Sympathiquement renvoyé de la finance mondiale à faible responsabilité alors que la démission se profilait, très débrouillard mais pas très manuel, capable de gravir une montagne mais pas sportif, titulaire du permis de conduire sans savoir, vivez mes aventures baroques autour du monde!
Dimanche matin, pratiquement comme tous les dimanches, le réveil sonne avant que le coq ait une chance de chanter. Seulement ce dimanche, les autres tout comme moi, on est plus feignants que d'habitude. Je me lève malgré tout à l'heure pour prendre la température auprès de mes camarades, personne n'a envie de sortir de ses draps, on ira voir l'aube sur Petra le lendemain...
On se rendort sans fixer le réveil, on verra bien de quel bois on se chauffe plus tard... La malédiction se poursuit, je suis encore le premier debout. C'est le moment d'en profiter, en plus de la douche quotidienne, je me rase pour la première fois depuis 3 semaines. Finie la barbe de la jungle. A 9h, je réveille les autres, pas question d'attendre plus longtemps.
On arrive à Petra vers 10h30, c'est l'heure de pointe. Il va vraiment falloir qu'on en mette un coup le lendemain matin pour devancer le troupeau. On traverse le Siq. C'est toujours aussi impressionnant et sans aucun doute ce que je préfère à Petra. Il semblerait que pour le troupeau il en soit tout autre. Tous les gens ne voient les alentours que sur les écrans minuscules de leur appareil photo numérique. Ils semblent tous attendre de voir le Trésor pour déclencher les ostilités oubliant que le siq est une merveille géologique, un endroit sans pareil.
En arrivant devant le trésor, comme la veille c'est la foule des grands jours. Martha et Jamal prennent quelques clichés mais impossible d'avoir le trésor dans le champ de la caméra sans avoir aussi le flot des touristes. Je me charge donc de faire la police de la photo sur la place surchargée. Le carton jaune dans une main, le carton rouge dans l'autre, je fais valoir mon autorité naturelle en brandissant mes sanctions de couleurs. Certains ne comprennent pas tout de suite ce qui leur arrive, le jaune se transforme en rouge. Les sourires se tranforment en hilarité générale chez mes coéquipiers.
Moi je ne prends pas de photos, de toute façon, comme on sera les premiers le lendemain, rien ne presse.
On quitte le Trésor sur ces bouffoneries. aujourd'hui (Samedi) il va falloir sortir du sentier principal et comme le site de Petra est immense, ça ne va pas être trop dur de trouver un itinéraire bis. Décision est prise de tenter l'ascension de l'Umm Al-Biyara. C'est une montagne aux allures infranchissables car ses flancs ne sont pas obliques mais se dressent aussi droits que mes cartons lorsque je les brandis.
La promenade commence par un chemin tranquille qui nous fait voir de nouvelles caves creusées dans la roche, certaines ne sont que des trous larges d'un mètre ou deux, d'autres sont encore de grande façades érodées. Grace au LP, on trouve notre chemin qui biffurque pour se diriger droit vers la paroi verticale. A vue d'oeil, c'est impossible d'aller plus loin. A vue de carte, c'est largement jouable. En effet, comme la veille pour se rendre au monastère, un chemin délicat composé de marches taillées dans la pierre se dresse presque à pic.
L'ascension est longue et plus ou moins pénible selon qu'on soit physiquement en forme ou non. En ce qui me concerne, même si je transpire à grosses gouttes et que je porte dans mon sac à dos l'essentiel de notre pic-nic à venir (y compris 3 grandes bouteilles d'eau), je sème encore mes équipiers qui auront tôt fait de ne plus me considérer comme un fumeur apathique; c'est à mon tour de rigoler lorsque chaque fois qu'ils me rejoignent, ils passent 10 minutes à essayer de retrouver leur souffle. La montée dure une bonne heure uniquement sur ces escaliers fragiles et inégaux. Le plus souvent, d'un côté la montagne nous jauge de tout son haut, de l'autre c'est le vide à faire peur.
On atteint le sommet en ordre dispersé autour de 13h. Là-haut, il n'y a personne, nous sommes seuls à profiter du spectacle ce qui exhale encore un peu plus le sentiment du devoir accompli. A 360°, pas un point plus haut que le notre, on domine Petra et les vallées alentours, superbe spectacle à l'heure du déjeuner.
Menu du jour : Houmous, vaches qui rit, fruits et pain frais. en plus on a de quoi nourrir, au niveau quantité, un groupe d'une dizaine de personnes. Ce sera tout pour.nous, largement assez pour ce faire exploser la ceinture.
