mieux tu te fais mal. Manque de bol supplémentaire, la montagne malgré ses airs massifs est un géant aux pieds d'argile, très souvent si on y prend pas gare, les blocs et les arrêtes auxquels on s'agrippe se détache d'eux même. Je vous cache pas, que si je continue à avancer, c'est parce que le norvégien est 30 mètres devant, et qu'à chaque fois qu'il se retourne et me voit pire qu'en galère, il me répète sans cesse pour me rassurer : "jusqu'ici tout va bien..." (on connait la suite : "mais l'important c'est pas la chute mais l'atterrissage..."), "après c'est mieux". Moi, j'espère juste que c'est moins pire...
Alors que je lutte, tremblotant, je vois mon viking aux bottes de 7 lieues sur le sommet visé, les bras en l'air en signe de victoire. Je suis à vue d'oeil 10 minutes derrière, la lumière tombe, pas question de faiblir. Pas question non plus de faire demi-tour, l'escalade dans le sens de la descente, personne ne pratique plus depuis la semaine dernière... (sic)
Petit à petit le visage souriant presque moqueur de la sauterelle nordique se rapproche. Je montre les dents, pousse dans un dernier effort, fais attention à ce que ça ne s'écroule pas sous mes pieds, et j'y suis.
Notre sommet fait moins d'1/2 m², autour ça tombe vite. On prend les photos de rigueur. Pour que mon équipier ait sa photo avec le ciel coloré derrière, il faut qu'on se contourne. Lui virevolte, moi j'ai les chevilles qui flagèlent.
Pour redescendre, il faut passer sur l'autre versant un peu moins abrupte mais pas plus réjouissant. Je suis toujours plus souvent à quatre pattes à m'accrocher où je peux. Toujours à gauche ou à droite, ça penche trop pour ne pas dévaler pendant de longues secondes potentielles en cas de vautrage. Parfois on ne peut plus avancer car partout devant ça tombe. Le jeu consiste à suivre la crête ou à prendre les profonds sillons creusés entre les pierres. Le sillon se transforme en petit canyon haut de deux fois ma taille, c'est trop étroit pour qu'on puisse voir ce qu'il y a après chaque virage, d'ailleurs on en rigole. En tout cas, on descend et c'est le plus important. Le demi-tube se poursuit, on y est presque, je suis (du verbe suivre ,surtout pas être) l'homme qui valait 3 milliards quand une dernière fois il s'arrête. Dernière trouille, la voie se termine par un trou de plusieurs étages, on a bien fait d'en rire!
il suffira de remonter un peu et de faire le tour pour se sortir de là et retrouver la première pente du début, quand il faisait soleil.
Maintenant, on voit encore clair, le ciel, la lumière est sublime. Les montagnes d'Arabie Saoudite sont encore éclairées, ça me rappelle la sensation au Wadi Rum où on peu prendre mille et une photos sans qu'une seule ne soit à jeter. En plus, on a vaincu en partie la montagne, et j'ai dératisé en totalité les fourmis qui jadis étaient dans mes jambes. Je suis cuit. Ai besoin d'une bière et d'un repas chaud. Ca tombe bien, au Soft Beach Camp, on boit et on mange à toute heure.
On s'installe sous les yeux écarquillés des personnes que j'avais laissées sur la plage.
La nuit tombe.
Ce soir là je suis comme à la maison, privilège de celui qui connait déjà bien les murs.
Je passe de tables en tables, de lampées de bière en lampées de bière, euphorique de cette journée déjà bien remplie. Et malgré l'ambiance, le jour suivant, je pars c'est déjà décidé, je peux pas faire mieux que cette journée, rien ne sert de tenter le diable pour essayer de faire encore mieux le lendemain.
Le lendemain en question, ça ne pourra être que pire, j'ai trois bus différents à attraper, 17 heures en perspective si le LP a raison et si j'arrive à enchaîner les bus les uns après les autres, 900km de patience à l'évidence et d'inconfort en théorie.