A l'issue du repas, une sieste est même votée. et on a beau s'être recouchés ce matin, ce sommeil-là vient immédiatement et est on ne peut plus réparateur.
Au réveil, la vue est toujours là, je me réjouis pour ne pas dire plus.
L'après-midi, à ce rythme, avance sacrément vite et comme ici, il n'y a pas le moindre bédouin pour nous ramener à bon port, il faut partir pour être rentrer sans avoir à courir pour éviter de dormir dans la montagne ou tomber dans un gouffre en trébuchant sur une marche glissante.
D'ailleurs, en parlant de trébucher, je vous épargne les détails mais en quittant notre lieu de villégiature de l'après-midi, je suis parti le premier pour soulager ma vessie. A un endroit, il fallait descendre un endroit qu'il faut escalader sur 2 mètres dans le sens de la montée. Pour descendre, tout grimpeur vous dira qu'il faut toujours faire face à la montagne pour avoir un meilleur contrôle. Je connais cela par coeur. Mais sur le moment, l'empressement urinaire était tel que je suis descendu dos à la montagne. Bien mal m'en a pris, à la retombé sur le sol, je suis un minimum déséquilibré, suffisamment pour que tout mon corps pivote et que le mouvement m'entraîne dans le vide. Heureusement pour moi, je sais me servir de mes bras. Mon bras droit saisit la montagne, je retrouve l'équilibre mais m'arrache la moitié des ongles dans l'opération. C'est mieux qu'autre chose même si il n'y a propablement pas de manucure à Wadi Musa. Je devrait m'en passer... Je me suis donc fait une belle frousse, même si 2 minutes plus tard, je n'y pense même plus, seul la vue de mes ongles martyrisés me rappellera la mésaventure jusqu'au passage au coupe-ongles.
La descente des marches se fait tout tranquillement, le soleil masqué par la montagne. Les jambes sont encore endolories par la montée du matin, mais j'ai encore la pêche. Une fois en bas, il faut encore marcher plus d'une heure pour rejoindre la sortie principale, ce n'est donc pas un mal d'avoir gardé un peu d'énergie.
On repasse devant le Trésor dans la pénombre du soleil couchant, tous les veaux sont partis, c'est un bon avant-gout de ce qui nous attend le lendemain matin.
Le Siq derrière nous, il fait enfin nuit, et ça y est, j'en ai plein les pattes, comme les autres...
En sortant, les taxis tentent de nous extorquer des tarifs pour nouveaux venus. Mais on est là depuis deux jours, et chaque fois que le tarif est inapproprié et que le chauffeur ne consent pas à le baisser, il se voit adresser un carton jaune en retour. En s'éloignant un peu, on attrape finalement un taxi abordable pour rejoindre l'hotel. Le "all-you-can-eat-buffet" nous attend. Quatre assiettes seront encore nécessaires pour me rassasier. J'ai la sensation qu'en voyage, je pourrais manger sans m'arrêter et ne jamais avoir la sensation d'être plein.
Après dîner, des bédouins jouent de la musique, du oud, c'est charmant. Et comme ce soir là, je tourne à la bière fraiche, je finis par danser comme un dératé provoquant une nouvelle fois l'hilarité générale.
Ces nouveaux efforts auront vite fait de me renvoyer à mon lit. Il est quand même près de minuit lorsque je ferme les yeux. Le réveil est fixé à 5h45. Le site de Petra ouvrant à 6h, il s'agira de sauter dans nos pantalons pour attaquer une nouvelle journée fatigante mais gratifiante. En plus, aujourd'hui on a réservé nos places pour le lendemain soir assister au spectacle de Petra-by-night, le Siq et le Trésor éclairés de 1500 bougies, ça promet!!!!
En attendant, place à la récupération.
Lundi matin, 5h45, le réveil sonne, il est l'heure d'aller bosser. Pas moyen de repousser l'échéance, c'est sans doute mon dernier jour à Petra.
A l'instard d'un capitaine de soirée version matinée, je réveille mon petit monde. Les habits s'enfilent rapidement. Le temps de repasser par le supermarché déjà ouvert (tu crois quand même pas que j'allais écrire que j'allais repasser mes fringues à 6h du matin!!), on achète de quoi refaire un déjeuner efficace et nous voilà partis.
Au poste de contrôle des billets, il n'y a pas grand monde. Il est 6h30 quand on s'y pointe et les gardiens sont encore dans le cirage, comme nous en somme...
On retrouve le Siq pour la 3ème journée consécutive, on est comme chez nous. Le long du kilomètre de marche, on doit croiser 3 autres matinaux. Le silence est d'or et le plaisir décuplé. Le soleil est déjà levé mais on n'est pas en retard, le Siq est tellement étroit que de toute façon la lumière n'y pénètre jamais complêtement.
Nos pas résonnent dans les lieux. A la fin du long corridor, la silouhette du Trésor se laisse entrevoir et, pour la première fois, pas l'ombre d'un bob pour gâcher la vue. L'endroit d'ordinaire bourdonnant est baigné de calme. Seuls une petite dizaine de personnes sont arrivées avant nous, mais à cette heure là, tout le monde est respectueux du plaisir des autres. Les cameliers ne proposent pas encore les ballades et nous laissent profiter du calme. Voir le Trésor à cette heure, c'est comme le voir pour la première fois, effet garanti. Les conditions resteront identiques pendant presque une heure, les gens arrivent au compte-gouttes. En plus, c'est le moment pendant lequel la lumière pénètre pour éclairer en partie l'auguste batiment.
La lumière disparaît à 8h30, c'est à dire l'heure à laquelle le gros des troupeaux déboule. En 5 minutes, c'est rempli de visiteurs, de charioles, de vendeurs à la sauvette. Il est temps pour nous de lever le camp.
L'itinéraire du jour ne nous éloigne pas pour autant du Trésor, puisqu'en contournant le Siq par la droite, il est théoriquement possible de pouvoir dominer le Trésor depuis un point de vue à l'écart de la foule puisque nécessitant une nouvelle heure de grimpette.
On profite de l'itinéraire pour en plus aller voir en détails des batiments que nous avions gardés non-visités pour cette occasion. En plus, on fait en sorte que tout le long, on devance la meute. On profite du plancher des chameaux une heure avant d'entamer la nouvelle ascension.
Comme la veille et l'avant-veille, dès que le sentier entame la montée, le chemin se transforme en escaliers. Et comme d'habitude, on arrête spontanément de parler alors qu'on franchit les premières marches. L'effort est violent et le second souffle se fait attendre. Pas bien longtemps quand même, je grimpe maintenant comme un chamois. Alors qu'on approche du sommet, la vue en contrebas s'ouvre sur l'amphithéâtre de 4000 places, c'est beau et bienvenue pour faire une petite pause. Petite car le plat de résistance nous rappelle quand même à son bon souvenir. 3 backpackers sont déjà sur le chemin de la redescente et sont encore bouche bée du spectacle à suivre pour nous. On reprend les sacs et zou, quinze minutes de marche(s) plus tard, on se fraye un passage entre les rochers et le Trésor est là, 100 mètres en contrebas.
Là où nous sommes seuls, encore, à profiter de la perspective.
En dessous, devant le Trésor, ils ont des centaines à passer sans se douter qu'au dessus de leur tête trois cigales se dorent au soleil avec les yeux posés sur la même chose qu'eux mais en version aérienne.
Comme en plus, on connait la technique, on mange comme des lions affamés tout le bardas que nous avions durement porté jusqu'à cette endroit reculé.
la redescente est provoquée par l'arrivée de quelques personnes un peu bruyante à notre gout mais pas de crise, nous avons plus que largement squatté le point de vue pendant plus de 2h sans voir personne à notre étage. Lorsque nous atteignons le bas des marches, il est 14h. On peut maintenant dire qu'on a fait le gros des itinéraires sur le site de Petra. Reste maintrenant à attendre le soir même la découverte de Petra-by-night...
Touit le monde entre à l'hotel pour dormir, profiter de la terrasse ensoleillée, ou écrire à ses ouailles. L'après-midi s'écoule enfin dans un calme relatif, c'est bon de pouvoir se poser un peu! Ca durera jusqu'au coucher du soleil que l'on partagera avec les nouveaux venus dans les murs, notre parole est celle d'anciens combattants pour qui Petra n'a plus de secrets, les nouveaux posent les questions et écoute religieusement les réponses d'autant que je pense qu'en 3 jours, on a bien obtimisé notre emploi du temps. Il fait nuit avant 18h, c'est pas qu'on est pressé mais autant ne pas être en retard. L'entrée de nuit est à 20h30, on quitte l'hotel à 19h.
Le temps de manger dans le village, d'arriver à l'entrée principale, de s'inscrire sur le registre des visiteurs nocturnes, on est dans les startings-blocks à 20h comme prévu.
La foule s'agite, il est 20h25. Un guide vient faire l'inventaire de ce qu'il faut faire et ne pas faire.