Le départ est pour 6h du matin à la sortie du camp, douleur pupillaire au programme...
L'arrivée du dernier bus de la nuit suivante sera à Marsa Alam, petite bourgade perdue le long des côtes de la Mer Rouge. Si tout va bien dans 2-3 jours, je replonge dans le grand bain des fonds coraliens.
Avant d'y être, pensons déjà à dire au revoir à mes hôtes et à mes compagnons.
Je vais sur le chemin du lit à 0h30 alors que la très grande majorité des voyageurs est déjà partie se coucher. Un brossage de dents suivant, alors que je suis à 10 secondes de ma hutte, je croise Ally et Helen, soeurs britaniques, et leur ami Momen, égyptien de nature.
-Ah bon, tu pars demain, c'est trop bête... Et vu que tu n'es pas encore parti, on était juste en train d'aller se baigner, tu voudrais pas nous rejoindre? Allez!!
-Non, là, franchement je suis nase, elle est froide, et j'ai pas envie de reprendre une douche après. C'est gentil mais non merci, c'est pas raisonnable.
-Allez!!! Vis un peu!
La petite effrontée a mis le doigt là où ça fait mal, a trouvé l'argument ultime. La journée avait beau être riche, c'est jamais assez.
-Vous êtes sûr que c'est absolument indispensable? Pfffff... bon ben je vais chercher mon maillot...
1/2 heure dans l'eau à faire les marsouins, voilà ce qu'il s'en suit. Ca paraît pas, mais c'est vachement long. Et crevant. J'ai besoin d'une bouée.
Les derniers "salut, à plus, profite bien", la douche, le remplissage des sacs avec mon maillot de bain et serviette trempés qui devraient sentir le bon chacal séché en rouvrant le sac plus tard, le temps de se dire ensuite que je n'ai rien perdu ni rien oublié, le réveil est branché à 5h dans l'espoir d'ouvrir un oeil pour partir en ayant profité en partie du lever de soleil. (NDLR : jamais écrit une phrase aussi longuement alambiquée, désolé)
Je m'endors sous ma moustiquaire de combat à 2h30, pourvu que je ne sois pas dérangé!!!!!!!!
Et bien non, je ne suis dérangé par rien d'autre dans mon sommeil que par le réveil MP3 qui hurle AC/DC pour bien me faire comprendre que maintenant c'est l'heure d'en mettre un coup.
Dans la minute de ténèbres qui s'en suit, je finis de boucler mes affaires, héroïque au milieu de la nuit, personne pour fêter ça. A 5h05, je suis sur la plage avec ma maison portable. Une chaison longue, non, trop risquée. Une chaise courte, parfait. La lumière apparaît derrière la mer, c'est joli.
A 5h50, je suis parti sans que cette ordure de soleil ne soit encore sorti de sa tannière derrière les montagnes. Mais, déjà bien content d'en être arrivé à ce point sans me rendormir sur moi, il est temps.
Temps de prendre le bus mais aussi d'arrêter d'écrire. Je pensais rattraper le temps perdu dans le récit en te narrant "Quelques jours à la plage parmi les moins intéressants pour toi depuis le début du voyage", et bien caramba, c'est encore raté. Juste pour que tu aies une idée, j'ai encore une semaine de retard...
Tu n'as pas en plus les photos depuis la Cappadoce soit environ 5 semaines de retard de plus. Et pour les vidéos, c'est le même topo.
Et là, je te vois déjà brandir un carton jaune de colère, mais saches que sans un bon cheval, le meilleur turfiste, et bien il peut pas gagner le tiercé. Si j'ai pas le débit adéquat, le transfert, c'est juste pas possible...
En tout cas, je salive d'avance pour toi qui n'a encore rien vu de tous ces endroits syriens, jordaniens et maintenant egyptiens voires sous-marins.
Mes biens chers frères, mes biens chères soeurs, c'est pas que je m'ennuies mais j'ai 3 bus à prendre!!!
J'vous tamponne de mes baisers.