Les visiteurs qui sont au nombre de 300-400, doivent garder le silence durant toute la durée de la soirée (tant mieux). Tous devront marcher les uns derrières les autres dans le Siq pour que chacun puisse se satisfaire du plus grand angle de vue (re-tant mieux).
A 20h30 sonnantes et trébuchantes, le convoi se met en place. Tout le monde reçoit l'ordre de se rendre devant l'entrée principale pour donner son billet et, plus important, prendre sa place dans la file. Ayant flairé le coup il y a de nombreuses minutes, le Braïce national a entraîner ses compagnons dans son sillage pour être parmi les premiers. Et devinez quoi? En arrivant à la grille, on EST les premiers!!!!
Le guide qui sera tout seul pour faire transiter dans le Siq toute la caravane a malgré tout 3 amis avec lui. Bordel!!! Ils nous passent devant et on reste impuissants. Pas même un carton jaune à dresser, les potes du guide sont inattaquables. Nos positions dans la file sont donc N°4, 5 et 6, pas mal pour un coup d'essai.
La ligne formée par les visiteurs se met en mouvement. Seul le bruit des pas se donne à notre écoute. De toutes façons, dès que quelqu'un a la mauvaise idée d'ouvrir la bouche, il est repris de volée par des "Chuuuuuuut" unanymes.
Avant le Siq, les bougies se suivent tous les 10 mètres.
Dans le Siq, elles sont de parts et d'autres éloignées de 5 mètres les unes des autres. Ce n'est pas assez pour qu'on puisse voir grand chose mais juste suffisant pour voir où on met les pieds sur le sol tantôt plat, tantôt pavé, tantôt rocailleux. Ceux qui mettent le nez pour la première fois dans le Siq ne doivent avoir aucune idée de ce qui les toise. Nous, en vieux de la vieille, on plane!!
On marche comme ça à pas rapide jusqu'au Trésor. Ici, les bougies sont partout sur le sol; un véritable damier sauf qu'il y en a des centaines!!
Toujours dans le silence, nous sommes invités à nous assoir sur de grands tapis installés en long à travers les rangées de mèches incandescentes. C'est confortablement installés qu'on pourra profiter du spectacle. Le reste de la meute finit par s'assoir aussi. Le trésor nous domine dans une quasi-obscurité. Un "quasi" qui fait une énoooorme différence.
Des bédouins arrivent avec de grands plateaux, tout le monde se voit offrir en un temps record un thé chaud pas nécessaire car il fait encore une vingtaine de degrés mais c'est bienvenue quand même.
Une fois tout le monde servi, un musicien arrive. Il tient dans sa main une sorte de petit violon dont il ne tarde pas à jouer. Toute l'audience a l'oreille rivée vers la mélodie mystérieuse et envoutante. Le bédouin musicien entame par moment également des chants ancestraux. C'est beau comme de voir Petra éclairée par des centaines de bougies. A l'issue de la performance, le flot des applaudissements vient rompre magistralement le silence donnant à tous une chair de poule pas piquée des hannetons. Lorsque les applaudissements s'interrompent, le son d'un fifre (petite flûte) sort des entrailles du trésor. La chair de poule est permanente.
De l'unique immense porte du batiment sort un nouveau bédouin qui nous délivre de nouvelles ritournelles en marchant entre les spectateus assis. Le morceau est religieusement écouté. Les gens ont pour moitié les yeux rivés sur le musicien mouvant, les autres sur la façade immobile. Et alors que le musicien se stoppe, les appaudissements reviennent déchirer le silence. L'effet sonore est surpuissant et vaut à lui seul le détour.
Les applaudissements finis, les gens comprennent que la représentation est terminée. 90% des auditeurs prennent alors le chemin de la sortie, pas nous.
Nous, il faudra attendre qu'on nous dise de partir pour qu'on lève le camp, pas folle la bête!
On dira donc un dernier au revoir à Petra parmi les derniers. Le Siq s'ouvre pour nous dans un dernier silence éclairé faiblement par l'éclat des bougies mais illuminé de dizaines de souvenirs vécus ici.
Inutile de dire que ces 3 jours resteront longtemps présents dans les coeurs de chacuns.
Marche, découverte et contemplation. Programme exquis ponctué de repas gargantuesques.
La dernière soirée sera du même accabi (orthographe accabi ?!?), et l'échange d'adresses e-mail solennel.
Je serais le premier levé le lendemain matin à une heure que la pudeur matinale m'interdit de dévoiler.
Les aux-revoirs et à bientôts se feront avant la fermeture des écoutilles.
C'est ici qu'on se dit bonne nuit nous aussi.